Notre pays le Bénin regorge de beaucoup d’atouts culturels, surtout les différents rythmes musicaux qui s’y jouent dont le Satô. Danser sur ce rythme reste un moment de plaisir intense pour tout étranger et autochtone amoureux de la culture. Le Satô est un héritage ancestral de l’aire culturelle Adja Tado. Nous vous amenons à sa découverte.
Le mot Satô désigne aussi bien le tambour que le rythme et la danse. Le Satô est plus spécifique aux régions de Covè, Zagnanado, Pobè, Porto-Novo, Savalou etc.
Classé comme membranophone, le Satô est un instrument de musique dont l’existence date de plusieurs décennies. Cet instrument a une hauteur dont la variation est entre deux et trois mètres. Cela démontre aisément qu’il dépasse la taille humaine. Fabriqué en bois d’arbre d’Iroko, sa surface est recouverte de peaux d’animaux redoutables de la forêt et est ceinte de rameaux, symbole de sa sacralité. Ce rythme ne se joue que la nuit pendant des cérémonies funèbres d’une personnalité de la communauté concernée. Egalement, vous pouvez voir le Satô à des occasions festives ou cultuelles. Par ailleurs, le Satô aujourd’hui peut sortir en plein jour après des consultations de l’oracle. C’est justement pour cette raison que le tambour peut être désormais fabriqué avec le bois blanc. Au cours d’une performance Satô, vous verrez non pas un seul tam-tam, mais au moins un couple de tambours mâle et femelle nettement différentiables. En effet,en poussant votre curiosité, vous observerez sur la femelle, des sculptures et dessins des seins et d’autres traits caractéristiques d’une femme. Et pour le mâle, vous y verrez de toute évidence le sexe masculin bien brandi avec d’autres aspects distinctifs de l’homme. Un support de bois à la forme de chevalet est conçu pour ces deux amoureux de la nuit des temps. Toutefois, il est strictement interdit de regarder à l’intérieur de ces deux tambours. Le faire avec le Satô, c’est donner de la peine à ses yeux et surtout à son âme. Toute personne initiée peut jouer le Satô. Toutefois, une restriction est relative aux orphelins. Ces tambours géants ne sont joués que par des hommes dans la fleur de l’âge, mais surtout orphelins. Celui qui a perdu son père joue de la main gauche. L’orphelin de mère joue de la main droite et celui ayant perdu ses deux parents joue des deux mains. La seule femme autorisée à jouer le Satô est la Tassinon (femme la plus mature d’un certain âge du clan; choisie par le fâ) qui donne trois coups sur le tam-tam pour lancer le début du rituel funéraire. Les tambours géants sont accompagnés par le gong ou Gankwékwé, une castagnette si possible et d’autres petits tambours que sont le Gbéhoun, le Ahomido et le Alangandan. Pour danser le Satô, les orphelins sont habillés de jupe en raphia coloré, à la hanche et aux bras. Ils font des pas de gauche à droite, tournent autour des grands tambours avant de le taper. Tout ceci se fait dans une rythmique donnée par le jeu de percussions et de chants. L’objectif de cette danse funéraire est de permettre aux âmes des disparus d’entrer en paix dans le royaume céleste.
Historique du Satô
Le Satô à l’origine, était Salou-tô (Salou gangan) pour désigner l’oiseau charognard. Quand un Homme mourait, son corps était attaché au baobab pour que le cadavre puisse s’assécher. Mais Salou l’oiseau charognard venait dévorer le corps et cela laissait dans le village une odeur immonde qui indisposait les villageois. Avec le temps, les sages du village se sont mis à la recherche de solutions pour résoudre cette situation d’inconfort. Ils décidaient donc d’abattre tous les baobabs du village; ce qui fut fait; mais à leur grand étonnement, tous les baobabs abattus étaient encore debout le lendemain. Sacrilège ! Dans pareilles circonstances, ce n’est que le Fâ qui intervenait pour orienter les sages. Il fut consulté et il en est ressorti que c’était le baobab; arbre fétiche; qui était mécontent. Il dit être le père de Salou l’oiseau charognard et que c’est lui-même qui le laissait venir manger les cadavres à ses pieds. Il leur ordonna de ne plus l’appeler Lokotin, mais plutôt Salou -tô (le père de salou gangan). Ce serait donc de là qu’est née l’appellation Satô. Après cette consultation du Fâ et les révélations qui ont suivi, des cérémonies pour apaiser le baobab ont été faites et depuis; aucun baobab coupé n’a resurgi le lendemain. Les sages, soucieux de la paix dans le village et conscients que le baobab n’est pas un arbre ordinaire, ne laissaient pas les troncs d’arbres coupés traîner çà et là. Ils les utilisaient pour confectionner de géants tambours mâles de 1m75 et femelles de 1m60;les seuls tambours qui se jouent avec deux bâtons en forme d’arcs appelés Aguida au Bénin.
Les Interdits
Le Satô ne doit jamais être mis en position couchée ni même être transporté de nuit. Dans ces cas-là, les esprits des défunts pourraient sévèrement punir les responsables.
Le Satô de l’ère nouvelle
Le Satô d’hier, danse cultuelle et réservée rien qu’aux hommes orphelins d’un ou des deux parents, est devenu aujourd’hui une source de réjouissances culturelles populaires grâce aux troupes de danse comme entre autres le ballet national, les supers Anges Hwendo Nâ Bua, et les As du Bénin. Le rythme Satô reste l’apanage du Bénin et maintient jusqu’à ce jour, sa sacralité. C’est un patrimoine culturel qui se transmet de génération en génération et mérite d’être sauvegardé.
Martial Agoli-Agbo (Br Ouémé-Plateau)