Le roi Guézo (1818-1858), lors de l’une de ses conquêtes, a ramené de Kpingni dans la Commune de Dassa-Zoumè, le forgeron Ekplékindo Akati. Admis au sein du royaume comme prisonnier de guerre, il a mis son savoir-faire professionnel et spirituel au service de la monarchie dahoméenne. Ceci, à travers la fabrication des objets décoratifs, des bijoux pour le souverain et la vénération du Gou, le dieu protecteur des métallurgistes.
Dans le royaume de Danxomè, tous les captifs de guerre ne sont pas systématiquement vendus comme esclaves ou exécutés. Certains, à cause de l’agilité de leurs doigts et de leurs services dont le pouvoir royal a besoin pour son hégémonie, échappent à la sentence de la décapitation et au statut d’esclave. Faisant partie des captifs préservés, le forgeron Ekplékindo Akati a contribué au rayonnement du trône royal. Damien Akati, descendant de Ekplékindo, est sur les traces de ses aïeuls. Il exerce lui aussi la forge depuis une vingtaine d’années. En se référant à l’histoire, il raconte que le roi Guézo, à l’issue de l’une de ses conquêtes, a ramené de Kpingni (Dassa) son aïeul. Forgeron, le roi a estimé qu’il peut apporter un plus à son royaume. Ainsi, le monarque l’a installé au quartier Azali non loin de son ‘’Azaxo’’. C’est-à-dire la chambre destinée à garder les précieux objets du roi Guézo. Poursuivant son récit, il informe que la réalisation des armes de guerre et des objets en métaux précieux du roi est spécialement confiée à Akati avec Akankossi, son fournisseur de charbon. Etant un forgeron métallurgiste, précise Gabin Bernard Djimassè, directeur de l’Office du tourisme d’Abomey et région, la famille Akati, produit alors les ‘’Houisso’’ ou coupe-coupe, des hachettes des adeptes de Ninssouhoué dénommés Ninssouhouéhoui en langue locale fon, des ‘’Goubassa’’ des rois, la recarde ou le bâton de commandement. Il fabrique également les bracelets (Maoulè et Tchaba) et les cannes. Considéré comme un spécialiste de l’extraction du fer, il travaille l’aluminium, et le fer. Ces métaux, matières premières du forgeron Akati sont aujourd’hui très rares créant ainsi de nombreuses difficultés à la forge.
La métallurgie, un secteur en déclin
La métallurgie traditionnelle est en agonie dans le royaume à cause de l’indisponibilité de la matière première. Comme Damien Akati, les principaux animateurs de ce secteur stratégique se plaignent de la rareté des métaux. « Il devient aujourd’hui plus difficile de trouver les métaux », note Damien Akati. Responsable du clan des forgerons d’Akatihoué à Azali, il estime que ce sont les acheteurs ambulants de ferraille qui tuent le secteur. « Ils rasent tout sur le terrain et nous ne trouvons plus rien », fait-il observer. Par conséquent, le fer coûte plus cher qu’avant. Face à cette difficulté, le spécialiste n’a d’autre alternative que de se rabattre sur les quincailleries. Damien Akati indique qu’il recourt aux boutiques pour s’approvisionner en matières premières. « Les tôles de 20 ou de 10 en aluminium se vendent à 22 500F Cfa», confie-t-il tout en ajoutant que ce prix varie en fonction du marché. Au regard de ces goulots d’étranglement, le directeur de l’Office du tourisme d’Abomey et région, Gabin Djimassè, fait remarquer qu’aujourd’hui, le métier de la forge s’appauvrit et peut disparaître au fil des jours. « La forge n’a plus sa notoriété du temps des rois », constate-il. Cette situation est due, selon lui, à la fin du pouvoir monarchique pour signifier que la colonisation du pouvoir a fait perdre au souverain ses prérogatives d’autrefois. Ainsi, le forgeron Akati, même s’il existe toujours à Abomey, n’est plus trop dépendant de la royauté et le roi n’a plus l’exclusivité de passer commande auprès de lui. C’était le roi qui fournissait les métaux et c’était lui qui consommait toute la production du forgeron au sein du royaume. Mais aujourd’hui, les données ont changé. Ainsi, en dehors des objets traditionnels, le forgeron Damien Akati, pour pérenniser l’héritage, innove en fabriquant sur commande divers produits pour la consommation populaire. Cette stratégie, à en croire ses confidences, lui évite la mévente et lui permet de rentabiliser son métier. Cependant, il est confronté à d’autres difficultés liées aux moyens financiers.
‘’ Gou’’, le protecteur des métallurgistes
Le forgeron Akati n’a pas été qu’artisan. Sur le plan spirituel, cet ancien captif de guerre a été un Gounon, un ministre du culte dieu Gou. Autrement dit, il a été l’homme de main du roi Guézo. Artiste plasticien, il a, grâce à son ingéniosité, sculpté l’effigie de la divinité du dieu Gou en fer. Cette statue, qui est un autel portatif appelé « assen » en langue nationale fon, est installée au palais royal avant d’être emporté en France après la conquête coloniale française. Le Gou, dieu de fer, est vénéré par les forgerons, les artisans, les artistes et tous ceux qui travaillent les métaux. Il se trouve comme entité dans toutes les grandes familles des divinités. Son autel constitué d’un amas de ferrailles reste toujours à l’air libre. D’après les explications de Damien Akati, cette divinité joue un rôle de protection et de veille sur ses adeptes et l’ensemble du royaume lors des guerres de conquête permettant ainsi au monarque de réussir sa mission. La représentation de Gou d’Akati est exceptionnelle de par sa taille (de dimension humaine), la nature des matériaux qui la compose (bois et du métal de récupération), et la variété des techniques utilisées lors de sa réalisation (le fer est forgé, laminé, martelé, clouté, riveté). Le rapatriement de cette œuvre par la France était très attendu par les citoyens béninois. Malheureusement leurs attentes n’ont pas été comblées parce qu’elle ne figure pas parmi les objets ramenés. Ils voudront attendre encore quelques années.
Zéphirin Toasségnitché
(Br Zou-Collines)