Du rififi au parti « Les Démocrates ». C’est le moins qu’on puisse dire des déballages de Moïse Kérékou. Suspendu le 5 février 2021 de la formation politique de l’opposition, le colistier du candidat Joël Aïvo, aura quand même gardé pendant 10 mois son mal en patience avant de mettre le pied dans les plats.
Moïse Kérékou rompt les amarres avec « Les Démocrates ». Il a déposé sa démission en début de ce mois de décembre. Dix mois après sa suspension du parti « Les Démocrates », l’ex-candidat recalé à la présidentielle d’avril dernier prend ses distances vis-à-vis de ses camarades politiques. Il a transmis sa lettre de démission au bureau politique du parti de l’ancien président Yayi Boni en début du mois de décembre. Dans un post sur sa Page Facebook, le colistier de Joël Aïvo dans le Front pour la restauration de la démocratie (Frd) estime que sa démission est une suite logique de sa suspension des activités du Parti intervenue dans une décision du 05 février 2021. Il pointe du doigt le méli-mélo, les atermoiements et la pagaille qui a régné dans le parti de l’ex-président de la République, Yayi Boni. « Le Parti me reproche d’avoir été candidat, sur une autre liste autre que celle du Parti. C’est peut-être l’occasion de clarifier les choses. Si je me suis porté candidat c’est à cause d’une part, des atermoiements du Parti à quelques jours du dépôt des dossiers pour l’élection présidentielle, et d’autre part, de la procédure biaisée dans la sélection du duo du Parti », écrit-il. Du coup, Moïse Kérékou n’arrivait pas à concevoir qu’à la veille d’une élection aussi capitale, que le Parti tergiverse encore sur le « faut-il aller aux élections ou faut-il boycotter ? ». Personnellement, l’enfant de l’ancien chef de l’Etat, est contre la politique de la chaise vide et l’a fait savoir à maintes occasions à interne. « Mes arguments étaient fondés sur les récentes élections boycottées par l’opposition dans certains pays de la sous-région. Partout où cela s’est passé, elle s’en est toujours sortie perdante », ajoute-t-il. Avant de préciser : « Lorsqu’il fut annoncé au départ que le Parti ne prendra pas part à la compétition électorale, plus d’un membre-fondateur était abasourdi et le parti nouvellement créé était au bord de l’implosion. La base n’était pas d’accord avec cette décision dont on ignorait l’origine : qui a décidé ! Aucun débat en plénière n’avait été mené sur ce sujet au sein de la Coordination nationale », confie le fils de l’ancien président Mathieu Kérékou.
La désignation de Madougou au mépris
des règles
«J’ai été sincèrement heureux que le Parti ait, in fine, pris l’option de prendre part à l’élections. Hélas, les contradictions internes au sommet n’ont pas permis une démarche saine et un discours cohérent à tel point que les diatribes sur le code électoral et le parrainage ont été la quintessence même du message du Parti à la presse la nuit même du dépôt de candidature à la Commission électorale nationale autonome (Céna). Tout ça ne faisait pas sérieux ! ».Puisque selon lui, « le raisonnement, a fortiori, était séduisant et fort respectable, mais dénué de logique et d’objectivité, qui voudrait que « Les Démocrates » ne prennent pas part à cette élection à cause de bon nombre de revendications demeurées lettre morte », explique-t-il. Ce raisonnement, selon lui, ne pouvait d’ailleurs plus se justifier à partir du moment où le Parti a obtenu son récépissé en se conformant à la nouvelle charte des Partis. « Le jeu démocratique devait donc se poursuivre même s’il était en notre défaveur à première vue ; le terrain n’avait pas encore dit son dernier mot. Nous sommes « Les Démocrates » et nous devons rester des Démocrates », ajoute-t-il. A en croire Moïse Kérékou, la désignation de l’ancienne Garde des sceaux Réckya Madougou comme candidate du parti « Les Démocrates» pour le compte de l’élection présidentielle de 2021 a été faite au mépris des règles en la matière. C’est la goutte d’eau de trop !« Je n’ai pas eu le sentiment que le Comité ad hoc mis sur pied dans la précipitation ait eu suffisamment de temps pour approfondir (étudier à fond) les candidatures et que le Conseil national ait eu à délibérer. Autrement dit, je reste convaincu que le choix du duo des Démocrates n’a pas été impartial », déclare -t-il. En effet, le seul critère qui devait prévaloir ou avoir plus de poids était le parrainage : car sans parrainage pas de possibilité de participer à la compétition. Le débat n’a pas eu lieu. Malheureusement, il a tourné autour de la question du financement et ce dans un cercle restreint.
Dés pipés d’avance !
« Et le consensus comme le prévoient les textes a manqué. C’était fait à dessein. En langage terre à terre, on dit : les dés étaient pipés d’avance ! Par ailleurs, nombre d’articles des documents fondamentaux ont été violés allègrement lors de la sélection ». Pour lui, ces violations semblent une pratique bien courante au sein du Parti puisque, même sa suspension arbitraire a violé respectivement l’article 78 des Statuts et l’article 98 du Règlement intérieur. « Je sais bien de quoi je parle et j’ai les textes devant moi. Vous le savez, j’ai été non seulement membre-fondateur, mais aussi secrétaire aux relations extérieures. Ce n’est pas un problème de personne, ni avec les responsables ou les militants du Parti, encore moins avec le duo désigné. C’est plutôt une question de principe, de légalité, de démocratie, de respect des militants et de responsabilité personnelle. Candidat au poste de colistier de Joël Aïvo, Moïse Kérékou justifie sa candidature sans l’avis des démocrates par le fait que le fondement statutaire même du regroupement étant écorché par des procédures biaisées décrites plus haut pour le choix du candidat du parti, il n’avait plus aucune raison de suivre la ligne de conduite des démocrates.« Et je n’étais pas le seul à être de cet avis ! D’autres membres ont été même très virulents et ont claqué la porte. En ma qualité de membre-fondateur et de responsable du Parti, j’ai pris de la hauteur et me suis refusé toute déclaration qui pouvait mettre à mal la cohésion au sein du Parti ; même après ma suspension. J’ai pris le temps qu’il faut, dix mois, pour m’assurer que je n’avais pas plutôt tort. Aucun être humain n’est infaillible. Bref, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie. Je considère cela comme du passé. Je ne suis pas un politicien. Je suis un homme politique et un Ambassadeur ».
Wilfrid Noubadan