Les femmes représentent 70 % des pauvres dans le monde. Dans de nombreux pays du Sud, les femmes représentent une partie de la population qui est plus vulnérable et plus exposée aux divers risques. Cela est dû à leur statut de «dominées», au manque d’alphabétisation, à leur impossibilité d’accéder aux ressources essentielles comme les crédits, les héritages ou la propriété foncière. Ces difficultés se font d’autant plus ressentir dans les zones rurales où les femmes sont plus isolées et où l’accès à l’information est plus compliqué pour elles. Depuis que la microfinance a pris son envol avec l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon, on a constaté un changement notable et les femmes s’activent davantage avec assurance et estime de soi.
Dans le système de production, en plus d’une image sociale dégradante et d’une sous-représentation politique, le modèle patriarcal considère les femmes comme un actif productif qui n’a pas besoin d’être payé ou de participer aux prises de décisions. Dans ce contexte, l’accès des femmes aux ressources et à leur contrôle, l’accès aux moyens de production et aux services financiers est très limité. Ceci met en avant un paradoxe, puisque ce sont les femmes qui assurent 75 % des activités de subsistance. Il s’agit souvent de petites activités génératrices de revenus informelles à petite échelle. Dans ces conditions, leurs activités ne peuvent être réellement viables et n’ont aucune perspective d’évolution. L’accès au crédit reste au vu de ces inégalités, un défi majeur pour les femmes en Afrique de l’Ouest. Seulement 5,1% des femmes ont accès dans cette région où moins de 37 % d’entre elles ont un compte bancaire selon le Fmi. Pour contourner les difficultés liées à l’accès au crédit dans les banques commerciales traditionnelles, les femmes font souvent recours aux microcrédits, pour des prêts, souvent d’un montant modeste, contractés à titre individuel ou par la voie de groupements spécifiquement constitués pour renforcer ou lancer leurs activités.
Au-delà de l’impact économique, les microcrédits jouent un rôle crucial dans l’autonomisation des femmes. L’accès aux ressources financières leur permet de gagner en indépendance et en pouvoir de décision, tant au niveau familial que social. Car en générant leurs propres revenus, les femmes se libèrent de plus en plus de leur dépendance économique et du joug de la pauvreté. C’est ce que nous explique l’agent de crédit Séverine K. « Le prêt facilite l’inclusion financière des femmes qui étaient jusque-là très limitée avec les banques classiques qui ne peuvent pas travailler avec des personnes aux activités informelles. Ainsi donc, les systèmes financiers décentralisés (Sfd) permettent aux femmes d’avoir accès aux financements bancaires en fonds de roulement pour une meilleure autonomisation », dit-elle. Les femmes interrogées ne disent pas le contraire. L’accès aux services financiers traditionnels demeure limité pour ces femmes qui doivent compter sur les institutions de microcrédit pour financer leurs activités. Au Bénin, l’économie informelle regroupe une variété d’activités allant du commerce de rue à l’artisanat, en passant par l’agriculture. Elle emploie une large majorité de la population active, notamment des femmes et des jeunes qui trouvent dans ces activités des moyens de subsistance. Pourtant, ces acteurs rencontrent des difficultés à accéder aux financements traditionnels en raison de critères d’éligibilité stricts, d’un manque de garanties, ou encore d’une insuffisance de documentation administrative. C’est à ce niveau que les institutions de microfinance (Imf) jouent un rôle fondamental en offrant des services financiers adaptés aux petites structures, souvent exclues du système bancaire classique. Elles comblent une lacune et permettent à de nombreux entrepreneurs de développer leurs activités. « Nous sommes conscients du rôle que nous jouons dans l’autonomisation des petits commerçants et artisans béninois. Nos produits financiers sont conçus pour répondre à leurs besoins spécifiques », affirme Claude Honoré Gbeha, responsable d’une institution de microfinance basée à Cotonou. Au 30 avril 2024, le secteur de la microfinance comptait environ 106 institutions, allant des coopératives d’épargne aux associations de microcrédit, selon la liste fournie par l’Agence nationale de surveillance des systèmes financiers décentralisés (Anssfd). Ce sont ces institutions agréées qui accompagnent les citoyens là où les services financiers traditionnels mettent la barrière. «Le microcrédit a un effet multiplicateur dans l’économie informelle. Avec de petits prêts de 30 000 voire 500 000 et plus, les bénéficiaires peuvent lancer ou étendre leurs activités. Une couturière peut, par exemple, acheter du tissu en gros, tandis qu’un agriculteur pourra se procurer des semences ou de nouveaux outils », détaille Claude Honoré Gbeha. Ces investissements, bien que modestes, génèrent un impact durable. Les micro-entrepreneurs voient leurs revenus augmenter, ce qui leur permet non seulement de subvenir aux besoins de leur famille, mais aussi de réinjecter des fonds dans l’économie locale. « Avec le prêt que j’ai reçu récemment, j’ai pu acheter des équipements supplémentaires pour mon atelier de couture que j’ai d’ailleurs aménagé pour attirer les clients. J’envisage même embaucher deux autres personnes car seule, je n’arrive plus à satisfaire les clients », témoigne Francine Koko, responsable d’un salon de couture dans la commune d’Abomey-Calavi.
