Les conseillers de la 7ème mandature du Conseil économique et social (Ces) ont besoin de conseils pour assurer convenablement leurs fonctions de conseil des pouvoirs publics constitutionnels (l’Exécutif et le Législatif). Présent à la cérémonie de leur installation le lundi 24 février 2025 au Palais de La Marina, le président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou, leur en a prodigué quelques-uns. Entre autres, la deuxième personnalité de l’Etat a recommandé l’impartialité de l’office des conseillers qui, dit-il, est le gage de la crédibilité et de la légitimité de l’activité de l’institution. Il leur a également suggéré d’être proches du peuple et de ses représentants, et à l’écoute du peuple car, c’est au prix de cette double proximité qu’ils pourront garantir l’effectivité de la démocratie telle que définie par Abraham Lincoln : le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Ci-dessous, le verbatim de son allocution.
Cérémonie d’installation des membres du Conseil économique et social
Éléments de conseils aux conseillers par Louis Vlavonou, président de l’Assemblée nationale du Bénin
-Excellence Monsieur le Président de la République,
-Mesdames et messieurs les présidents d’Institutions de la République
-Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement
-Mesdames et messieurs les membres du Conseil économique et social,
-Mesdames et messieurs,
Le premier novembre 2019, le pouvoir constituant dérivé a décidé de modifier la Constitution. Cette actualisation de la constitution a permis de donner des habits neufs au Conseil économique et social par le vote de la loi organique portant ladite institution le 17 juillet 2024 afin d’assurer sa modernisation pour mieux répondre aux défis sociaux, économiques et politiques contemporains. Vous avez été choisis pour en être le porte étendard.
À cet égard, l’on ne manquera pas de constater que la récente réforme de l’institution a pour but de faire du Ces l’un des principaux remèdes aux politiques publiques relevant de sa compétence tout en lui donnant une place importante dans le concert des institutions de l’État. En effet, la gouvernance a besoin d’espaces susceptibles de faciliter et d’éclairer le processus de décision politique et d’apaiser les conflits. C’est à cela que vous êtes appelés par la République.
Ainsi, l’attente que l’on espère du Conseil économique et social est qu’il soit un forum-laboratoire de conciliation des idées entre les milieux socio-professionnels et l’intérêt général. C’est la raison pour laquelle on estime que les défis actuels du CES sont tels que la capacité à se projeter vers le futur, en plaçant le secteur tertiaire au coeur des problématiques, lui permettra d’anticiper. Tout comme Jean Paul Delevoye, je suis de ceux qui pensent que le rôle d’un conseil est d’éclairer la décision politique et non de parasiter le processus décisionnel. C’est assurément pourquoi une refonte institutionnelle a été opérée par le législateur.
Il peut paraître prétentieux de vouloir donner des conseils à son conseiller. En pareil circonstance, il me paraît plus judicieux de rappeler ou d’évoquer les missions ou les attributions relevant du cahier des charges de l’institution dont vous êtes membres.
L’institution dont vous êtes membres a pour principales missions d’assurer la participation de la société civile à la politique économique et sociale du gouvernement tout en assurant la promotion d’un dialogue constructif entre les différentes catégories socioprofessionnelle de notre Nation. Elle doit également contribuer à l’évaluation des politiques publiques.
De même, vous avez de nouvelles fonctions : une fonction de relais, de relève et de collaboration.
S’agissant de la fonction de relais, vous servez désormais de pont qui relie les citoyens au gouvernement. À ce titre, l’article 1 al.7 de la loi organique précise que le CES « assure diligemment le relai […] des demandes et des attentes des populations [auprès des institutions de la République] pour l’épanouissement socio-économique [de nos concitoyens], le renforcement de la paix et de la cohésion nationale ». Il s’agit d’abord du relais des attentes socio-économiques de nos concitoyens. À ce propos, le Ces recueille et relaie les préoccupations des citoyens aux décideurs politiques et économiques. Cela inclut des recommandations pour améliorer les conditions de vie, promouvoir l’emploi, et garantir un développement inclusif.
Ensuite cette fonction de relais a pour finalité d’une part, le renforcement de la paix et de la cohésion nationale. Ce faisant, le Ces contribue à une gouvernance participative qui prend en compte les diverses sensibilités sociales et culturelles. Cette approche est essentielle pour désamorcer les tensions et renforcer l’unité nationale. D’autre part, de manière indirecte, cette fonction est une condition sine qua non au développement durable. En analysant les problématiques locales et globales, le Ces propose des solutions adaptées pour favoriser l’épanouissement socio-économique des communautés, tout en respectant les objectifs de développement durable.
