Dans le processus de réduction des inégalités de sexes au Bénin, de nombreux progrès ont été enregistrés depuis 1990. Au niveau institutionnel, le Bénin a introduit l’égalité entre les sexes dans la Constitution de 1990 qui a été révisée en 2019. A cette occasion, un article spécifique réserve un quota d’occupation de sièges de députés aux femmes. Aussi, le Bénin a élaboré une politique nationale de promotion de Genre qui est en cours d’exécution depuis 2010, et pourtant…
A la faveur du décret n°2021-391 du 21 juillet 2021, le gouvernement a créé l’Institut national de la femme qui est rattachée à la Présidence de la République, témoignant ainsi d’une volonté affichée du président Talon de promouvoir l’égalité du genre et l’autonomisation des femmes. Par ailleurs, depuis le 20 octobre 2021, l’Assemblée nationale a adopté la loi n°2021-11 portant mesures spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe et de protection de la femme en République du Bénin. Cependant, comparée aux hommes, la participation des femmes dans l’ensemble, reste encore à un faible niveau comme en témoignent les données statistiques suivantes. A l’issue des élections communales de mai 2020, il y a 70 femmes élues conseillères sur un total de 1815 élus locaux, soit 3,86%. Sur les 77 maires des communes du Bénin, il n’y a que 04 femmes maires. On note seulement 8 femmes sur 83 députés élues au Parlement en 2019, soit 7,23% et 05 femmes sur 23 ministres au gouvernement au remaniement de mai 2021, soit 21,73%.
Etat des lieux
L’état des lieux révèle des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, action sociale), à la justice (non-respect des droits des femmes), aux ressources (emploi, finance, foncier, renforcement de capacités) et aux instances de prise de décision. Les violences faites aux femmes et aux filles, restent préoccupantes. En dépit de la volonté politique du Gouvernement d’éradiquer ces violences, à travers notamment l’existence d’un plan national de lutte contre les Vff et d’une loi réprimant les auteurs, le phénomène persiste. Ces inégalités posent des enjeux en termes de développement (efficacité et durabilité), de justice sociale, de respect des droits humains et de bonne gouvernance. Il devient clair qu’au Bénin, une femme n’aura pas les mêmes chances dans la vie qu’un homme. Et si elle est née dans une zone rurale, ses perspectives sont encore plus limitées. Le rapport d’évaluation du genre au Bénin présente un état des lieux complet des disparités entre les sexes dans différents domaines : les dotations en capital humain (santé, éducation), les opportunités économiques, et la capacité de prendre des décisions et d’agir en conséquence. S’appuyant sur l’analyse des données disponibles les plus récentes, le rapport dresse un tableau qui fait apparaître des progrès sur plusieurs plans, mais aussi des lacunes qui restent importantes et qu’il faudra combler dans les années à venir.
Des lois sur les droits des femmes
Plusieurs textes de loi ont été votés en faveur des droits des femmes en République du Bénin sous le président Patrice Talon. Des réformes cohérentes et qui cadrent avec l’ambition du gouvernement d’œuvrer pour l’épanouissement de la femme : il s’agit de la loi sur l’Ivg. Une permission encadrée. La loi assouplissant les conditions de l’interruption volontaire de grossesse (Ivg) est sans doute la plus critiquée sur les réseaux sociaux. Un constat repris par un journaliste qui demande aux ministres de prendre en compte “le choc provoqué par cette loi qui autorise l’avortement”. Pour clarifier la situation, le ministre de la Santé a précisé il y a quelques mois que la modification de la loi sur la santé sexuelle et reproductive vise plutôt à éviter “la survenue des avortements clandestins qui avaient cours du fait de la loi qui était restrictive” Cette loi dite “d’encadrement de l’Ivg” édicte de nouvelles conditions plus souples comme les cas de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle, pour autoriser une femme enceinte à recourir à l’avortement de façon régulière dans un centre médical. Des décrets préciseront les conditions d’application des dispositions de la loi, a assuré le ministre Benjamin Hounkpatin. La répression des violences sexistes, les abus sur les femmes seront découragés. De nouvelles infractions ont été criminalisées, c’est-à-dire qu’elles seront réprimées plus durement que par le passé. Il s’agit du mariage forcé, du mariage précoce, des relations amoureuses entre enseignants et apprenants etc… L’ensemble des nouvelles lois objet de débat constitue « un tournant historique dans la lutte pour les droits de la femme dans notre pays », a soutenu la ministre Véronique Tognifodé Mèwanou. Quant au Code des personnes, il n’y a pas de place pour le mariage homosexuel mais aux matronymes. Les nouvelles dispositions portent notamment sur la possibilité de faire porter à l’enfant un nom de famille dévolu par sa mère. Les députés ont en effet pris en compte la décision de la Cour constitutionnelle qui a invalidé les anciennes dispositions consacrant la primauté du patronyme. Ainsi, la loi permet aux parents de retenir de commun accord le nom de famille de leur enfant ; c’est soit le nom du père, soit celui de la mère, ou encore les deux selon l’ordre voulu par les géniteurs. En cas de désaccord, la loi impose les deux noms, celui du père étant mis en premier, celui de la mère ensuite. Autre point de la réforme du Code personnes et de la famille, c’est l’institution de la connaissance des parents comme formalité conditionnant le mariage civil. Il s’agit de valoriser cette pratique propre aux familles béninoises quand elles doivent s’unir à travers le mariage de leurs enfants. Le Bénin ne compte pas légaliser l’union entre personnes du même sexe. Le mariage reste donc une union entre un homme et une femme âgés d’au moins 18 ans.