Microfinance, un gain d’assurance pour les femmes.
Plus de 90% des femmes bénéficiaires des microcrédits ont une meilleure estime d’elles-mêmes après l’attribution du crédit et la mise en place de leur activité. L’évolution de l’estime de soi a été mesurée par les questions sur l’augmentation de la confiance des femmes en elles-mêmes. La quasi-totalité des femmes que nous avons reçues ont affirmé avoir bien plus confiance en elle depuis le début de leur activité. Elles nous ont précisé que le fait de se rendre compte qu’elles arrivent à rembourser leur crédit, de générer des bénéfices, leur permet de comprendre qu’elles sont capables de gérer une activité et cela leur donne de l’importance. Elles participent aux dépenses de la famille grâce aux revenus de leur activité et cela les rend plus fières et leur donne de l’importance, c’est une façon de montrer à leur mari ce dont elles sont capables de faire. Elles gagnent en assurance. Ce gain d’assurance provoque d’ailleurs chez certaines femmes l’envie de s’engager dans d’autres domaines, ou dans la société extérieure. Ce qui est un impact positif. Sur la base de ces éléments d’appréciation, il est loisible de dire que l’objectif est atteint tout en sachant que le gain d’estime de soi diffère toujours selon les femmes, leur situation de départ et leur profil. Il faut dire que beaucoup de femmes souscrivent un microcrédit par le biais d’un groupement permettant aux femmes de s’épanouir et de s’exprimer davantage. Elles pensent que faire partie d’une entité collective leur apporte entraide, union et solidarité entre les membres. Il s’agit d’un mode d’organisation qui leur permet de s’épanouir et de s’ouvrir sur le monde extérieur, elles sortent ainsi de la sphère familiale. Le groupement est également un cadre rassurant dans lequel les femmes peuvent avoir accès au microcrédit. Cette sphère féminine permet aux femmes de se retrouver, elles ne sont plus seules, elles peuvent partager leurs difficultés. De plus, faire partie d’un groupement donne plus d’importance et de considération aux femmes; en particulier pour les leaders du groupement ou les membres du bureau. Des facteurs qui favorisent l’épanouissement des femmes.
