Joint par « Le Matinal » pour opiner sur le vote de la nouvelle loi organique sur le Conseil économique et social (Ces) qui parmi les modifications opérées, exclut les Centrales et Confédérations syndicales, le secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs du Bénin (Unstb), Appolinaire Affèwé, a exhorté le chef de l’Etat à prendre en considération le plaidoyer des leaders syndicaux et à voir l’image que va projeter le Bénin avec cette nouvelle loi à l’international. Ci-dessous, ses propos.
Le Matinal : Que vous inspire le vote de la nouvelle loi organique sur le Conseil économique et social (Ces) qui écarte entre autres, les Centrales et Confédérations de l’institution, malgré votre plaidoyer en direction du Parlement?
Appolinaire Affèwé : Je pense que par rapport à cette loi, lorsque nous avons été informés de l’initiative de sa révision, nous avons essayé de donner notre lecture du dossier surtout par rapport aux informations qui nous étaient parvenues, par rapport à l’orientation donnée à la relecture. Et donc, nous avons rencontré les députés toute tendances confondues pour discuter du sujet. Donc, le vendredi avant le vote, nous étions à l’Assemblée nationale où nous avions pu rencontrer le président de la Commission des lois sur instruction du président de l’Assemblée nationale que nous avions pu saisir entre temps pour solliciter une rencontre avec lui. Nous avons aussi rencontré les présidents des trois groupes parlementaires. Nous n’avons pas vu certains mais nous les avons contacté au téléphone pour poser notre préoccupation. Nous avons rédigé un document de plaidoyer qui a été distribué à tous les députés présents et qui relate de long en large notre point de vue sur le sujet. Nous avons constaté au moment du vote que des députés ont voté dans un sens qui ne prenait pas en compte notre plaidoyer. C’est des prérogatives des députés de voter des lois. Je pense qu’ils ont joué leur rôle. Nous, nous prenons acte de la décision qui a été prise par les députés et je pense que nous allons aviser pour la suite. Nous allons nous concerter dans la mesure où les actions qui ont été menées dans ce cadre-là, l’ont été dans une logique d’unité d’actions, pour voir ce que nous devrions faire. Mais en réalité, nous avions au même moment où nous adressions notre plaidoyer aux députés, nous avons saisi le président de la République avec qui nous pensons aussi échanger sur la question parce que les lois votées à l’Assemblée nationale, avant leur entrée en vigueur, doivent être promulguées par le président de la République. Sur ce sujet là, la Constitution donne un certain nombre de prérogatives pour une seconde lecture de cette loi-là. Donc, nous avons saisi le président de la République et nous attendons une possibilité de le rencontrer et de discuter également avec lui pour lui faire part de notre lecture de la situation et de lui adresser également notre plaidoyer pour voir ce que ça va donner. Mais pour le moment, nous ne nous sommes pas encore concertés pour d’autres actions. Nous nous sommes arrêtés pour le moment sur ces actions-là espérant l’appel du chef de l’Etat pour discuter de la question.
Avez-vous pris connaissance de la nouvelle loi votée ?
Le contenu de la nouvelle loi, je l’ai vu. Je l’ai vu sur les réseaux sociaux, mais pas la version signée provenant de l’Assemblée nationale. J’ai suivi les débats lors du vote sur la télévision de l’hémicycle. Je pense que fondamentalement dans ses grands traits, ce qui a été adopté par l’Assemblée nationale n’est pas différent du document qu’on a vu au départ et qui a fait l’objet de notre plaidoyer.
En tant que secrétaire général d’une organisation syndicale, ça vous fait quoi de perdre un acquis qui date de plusieurs années au Bénin ?