Un atout nombre chez les femmes
Selon les données de l’Insae, les femmes représentent plus de 52% de la population. Toutefois, force est de constater que l’égalité des sexes n’est pas encore effective au Bénin.
En dépit des dispositions prises pour renforcer l’arsenal juridique destiné à promouvoir et protéger la femme contre les infractions commises sur des bases sexuelles, les statistiques montrent bien que l’égalité des sexes n’est pas vécue dans la réalité. Selon l’enquête Emicov 2011, en matière d’emploi, on constate une présence majoritaire des femmes dans les différents pôles de croissance. Mais, le taux de salarisation des actifs hommes (16,8%) est trois fois supérieur à celui des femmes (5,0%) et les femmes (2,8%) subissent plus le chômage que les hommes (2,4%). De même, le sous-emploi affecte beaucoup plus les femmes (65,4%) que les hommes (41,5%) et ces dernières ont un taux d’activité plus bas que les hommes. Toujours selon la même source, le Bénin dispose d’une fonction publique à dominance masculine, soit 73,23% d’hommes contre 26,77% de femmes. Les femmes, en plus d’être minoritaires par leur effectif, ont par rapport aux hommes, un accès inégal aux postes de responsabilité. Cette supériorité numérique des femmes n’est pas du tout ressentie dans les organes de décision de notre pays malgré les discours flatteurs des autorités politiques à leur endroit.
Dans le gouvernement actuel du Président Talon, on ne dénombre que cinq femmes sur les 24 postes ministériels. La configuration actuelle de l’Assemblée nationale présente un taux de représentativité de 7,22%, de femmes contre environ 9% pour la septième mandature. Depuis l’avènement de la décentralisation, le taux de représentativité de femmes au niveau des conseils communaux a toujours été faible. Sur les 77 maires actuels Bénin issues des élections communales de 2020, on ne dénombre que 4 femmes élues au départ qui sont réduites à 3 à cause des intrigues politiques contre la gent féminine. Il apparaît donc que le travail à mener pour parvenir à l’égalité entre les sexes reste immense et nécessite une volonté politique de la part des porteurs de responsabilités pour assurer l’égalité des sexes devant l’emploi, la santé, l’éducation, la justice, les moyens de production, etc.
Appel de la société civile
Dans le contexte socioéconomique très difficile traversé par les femmes en particulier, plusieurs organisations de la société civile à l’instar de Social Watch Bénin lancent un vibrant appel aux porteurs de responsabilités du pays pour qu’ils posent en faveur des femmes, des actions en vue de garantir un début d’égalité entre les sexes. Il s’agit de donner aux petites exploitantes, les moyens d’agir ; de soutenir le leadership des femmes ; financer les organisations de femmes engagées pour l’atteinte des Objectifs pour le développement durable (Odd) et de protéger la santé des femmes et des enfants. Ces organisations invitent également toutes les femmes du Bénin et les hommes épris de justice féministe à rester solidaires et unis au mouvement de construction d’un monde égalitaire pour réclamer des réformes sociales profondes qui placent l’égalité des sexes et la durabilité au centre du progrès.
Sergino Lokossou