En ce qui concerne la relève, elle désigne un rôle ou un mécanisme par lequel le Ces agit comme un intermédiaire ou un successeur pour prendre en charge des responsabilités ou des tâches, soit pour assurer une continuité, soit pour porter les attentes. Cette fonction de relève peut être appréhendée sous l’angle de la vulgarisation, de l’appropriation des textes législatifs, des décisions et règlements publiés par les autres institutions de la République. En effet, cette fonction de vulgarisation des textes dévolue à l’Etat permet au Ces, sous le sceau de la fonction de relève, de sensibiliser les citoyens. Dans ce sens, celui-ci assure la relève de l’Etat dans ce domaine. L’article 1er al. 6 prévoit qu’il « concourt à la connaissance et à l’imprégnation par les populations des lois, des règlements et des décisions, adoptés, promulgués, prononcés, et publiés par les institutions de le République ». La fonction de relève est essentielle dans le cadre de la gouvernance participative et de l’État de droit. Elle comprend entre autres la sensibilisation et la vulgarisation qui permettent au Conseil de rendre les lois et décisions accessibles et compréhensibles pour tous les citoyens, y compris les groupes vulnérables ou marginalisés. Cela peut être fait par l’organisation de campagnes d’information, publication de résumés simplifiés des lois, et utilisation des médias traditionnels et numériques, voire la descente sur le terrain. Cette fonction englobe aussi le renforcement de la citoyenneté active. Car, elle permet aux citoyens de mieux comprendre leurs droits et devoirs et de favorise une participation éclairée aux affaires publiques et au débat démocratique. De même, en assurant la diffusion claire des décisions des institutions, cela renforce la transparence et la légitimité des processus décisionnels, et permet par là même le rapprochement des institutions et des citoyens.
Pour se faire, le Ces peut organiser des forums, des ateliers et des plateformes de consultation pour expliquer les lois récemment adoptées. Cela aura des impacts sur la cohésion sociale puisqu’elle participera à une meilleure compréhension des règles et des décisions, cette fonction contribue à prévenir les malentendus ou les conflits liés à une mauvaise communication des textes officiels.
En résumé, cette fonction de relève est fondamentale pour garantir que les lois et règlements ne restent pas de simples textes administratifs, mais qu’ils soient intégrés dans le quotidien des citoyens et contribuent ainsi à un vivre-ensemble harmonieux.
Quant à la fonction de collaboration, elle se présente à deux niveaux : devant le Parlement et devant l’Exécutif.
Primo, devant le Parlement :
Cette attribution est prévue par l’article 2 al. 3 et 4. Elle permet d’une part d’éclairer les députés sur les projets ou propositions de loi et d’assurer aussi la transparence et la redevabilité du Ces vis-à-vis des représentants du peuple. Elle permet surtout au Président du Ces de mettre à la disposition des députés une expertise indépendante pour éclairer leurs travaux législatifs en faciliter la prise de décisions. Les recommandations du CES sont utilisées pour orienter les politiques publiques et les projets de loi. C’est pour ça que la loi dispose que « les députés s’en inspirent dans la suite de leurs travaux ».
Secundo, devant l’Exécutif :
Le président du Conseil économique et social (Ces) présente chaque année en septembre des avis et recommandations au gouvernement en vertu de l’article 2 al. 5 et 6. Ces avis permettent d’éclairer l’exécutif sur les défis économiques et sociaux majeurs, tout en intégrant les attentes des populations. Cette présentation est réalisée dans un cadre consultatif, conformément aux attributions du CES, qui incluent l’examen des projets de loi touchant les domaines économiques et sociaux. Ces avis sont très étendus et dont les recommandations portent sur des questions se rapportant aux matières sociale, économique, environnementale, scientifique, artistique, culturelle, touristique et de formation technique et professionnelle.
En définitive, cette présentation annuelle est un pilier du fonctionnement démocratique garantissant que la voix des acteurs sociaux soit intégrée dans les politiques publiques pour un développement équilibré et inclusif.
Cette démarche vise à renforcer la pertinence et l’impact du Ces dans l’élaboration des politiques publiques et dans l’accompagnement des institutions républicaines du pays, tout en facilitant la communication entre les différentes parties prenantes et en s’alignant sur les besoins évolutifs de la société béninoise. Cette présentation symbolise l’importance d’une démocratie participative où les avis des acteurs économiques et sociaux sont intégrés au processus législatif et gouvernemental.
Pour pouvoir assurer toutes ces fonctions de conseil des pouvoirs publics constitutionnels (l’Exécutif et le Parlement), il est consacré une indépendance de l’institution et la garantie de l’impartialité des membres de du Conseil économique et social. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, un régime d’incompatibilité a été prévu pour prévenir les conflits d’intérêt. Et pour cause, le Ces est une institution, c’est-à-dire un organe de réflexion et de conseil. L’impartialité de votre office est donc le gage de la crédibilité et de la légitimité de l’activité du Ces.
Au regard de tout ce qui précède, vous êtes des conseillers appelés à être proches du peuple et de ses représentants, à l’écoute du peuple. C’est au prix de cette double proximité que vous pourrez garantir l’effectivité de la démocratie telle que définie par Abraham Lincoln : le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. En conséquence, il vous appartient désormais, après avoir pris connaissance de toutes ces attentes de la République, d’apporter votre pierre à l’édification harmonieuse de notre chère Nation le Bénin pour que la dynamique de développement amorcée depuis 2016 continue.
Je vous remercie.