Le manioc est l’une des cultures vivrières les plus importantes au Bénin. Il est cultivé dans toutes les régions du pays, offrant une source de revenus et de nourriture pour de nombreux agriculteurs. La commercialisation du manioc joue un rôle crucial dans l’économie du pays, avec des opportunités de croissance et de développement pour les acteurs. Dans sa politique de transformation locale des produits agricoles, le gouvernement annonce pour 2025 la construction d’infrastructures modernes de transformation de manioc.
Denrée de grande consommation, le manioc occupe une place de choix dans l’alimentation de la population béninoise. La demande en ses dérivés s’accroît, mais la production et la transformation restent confrontées à des écueils à surmonter pour en faire une filière porteuse de l’économie. Du manioc découlent plusieurs produits alimentaires. Selon les données recueillies par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), la production mondiale de manioc a augmenté de près de 30% entre 2000 et 2015.
En effet, cette culture est très productive par unité de surface. A en croire un producteur de manioc, quand le choix est bien entretenu et selon le type de sol, le producteur peut se retrouver à 5 ou 7 tonnes. Encore mieux, avec les nouvelles technologies, il peut aller à 20 voire 30 tonnes à l’hectare. Il convient de noter qu’il y a deux (02) principaux types de manioc. Le manioc doux et le manioc amer. Chaque type de manioc prend en compte des variétés. Dans l’Atlantique, des variétés du manioc amer, il y a le Fèkè et le Ago. Pour ce qui est du manioc doux, il y a le Vobodouahor et Dossi. Pour ce qui est de la rentabilité des maniocs, les plus cultivés dans l’Atlantique sont le Ago dont la rentabilité est approuvée et le Dossi qui est aussi cultivé à cause de son aspect blanchâtre après cuisson. Donc ce sont ces deux (02) qui sont cultivés et qui sont très rentables pour les producteurs.
La filière manioc au Bénin connaît une augmentation significative de sa production ces dernières années. Le manioc en réalité est commercialisé sous diverses formes après transformation, telles que farine, pâte de manioc, légumes secs, féculents et biocarburants, ce qui permet aux producteurs d’en tirer un revenu diversifié. Mais malgré les opportunités offertes par la filière manioc, il reste des défis à relever pour garantir un rendement optimal.
Des dérivés du manioc
Du manioc, découlent plusieurs produits alimentaires et commercialisables. Comme dans la plupart des pays africains, il est transformé soit en cossettes, en farine de cossettes, en attiéké, en tapioca, en amidon et surtout en gari. Notons que le manioc peut être conservé plusieurs mois sous terre, une fois arraché, il doit être transformé dans les 3 jours suivants, sinon il peut engendrer des pertes à 100% des récoltes. Au Bénin, la transformation en “gari” est en tête de liste parce qu’elle est plus consommée, économique et vendue, même si elle est sujette à beaucoup de contraintes. Notons que la réputation du gari béninois n’est plus à faire, elle a dépassé les frontières du pays. D’après de récents travaux réalisés sur la filière manioc au Bénin, les prix de gari varient suivant leur qualité et leur conditionnement. L’amidon issu de Manihot esculenta peut être utilisé dans les industries du bois, alimentaire (biscuiterie, confiserie), textile (pour fortifier ou épaissir les vêtements) ou du papier (colle à papier). Ce sont des niches d’emplois à explorer pour mieux positionner cette filière au profit de l’Etat et des transformateurs, malgré la concurrence des marchés étrangers. Le manioc comme aliment de bétail est encore mal vu au Bénin d’un point de vue culturel, il serait réservé à l’alimentation des hommes. D’ailleurs, l’Afrique gagnerait beaucoup du fait de sa position géographique à desservir l’Europe (demandeur avéré) en cossettes de manioc pour alimenter les animaux. La fécule, farine de cossettes ou de manioc (foufou), la décoction de ses racines et feuilles serviraient aussi en industrie cosmétique que chimique. Développer des techniques favorisant de nouvelles activités génératrices de revenus comme la création de savons à base de farine de manioc, la conception de la colle ou des piles, serait un plus pour cette filière et ses acteurs.
Autres atouts et valeur nutritive
Rien ne se perd dans le manioc, tout est comestible et se transforme. Sa culture ne demande pas beaucoup de technicité, la saison des pluies suffit à l’épanouir, elle donne toujours un rendement. Elle s’adapte aux conditions climatiques du milieu et ne craint pas la sécheresse. C’est un végétal économique, pouvant être associé à d’autres cultures comme le sésame, le sorgho, le maïs et nécessite peu d’intrants. Le manioc frais ou sec est riche en glucides. Ses racines vieilles de plus d’un an renferment 25 à 35% d’amidon. La fécule de manioc regorge aussi des vertus pharmaceutiques, on l’utilise pour la fabrication des comprimés. Les tubercules consommés frais contiennent des glucides et sont donc source d’énergie. L’amidon qui en découle sert à la fabrication de l’alcool pharmaceutique, à épaissir les soupes d’une part et à la production du Tapioca. La semoule de manioc “gari” est un atout pour la sécurité alimentaire des ruraux et urbains, car il est consommé par toutes les couches sociales du pays. Sa teneur en vitamine A et en protéines a été révisée par l’Iita, par l’adjonction du soja et d’huile de palme [Département de nutrition et sciences alimentaires de la Faculté des sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin, en collaboration avec l’Iita du Nigéria]. Sa valeur économique, sa capacité de stockage, sa durée de conservation et sa cuisson rapide et son goût lui permettent de concurrencer le riz, le mil, le sorgho ou le maïs, lesquels sont chers et demandent beaucoup de technicité de conservation. Le fufu ou lafun, poudre sèche ou pâteuse obtenue à partir des cossettes de manioc est très apprécié pour ses qualités gustatives, sa facilité de conservation et de préparation, par plusieurs peuples d’Afrique (centrale, Sahel, Ouest). Il occupe la 2ème place dans les habitudes culinaires des habitants après le gari. Le tubercule de manioc est riche en calories par rapport au riz, il donne un effet de satiété, mais ne contient pas assez de protéines. Par contre la consommation de ses jeunes feuilles et tiges, permettrait un régime alimentaire équilibré. Le parcours alimentaire des enfants à base de manioc doit être associé aux céréales et légumineuses pour renforcer le manque de protéines, de substances minérales (fer, phosphore, calcium…) et de vitamines (A,b,c,d,e…) dont l’organisme a besoin pour être à l’abri de la malnutrition.
