Les dernières sessions parlementaires ont été laborieuses pour les députés de la neuvième législature et pour cause. Elles ont consacré l’adoption de deux projets de lois organiques en l’occurrence celle de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) et celle sur le Conseil économique et social (Ces). Dans cet élan de réformes législatives, beaucoup postulent pour une retouche de la loi organique sur la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac).
Lors de sa séance plénière du 19 juin 2024, l’Assemblée nationale a délibéré et adopté la loi n°2024-22 relative à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh). Les changements majeurs intervenus suite à cette relecture de la loi organique de la Cbdh sont relatifs à la composition de l’institution qui passe désormais de 11 personnalités à 7. Cette réforme, selon la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme, vise entre autres, à revoir les organes de fonctionnement de la commission et à procéder à la réduction de l’effectif des membres de la Cbdh. Deux jours plus tard, soit le 21 juin 2024, c’est au tour de la loi n°2024-26 portant loi organique sur le Conseil économique et social (Ces) d’être adoptée par une majorité absolue de 80 voix pour, 28 contre et 00 abstention. L’institution s’est dotée d’un nouvel organigramme avec, à la clé, une réduction drastique du nombre de commissaires. Ici également, le souci de rendre plus visible et plus dynamique l’institution a été la principale motivation de cette relecture. A noter qu’un projet de loi datant de 2024 a servi de fondement juridique à la modification de la loi organique de cette institution. Comme on peut le relever, les révisions des lois organiques de la Cbdh et du Ces, font suite à un diagnostic savamment posé au niveau de ces deux institutions quelques années après leur création : manque de visibilité, non atteinte des résultats probants, souci de rendre plus dynamique leur fonctionnement. Des maux dont souffre également la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), institution régulatrice des médias, prévue par les articles 142 e1 143 nouveau de la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la république du Bénin. En effet, aux termes des dispositions de l’article 142 alinéa 1er de la constitution « La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication a pour mission de garantir et d’assurer la liberté de presse et la protection de la presse ainsi que tous les moyens de communication de masse ». Et à l’alinéa 2 de compléter : « Elle veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication ».
Un bilan mitigé
A la croisée des chemins, après 30 années d’existence, le bilan de la Haac est relativement mitigé. L’institution de régulation des médias n’est véritablement pas restée dans la dynamique de sa mission bipolaire : la régulation des médias et la promotion de la liberté de presse. En 30 ans d’existence, la Haac semble avoir donné plus de reliefs au volet régulation au détriment de celui de la promotion et de la protection de la liberté de presse et des moyens de communication de masse. Le bilan est garni de suspensions et de fermetures d’organes de presse et d’interpellations de promoteurs de médias. Les raisons de ces interpellations et fermetures sont souvent discutables et sujettes à polémique. Ce qui a, entre autres, contribué au déclassement du Bénin dans les rapports annuels de Reporters sans frontières. Depuis les années 2002 à 2005 où le Bénin a connu des périodes de gloire dans le classement Rsf, le pays a dégringolé au plan de la liberté de presse depuis, lors même si dans le dernier classement en date, le rang s’est relativement amélioré.
Retoucher la loi organique pour redorer le blason de l’institution
Au fil des années, la Haac a donné l’impression d’être plus au service du politique que des professionnels des médias. Ce constat effarant qui décrédibilise l’institution et met en cause sa crédibilité, est le corolaire de la forte représentation des personnalités politiques en son sein. Selon la loi organique n° 92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), les membres de l’institution au nombre de neuf (09) au total, sont désignés à raison de trois (03) par le bureau de l’Assemblée nationale, trois (03) par le président de la république et trois (03) par les journalistes professionnels et les techniciens de l’audiovisuel des communications et des télécommunications. Cette disposition a été légèrement modifiée en 2022 à la faveur de l’adoption de la loi n°2022-13 portant loi organique de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication. La nouvelle loi précise que les conseillers sont désignés à raison de trois personnalités dont au moins un juriste par le président de la République; trois personnalités dont au moins un juriste par l’Assemblée nationale (ce n’est plus désormais le bureau du parlement) et deux journalistes professionnels dont l’un de l’audiovisuel et l’autre de la presse écrite puis un technicien des télécommunications. Le texte martèle que les professionnels des médias de l’audiovisuel et de la communication sont désignés par catégorie à la suite d’une élection organisée par la Haac sur le territoire national avec l’appui technique de l’organe en charge de la gestion des élections, qui n’est autre que la Commission électorale nationale autonome (Cena). Comme on peut le relever, sur les neuf conseillers de la Haac, seulement trois proviennent de la corporation. Un déséquilibre qui, de l’avis de beaucoup d’analystes, est la principale cause des résultats mitigés enregistrés par chacune des six mandatures de l’institution. A l’adoption, le 14 juin 2022, de la loi n°2022-13 portant loi organique de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, les députés n’ont malheureusement pas cru devoir corriger cette disparité qui plombe les résultats de l’institution. La Haac étant à la croisée des chemins (plus de 30 ans de vie) tout comme le Conseil économique et social, il ne serait pas impertinent de saisir cette saison qui semble favorable aux réformes structurelles au niveau des institutions de la république, pour doter la Haac d’une nouvelle loi organique en agissant notamment sur sa composition. Cela aura le mérite de rendre l’institution plus performante et à même d’œuvrer à la restauration d’une corporation en totale déliquescence depuis quelques années.
Gabin Goubiyi