Des maraîchers, installés par la mairie sur le site de l’ex-Irho (Institut de recherches sur les huiles et oléagineux) et des Eaux, forêts et chasse dans l’arrondissement de Sèmè-Podji, après la fermeture des carrières de sable en 2009, sont en train de perdre leur domaine de travail estimé à plus de 300 hectares. Et pour cause, le domaine est morcelé et vendu à des particuliers. Ils crient au scandale et appellent le chef de l’État au secours, afin de préserver leurs emplois.
Depuis des décennies, les carrières de sable marin étaient la principale source de revenus de milliers de jeunes de Sèmè-Podji. Vu les conséquences écologiques de cette activité, le gouvernement du Président Boni Yayi a décidé d’y mettre fin. Que faire pour sauver la jeunesse de cette localité du chômage et de ses conséquences ? Le régime défunt a alors décidé de trouver des sites de maraîchage aux jeunes par une politique de reconversion. Plusieurs hectares de l’État leur ont donc été octroyés par la mairie pour y faire le maraîchage. Une fois installés sur les lieux, la plupart de ces maraîchers, surtout de la zone abritant l’ex-Institut de recherches sur les huiles et oléagineux (Irho) sont tout le temps résistés face à des particuliers qui réclament des parcelles dans leur domaine de travail. « A notre grande surprise, de prétendus sinistrés ont été ramenés de Cotonou pour y être installés. Nous nous sommes opposés sans succès à cette opération. De résistance en résistance, certains d’entre nous ont été arrêtés, emprisonnés, leurs matériels agricoles confisqués, les cultures détruites. Mais nous n’avons pas reculé étant donné que le maraîchage reste la seule activité de subsistance pour la majorité des jeunes actuellement. C’est cela qui a encouragé le gouvernement à leur accorder, chaque année, son soutien par des financements à travers des prêts, dons et autres assistances en nature…», ont écrit les responsables des coopératives, Sisindagbé et Viproma dans une lettre qu’ils ont envoyée aux différentes structures de l’État, tout en y mentionnant que cette opération de réinstallation de sinistrés de Cotonou n’est qu’un hold-up foncier. Pour eux, cette situation qui perdure dans la zone risque de les pousser à l’abandon de leurs activités de maraîchage, si rien n’est fait.
Retour en force
Selon les investigations, à l’avènement au pouvoir du président Patrice Talon en 2016, plusieurs présumés propriétaires terriens dans ledit domaine avaient disparu. D’autres ont même sauté leurs plaques. A moins de deux ans de la fin du régime en place, ils reviennent au galop. Maintenant, il y a des perturbations. « Sur ce site, il y a trop de perturbations actuellement concernant ceux qui y érigent des constructions, sous prétexte qu’ils ont acheté des parcelles auprès des autorités de la marie de Sèmè-Podji. On se demande comment un domaine public peut être vendu ? C’est ici que nous arrivons à subvenir à nos besoins vitaux. Le gouvernement ne cesse d’investir dans le maraîchage. On a reçu des dons de l’État concernant les forages, les moto-pompes, les bandes perforées qui nous permettent de bien faire notre travail. Je dois un grand respect au président Patrice Talon. A son arrivée au pouvoir en 2016, ces propriétaires se sont effacés. On avait la paix. Comme ils voient venir la fin du régime du président Talon, ils ont commencé par revenir sur le domaine…», a fait savoir Emmanuel Killayossi, président de la coopérative Sisindagbé dans un entretien.
Appel au chef de l’État
Ces maraîchers invitent le président Patrice Talon à leur venir en aide, car plus de 1500 emplois sont menacés. « Aujourd’hui, on est au-delà de 1500 personnes sans oublier des femmes qui nous aident. On appelle notre président à venir à notre secours. Si on perd ce domaine, que vont devenir les enfants de Sèmè-Podji ? Les maraîchers de la Commune sont en train de relever un défi. C’est l’agriculture qui a fait avancer les autres pays. C’est elle qui élèvera aussi le Bénin. Le chef de l’État s’y investit. Qu’on vienne nous aider à sauver ce domaine…», a plaidé Emmanuel Kilayossi.
Réactions des autorités indexées
Principal accusé dans cette affaire qui a commencé sous sa mandature, l’ancien maire de Sèmè-Podji, Mathias Gbèdan, a reconnu que le domaine querellé est une propriété de l’État. Mais, il soutient qu’il ne s’est pas mêlé à cette vente. « Est-ce que le domaine appartient à la mairie pour que le maire Gbèdan fasse des morcellements? C’est un domaine de l’Etat. Donc, ceux qui parlent ne savent pas de quoi ils parlent. Si le maire Gbèdan était impliqué, je serais déjà interpellé comme les maires qui ont des problèmes avec les domaines publics. Nos frères maraîchers en appelant mon nom pêchent par ignorance. Que Dieu les pardonne…», a-t-il réagi. Des acquéreurs sur le site soutiennent qu’ils ont régulièrement acheté leurs parcelles. « J’ai trois parcelles dans le domaine. J’étais sinistré à Pk 10 et j’ai été recasé là…», a indiqué au téléphone un colonel des douanes à la retraite. Le maire actuel de Sèmè-Podji, Jonas Gbènamèto, a même déjà rencontré les maraîchers sur la situation. Toutefois, il soutient qu’il ne peut pas empêcher lesdits propriétaires terriens de s’installer dans la mesure où c’est l’Etat qui leur a cédé les parcelles. Il a dit ne pas être en mesure d’arrêter le processus. Pendant ce temps, la tension est palpable sur ledit site. Maraîchers et présumés sinistrés s’affrontent presque tous les jours sur ce domaine de plus de 300 hectares. Vivement que les responsabilités soient prises par qui de droit pour apaiser les tensions avant que la situation ne s’embrase. Cette intervention aurait le mérite de sauver des centaines d’emplois qui se trouvent être menacés du fait du morcellement et de la vente anarchique du domaine.
Jules Yaovi Maoussi (Br Ouémé-Plateau)