Nous ne considérons pas encore que nous avons perdu un acquis puisque je vous ai dit tout à l’heure les démarches qui ont été menées et les attentes que nous avons. Donc, nous n’avons pas encore épuisé les échanges avec les différentes autorités. Nous ne pouvons pas encore dire que nous avons perdu un acquis. Nous estimons que le sens de ce que nous avons développé est suffisamment édifiant et finira pas convaincre les autorités à divers niveaux de notre pays sur la nécessité de restituer aux organisations syndicales de pouvoir désigner leurs représentants au sein du Ces. C’est vrai, dans les débats qui ont été faits à l’Assemblée nationale, les députés ont à plusieurs reprises martelé qu’il y a la possibilité de désigner des leaders syndicaux parmi soit les représentants de l’Assemblée nationale, soit par le président de la République. Mais il faut dire que l’image que cela donne n’est pas toujours l’image de la liberté syndicale, pas au sens de la convention 87 de l’Oit, parce que lorsque vous êtes désigné par des politiques pour une représentation dans une institution comme le Ces, ce n’est pas toujours la même chose, lorsque vous êtes désignés par une organisation de travailleurs que vous représentez dans une telle institution. Nous pensons que des échanges jaillissent la lumière. Certainement dans les échanges, la lumière viendra, et nous allons nous entendre.
Les arguments avancés pour procéder au retrait des syndicats du Ces vous ont-ils convaincus? Ne s’agit-il pas selon vous, d’un règlement de compte quand on se réfère à la dernière actualité sur la protestation contre la cherté de la vie au Bénin ?
Je ne pense pas. Je ne fais pas du tout un lien avec dans la mesure où les organisations syndicales ne sont pas les seules organisations qui n’ont plus la possibilité de désigner des représentants au niveau du Ces. Les organisations de la société civile, les associations sportives et de développement etc. sont également concernées. Il y a plusieurs composantes de l’ancien format du Ces, qui n’ont plus la possibilité de désigner des représentants. Donc, je ne fais pas du tout un lien par rapport à cela. Sur les reproches, je n’en sais véritablement pas. Les députés ont le pouvoir de voter, d’orienter l’action parlementaire dans un sens comme dans un autre compte tenu de leurs priorités, mais je ne pense pas qu’il y ait fondamentalement un reproche qui soit fait aux organisations syndicales ou représentants des organisations syndicales au sein des anciennes mandatures du Ces. Je pense beaucoup plus que l’orientation, les reproches des députés étaient dans le sens de ce que les uns et les autres se plaignaient de l’efficacité de l’action des anciennes mandatures du Ces, par rapport à ce qui peut leur être amputé en termes de résultats, de rendement et c’est cela d’après ce que j’ai entendu, qui n’était vraiment pas au rendez-vous et qui a suscité les réformes qui ont été proposées. Donc, pour moi ce n’est pas fondamentalement parce que on reprochait quelque chose aux représentants des organisations syndicales au sein des anciennes mandatures du Ces, que ces organisations syndicales ont été évincées. C’est par rapport à l’ensemble de l’institution que le reproche était fait et qui a conduit à opérer les choix qui ont été opérés.
Un message à lancer au chef de l’Etat, à qui revient le dernier mot pour que s’il y a possibilité de revoir les choses, que les choses puissent être revues ?
Si j’ai une doléance à l’endroit du chef de l’Etat, elle serait de considérer le plaidoyer des Centrales et Confédérations syndicales qui est allé en sa direction et de voir un peu l’image de notre pays parce que quand nous considérons l’espace francophone en général et même la grande métropole qu’est la France, les Conseils économiques et sociaux, comptent toujours en leur sein, des représentants des travailleurs salariés qui sont désignés par les organisations des travailleurs salariés et par rapport à cela, il ne serait pas bien que notre pays puisse afficher une configuration du Conseil économique et social atypique qui en réalité ne ressemble pas dans sa configuration à ce qu’il y a comme Conseil économique et social dans les autres pays de la zone francophone et donc, c’est encore possible de revoir les choses, de tenir compte des plaidoyers des organisations syndicales. Nous pensons quand même que le chef de l’Etat est attaché à l’image de notre pays et donc pourra faire quelque chose dans ce sens.
Propos recueillis par Serge Adanlao