Améliorer la production et la transformation
Le Plan stratégique de développement du secteur agricole 2025 (Psdsa-2025) a retenu à travers son plan d’actions d’améliorer significativement la productivité et la production des filières agricoles prioritaires dont le manioc. Pour faire de cette filière, un domaine d’intérêt pour les acteurs privés, il importe que des dispositions nécessaires soient prises en vue de promouvoir auprès de ces acteurs, les chaînes de valeur du manioc porteuses de valeurs ajoutées qui peuvent servir de base à la mise en place des unités industrielles. La production du manioc au Bénin, de façon générale, a bénéficié de variétés améliorées performantes et résistantes aux maladies telles que la mosaïque africaine du manioc, la bactériose du manioc, l’anthracnose. Elle a également bénéficié des impacts positifs de la lutte biologique contre les cochenilles farineuses et les acariens verts, deux ravageurs qui, par le passé, ont beaucoup joué négativement sur la production nationale du manioc.
« La difficulté majeure est le prix non fixé parce que le producteur du manioc fait sa récolte et ne sait pas à combien il va vendre. À cela s’ajoute la mauvaise concurrence dans la même localité et compte tenu de la non-fixation du prix cela peut jouer en défaveur des producteurs », confie Marcel Ado producteur de manioc. A tout cela s’ajoute l’accès au marché. « S’il y avait un marché spécialement pour le manioc, et l’on sait que si on s’y rend, on va trouver les différentes variétés de manioc, ça va aider les producteurs ». Les enjeux et défis à relever pour renforcer la production du manioc et ses dérivés pour un accroissement en volume et en qualité de cette production afin de satisfaire les besoins nationaux méritent que des accents particuliers soient mis sur la sécurisation de l’accès au foncier, en particulier dans les zones à forte production de manioc, la difficulté de l’accès à la terre surtout pour les femmes. En matière de production, il faut faciliter l’accès aux intrants, aux équipements et au crédit pour la production du manioc (boutures certifiées, engrais spécifiques, équipements de billonnage, de bouturage et de récolte, d’irrigation de surface pour les grandes superficies, crédit, etc.), l’approvisionnement en intrants spécifiques des localités loin des grands centres urbains, le manque d’informations sur les besoins en intrants spécifiques des producteurs, la promotion de la production des boutures certifiées de manioc, l’introduction et l’utilisation d’équipements modernes de production pour que le producteur quitte progressivement l’utilisation d’équipements tels que la houe, la machette, le couteau, la hache, etc., la valorisation/renforcement des acquis de recherches pour l’expression du potentiel agronomique des innovations et l’articulation plus importante entre la recherche et les besoins des producteurs et la délivrance des services appropriés de conseil aux exploitations familiales agricoles. Au niveau de la transformation, il faut améliorer l’accès aux intrants, aux équipements et au crédit pour la transformation du manioc (variétés adaptées à chaque type de transformation, équipements semi-artisanaux et modernes de transformation, crédit, etc.). Selon le niveau d’activité, des équipements semi-artisanaux et modernes de transformation seront utilisés. Les acteurs seront appuyés par des crédits adaptés à leurs conditions socioprofessionnelles, la diversification des dérivés du manioc avec de nouveaux produits de hautes valeurs ajoutées demandés dans la sous-région, le problème lié à l’énergie électrique, le renforcement de la communication entre transformatrices et transformateurs pour le prix de vente des produits dérivés surtout sur le marché extérieur, la diversification des dérivés du manioc orientés vers l’alimentation animale. A part les épluchures utilisées pour l’alimentation porcine dans quelques zones, le manioc et ses dérivés sont peu utilisés pour nourrir les animaux. Une action dans ce domaine permettra de contribuer à trouver des débouchés à la production du manioc et de renforcer la filière viande et œufs, la mécanisation de l’épluchage. Au niveau de la commercialisation, il est important de maîtriser des techniques de traçabilité et de qualité, la résolution des problèmes d’écoulement des produits transformés, le marketing sur la qualité du produit emballé afin de donner confiance aux consommateurs intérieurs et extérieurs et le développement des actions de marketing pour la promotion de la transformation locale de dérivés de manioc.
Le gouvernement en appui à la filière
Le gouvernement du Bénin a pris des mesures pour soutenir la filière manioc, notamment en mettant en place des programmes de formation et de sensibilisation, des subventions et en encourageant les partenariats entre les agriculteurs et les industries de transformation. Cependant, il est important de renforcer ces mesures et de s’assurer qu’elles atteignent réellement les agriculteurs qui en ont le plus besoin. En bref, la commercialisation du manioc au Bénin est une filière en plein essor, offrant des opportunités économiques pour les agriculteurs et contribuant à la sécurité alimentaire du pays. Malgré les difficultés rencontrées, il est crucial de continuer à soutenir cette filière et de surmonter les défis pour garantir un rendement optimal et une croissance durable.
Sergino Lokossou