Les travaux du premier congrès ordinaire du parti « Les démocrates » tenu les 14 et 15 octobre 2023 dans la cité des Koburu ont consacré l’élection de Boni Yayi à la présidence de cette formation politique de l’opposition. Une option politique qui selon plusieurs sources proches du parti, se justifie par l’enjeu des prochaines élections mais qui s’avère aventureuse à maints égards.
Boni Yayi assure désormais les premiers rôles au niveau du parti Les démocrates. Selon plusieurs sources proches du parti, le choix vise à maximiser les chances du parti aux élections générales de 2026. Un choix discutable qui d’ailleurs ne fait pas l’unanimité au sein du parti. Beaucoup de militants estiment en effet que Boni Yayi pourrait apporter une contribution de qualité au parti même en étant président d’honneur. Ceux-ci estiment qu’il s’agit d’un choix risqué puisque beaucoup se demandent ce que Yayi peut encore apporter au peuple après ses dix ans passés à la tête du pays et ses nombreuses tentatives pour remonter la pente depuis son départ en 2016. Même son implication dans la campagne des dernières élections législatives n’a pas permis de bousculer le rapport de force. La belle preuve en est que son parti, en dépit de toute l’énergie qui a été déployée, n’a engrangé que 28 députés. Au regard de tous cela, le choix de Boni Yayi apparaît comme un choix par défaut. Une option atypique étant donné que c’est la toute première fois qu’un ancien président de la République signe son retour sur la scène en prenant la tête d’une formation politique. Les travaux ont en effet consacré la dissolution de l’ancienne coordination du parti dirigée par Eric Houndété. Dans la foulée, le président d’honneur, Boni Yayi a également déposé sa démission. C’est alors que commence à se dessiner dans les esprits, ce qui jusque-là, apparaissait comme une rumeur, à savoir la désignation de l’ancien Chef d’Etat et président d’honneur, Boni Yayi à la présidence du parti. Les choses n’ont pas raté et la fumée blanche est finalement sortie en début d’après-midi de la journée du dimanche 15 octobre 2023. Boni Yayi est donc porté à la tête de la coordination nationale du parti « Les démocrates », constituée de 89 membres. L’ancien président du parti Eric Houndété, devient premier vice-président. Nourénou Atchadé devient le deuxième vice-président. Kamar Ouassangari conserve son poste de secrétaire administratif du parti. On note par ailleurs de nouvelles entrées dans le bureau notamment celle de Guy Mitokpè qui officie en qualité de premier secrétaire à la communication. Le fils de l’ancien président de la République, Chabi Yayi, a été, quant à lui, désigné secrétaire aux relations extérieures du parti.
Yayi, un mal du pouvoir qui inquiète
L’ancien président de la République a fini par jeter le masque. L’homme a fini par réaliser son dessein narcissique de jouer les premiers rôles à la tête du parti « Les démocrates ». Beaucoup voyaient déjà venir ce qui se cachait derrière les nombreuses descentes sur le terrain du désormais ancien président d’honneur du parti dont il vient subtilement de prendre la présidence. Ce faisant, l’ancien chef d’Etat démontre qu’il a du mal à transcender son goût effréné pour le pouvoir, lui qui a pourtant promis de se donner une retraite paisible après son passage calamiteux et chaotique à la tête du pays. Visiblement, les dix ans de gouvernance et le poids de l’âge n’ont pas suffi à amener l’ancien chef d’Etat à changer de fusil d’épaule et adopter une posture responsable, loin de la scène politique, à l’instar du regretté Mathieu Kérékou à qui il a succédé. Il pouvait à défaut, continuer d’être le président d’honneur du parti, un poste de prestige qui faisait déjà de lui, le leader charismatique et une caution morale pour le parti. Mais c’est mal connaître l’homme qui, durant ses deux mandats à la tête du pays, a passé le clair de son temps, à sillonner hameaux et villages, en quête de popularité, laissant de côté les réelles priorités du pays. Sa gouvernance de caniveau sur fonds de populisme a été éclaboussée par des scandales cycliques dont le Bénin continue de trainer des séquelles en dépit des efforts de l’actuel régime. Par ce retour fracassant sur la scène de la politique active, Boni Yayi vient de donner une fois encore la preuve qu’il a du mal à soigner sa maladie : la boulimie du pouvoir.
Eric Houndété sacrifié
L’émouvant mea culpa et les larmes versées par l’ancien président du parti « Les démocrates » dans son discours de 90 minutes, n’auront pas suffi à éteindre les ambitions suspectes de Boni Yayi pour la présidence du parti. En réalité, Eric Houndété a été débarqué de la tête de cette formation politique pour permettre à ses nombreux ennemis à l’interne, de réaliser un vieux dessein : celui d’arracher le parti des mains d’un sudiste. En réalité, la consécration de Houndété à la tête du parti lors du congrès de 2020 était un choix par défaut pour maquiller les choses et contourner les critiques persistantes de l’opinion qui voyait derrière le parti créé sous l’instigation de Boni Yayi, des relents régionalistes. Mettre un sudiste à la tête du parti devrait contribuer à corriger de façon subtile, ce cliché. Pourtant dans les faits, la période de grâce accordée à Houndété n’aura duré qu’un feu de paille. Il sera constamment la risée des thuriféraires de Yayi qui était fréquemment sollicité pour éteindre le feu. La guéguerre entre Eric Houndété et Nourénou Atchadé aura été la manifestation concrète du malaise qui prévaut au sein du parti et qui selon certaines indiscrétions, a dressé le lit à l’avènement de Boni Yayi. Il vient de réaliser avec Les démocrates ce qu’il n’a pas pu faire au niveau de son ancienne formation politique : Force cauris pour un bénin émergent (Fcbe). On se rappelle en effet qu’après son retour au pays après l’exil qu’il s’était donné, Boni avait vainement tenté d’évincer Paul Hounkpè de la tête du parti à quelques encablures des Communales et Municipales de 2020. Avec le soutien de ses affidés, l’ancien président avait en effet tenté de faire organiser un congrès aux fins de liquider le Secrétaire exécutif national Paul Hounkpè. La mayonnaise n’a pas pris à l’époque et toute honte bue, l’ancien leader des cauris avait dû rompre les amarres d’avec cette formation politique. Éric Houndété se doit de faire cette lecture pour éviter de se faire embobiner dans un hypothétique rêve de porter les couleurs du parti à la présidentielle de 2026. Il devra s’inspirer de l’expérience amère qu’il a vécue en 2021 où il s’est fait hara-kiri à la dernière minute dans la course à l’investiture du parti au profit de Réckya Madougou dont le parrain était un certain Boni Yayi.
2026 : un enjeu de taille
A travers le congrès de Parakou, le parti « Les démocrates » a donné le ton des prochains challenges électoraux. Le thème de ce congrès est d’ailleurs très évocateur de l’enjeu que constituent pour la formation politique de l’opposition, ces joutes électorales. « Défis des élections générales de 2026 : ensemble avec les démocrates, le peuple à la reconquête de sa souveraineté », tel était le point nodal qui a polarisé les réflexions des 300 délégués conviés au congrès. La principale formation politique de l’opposition entend assumer son statut de parti du peuple et pour Eric Houndété le virage de 2026 s’annonce décisif pour le parti. « Il n’y a rien à faire. Nous devons gagner les élections de 2026 », a-t-il martelé dans son discours d’environ 90 minutes au travers lequel, il a dopé le moral des militants. Pour ces élections, le parti entend sortir le grand jeu. L’élection de Boni Yayi à la tête de la formation politique en est déjà un signal.
Abdouhramane Touré