La microfinance au féminin
La clientèle féminine est globalement ciblée et recherchée à plusieurs niveaux et pour différentes raisons. On constate un engouement au niveau des institutions de microfinance pour la mise en place de produits financiers parfois adaptés et réservés aux femmes. Plusieurs institutions de microfinance offrent des microcrédits attribués à des groupes quasi entièrement féminins. Les femmes font partie des personnes les plus vulnérables (70% des pauvres du monde sont des femmes) et ce sont elles qui sont généralement exclues des systèmes bancaires étant donné leur faible revenu, leur manque d’épargne et de garanties pour prétendre à d’éventuels prêts. De plus, les différents organismes internationaux, multilatéraux et les gouvernements mettent en avant le fait que les femmes représentent un acteur important dans le développement et que sans leur participation, presque aucun développement durable n’est possible. Plusieurs études ont également montré que les femmes affectent une plus grande part de leurs revenus aux besoins de la famille que les hommes. Cette utilisation des revenus permet, entre autres, aux enfants d’être scolarisés car les frais de scolarisation font partie des priorités dans la répartition du revenu par les femmes. De plus, les faibles disponibilités des femmes dues à une répartition des tâches sexiste au sein du foyer et le faible taux d’alphabétisation de ces dernières sont deux autres facteurs qui éloignent d’autant plus les femmes de la possibilité d’accéder à de meilleures conditions de vie. Enfin, d’un point de vue commercial, le taux de recouvrement des prêts aux femmes serait supérieur à celui des hommes. La microfinance apparait également comme un moyen de favoriser l’autonomisation des femmes. Effectivement, le microcrédit couplé à des services supplémentaires tels que des formations aux rudiments de la gestion, des renforcements de capacité peuvent permettre aux femmes d’acquérir une relative indépendance financière. Suite à cela, d’autres acquis peuvent se mesurer comme une amélioration du statut des femmes au sein de la famille ainsi qu’un renforcement de leur confiance en elles-mêmes. Ainsi, pour toutes ces raisons, les femmes font partie des bénéficiaires les plus ciblés par les institutions de microfinanc . Le Bit entre autres, justifie et recommande aux institutions l’adaptation de leurs services financiers (par exemple l’adaptation des garanties d’un crédit) pour répondre au mieux aux besoins des femmes dont le profil complexe a été évoqué auparavant. La microfinance reste un outil à l’autonomisation des femmes. Elle peut permettre d’enclencher le processus d’autonomisation et agir à plusieurs niveaux: l’autonomie financière, le gain de confiance en soi, l’acquisition de savoir et savoir-faire issus des formations associées à du microcrédit, une amélioration du pouvoir de décision au sein de la famille et dans la société.
Les microcrédits, une opportunité pour les femmes
Le microcrédit, bien qu’il apporte un soutien indéniable à l’économie informelle, pourrait également être un levier pour encourager la formalisation de ce secteur. En facilitant l’accès au crédit, les institutions de microcrédit incitent ainsi de plus en plus d’entrepreneurs à régulariser leur situation juridique, à déclarer leurs activités et à s’inscrire dans un cadre fiscal. Ce qui leur permettra de décrocher de gros prêts pour renforcer leurs activités et bénéficier d’autres services intéressants qu’offre l’État. « Formaliser vos activités est une étape cruciale pour accéder à de plus grandes opportunités. En structurant vos entreprises, vous pouvez non seulement bénéficier de soutiens supplémentaires, mais aussi contribuer pleinement à l’économie nationale », exhorte le ministre Véronique Tognifodé. Cette démarche permettra également aux bénéficiaires de mieux protéger leurs revenus et de sécuriser leurs investissements. « La formalisation de vos activités vous ouvrira les portes de nouveaux marchés et d’un soutien institutionnel renforcé. C’est un gage de pérennité et de croissance pour vos entreprises, et c’est ainsi que vous pourrez transformer votre succès individuel en impact collectif », souligne la ministre qui encourage les femmes bénéficiaires de microcrédit à passer à l’étape suivante pour la croissance durable de leurs activités. Le microcrédit s’impose aujourd’hui comme un outil incontournable pour dynamiser l’économie informelle malgré les nombreux défis qui se posent au secteur, notamment en matière de remboursement et de régulation, même s’il faut reconnaître que l’État fait un grand effort dans ce sens. L’outil a déjà démontré son potentiel pour soutenir la croissance inclusive et durable du Bénin et il va falloir relever rapidement les défis pour éviter que les emprunteurs ne sombrent dans une spirale d’endettement qui fera écrouler le système. Autrement, les prêts contribuent de manière générale à l’autonomisation économique des femmes, à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique. Mais pour maximiser leur impact, il est nécessaire de prendre les précautions pour ne pas tomber dans le cycle de l’endettement, et risquer de compromettre son activité génératrice de revenus.
Sergino Lokossou