Moïse Kérékou a fait son come-back sur la scène politique. Au travers d’une publication sur sa page Facebook hier, jeudi 23 décembre 2021, le colistier du constitutionnaliste Frédéric Joël Aïvo à la Présidentielle d’avril 2021, a annoncé sa démission du parti « Les Démocrates ». Une annonce qui sonne comme un coup d’épée dans l’eau au regard de certaines considérations.
L’annonce ne devrait surprendre ni émouvoir personne. Tant la politique reste et demeure un jeu d’intérêts et de calcul où le curseur bouge constamment en fonction des rapports de force. L’inconstance des acteurs politiques qui voguent au gré de leurs intérêts conformément à ce qu’ils laissent croire au peuple, exige de tout observateur averti, prudence et retenue. Du coup, la démission de l’auteur du livre « Union africaine et processus d’intégration » ne devrait donner lieu à aucune stupéfaction. Comme l’a su bien dit l’autre, « En politique, il n’y a pas de certitude qui vaille, l’on doit s’attendre à tout ». Cependant, cette rupture du colistier de Joël Aïvo mérite un regain arrêt pour en analyser les contours. Déjà contre cette démission prévisible, pointent des griefs évidents qu’on peut relever aussi bien dans la forme que dans le fond. Sur le timing et le moment choisi par le fils de l’ancien président de la République pour claquer la porte de son ancienne formation politique, on peut s’interroger. Pourquoi Moïse Kérékou a-t-il attendu la fin des procès des candidats recalés à la dernière élection pour informer l’opinion de cette démission? A la lecture de la publication de l’ancien ambassadeur, on se demande pourquoi il n’a pas daigné lever le voile sur la date de sa démission. Ce manque de précision n’est certainement pas anodin. « Mes chers compatriotes, je profite de l’occasion pour vous informer que j’ai démissionné, en début de ce mois, du parti « Les Démocrates ». Ma démission est une suite logique de ma suspension des activités du parti intervenue dans une décision de 05 février 2021 », s’est contenté de livrer le candidat recalé à la dernière élection présidentielle. Cette imprécision n’est pas sans mettre en doute la bonne foi supposée de l’homme qui dit répondre au devoir de compte rendu vis-à-vis de ses partisans? Parlant de partisans, le démissionnaire les a-t-il consulté avant de tourner dos à son désormais ancien parti? Pourquoi n’a-t-il pas daigné rendre publique sa lettre de démission? Pourquoi c’est seulement maintenant qu’il se permet de déballer sur la place publique, des problèmes internes du parti ? Avait-il expliqué à ses partisans, les raisons qui justifient son option de se soustraire du parti pour aller à l’élection sous la bannière d’un autre courant de l’opposition? Ce sont là autant de questions qui méritent d’être posées après cette démission qui a tout l’air d’un non-événement.
Incohérence
Sur les raisons avancées par l’ancien ambassadeur du Bénin près la Turquie, aucun élément nouveau n’apparait. Les tergiversations au sein du parti « Les Démocrates » à la veille de l’élection présidentielle, ne sont pas méconnues du citoyen lambda. Y revenir avec force détails, n’apporte rien de nouveau, un secret de polichinelle à ce qui est. Iréné Agossa qui a également été suspendu du parti pour mauvaise conduite, avait, lors d’une conférence de presse qu’il a tenue le 24 février 2021, mis à nu la cacophonie et le cafouillage qui règnent au sein du parti « Les Démocrates ». Il avait dénoncé des manœuvres d’éviction de certains prétendants au profit d’autres qui étaient soutenus par des puissances financières. En clair, Moïse Kérékou n’a pas innové en la matière. Ce qui gêne également dans la démarche de l’ancien secrétaire aux relations extérieures du parti « Les Démocrates » est qu’il dit retourner au sein de son ancienne formation politique. « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regardes d’où tu viens. Nous venons des Fcbe. Et vous savez tout ce que j’ai entrepris entre temps pour la réconciliation des deux ailes impliquant même le président Obasanjo. La Fcbe, c’est notre parti d’origine. Je pense qu’il faut retourner à la maison pour ne pas errer », a écrit le démissionnaire sur sa page. A lire ses propos, on se rend aisément compte que l’homme est en total conflit avec ses propres convictions. Ce retour à la maison de l’enfant prodige s’apparente à un aveu d’échec. L’homme semble reconnaître qu’il s’était trompé de chemin en allant à l’aventure au sein des Fcbe. De là, on pourrait se demander si les griefs qu’il avait contre les Fcbe en rompant les amarres avec cette formation politique ont entre temps été résolus? La réponse à cette interrogation est évidemment négative puisque la crise qui a secoué la famille cauris n’a jamais été résolue. Au demeurant, elle a eu pour corollaire le départ d’une frange importante de militants sous la bannière du leader charismatique Yayi Boni. Ceci a abouti à la création du parti « Les Démocrates » qui se réclame de l’aile dure de l’opposition. En rejoignant la Fcbe que d’aucuns taxent d’accointance avec le pouvoir, Moïse Kérékou semble se rapprocher davantage de « la marmite ». Du coup, certains estiment déjà que l’homme fait allégeance au pouvoir. Fortement fragilisé par les nombreuses vagues de démissions de ses élus communaux, la Fcbe reste elle aussi un panier à problèmes. L’ancien membre qui y fait son retour n’est pas sans le savoir. Le problème c’est que le poids politique de l’homme est fortement discutable. Conclusion, quoique l’addition soit fortement recommandée en politique, la Fcbe n’a rien de concret à espérer du retour de Moïse Kérékou.
Gabin Goubiyi