Le premier quinquennat du président Patrice Talon à la tête du Bénin a été marqué par plusieurs actions dans la lutte pour l’égalité entre les sexes. Mais ces dernières années, c’est un véritable coup d’accélérateur qui a été donné dans ce domaine. Loin des discours, c’est tout un arsenal institutionnel, juridique et opérationnel qui est en train d’être mis en place pour améliorer rapidement la promotion et la protection des femmes et des filles. Une nouvelle loi élargit la définition des violences basées sur le genre (Vbg) et augmente les peines prévues pour s’attaquer à la montée de ce fléau. Une réforme du règlement sanitaire améliore l’accès des femmes aux soins de santé reproductive, notamment aux moyens de contraception, en particulier pour les jeunes dans des lieux qui les accueillent. Plusieurs partenaires appuient le Bénin à travers un programme multisectoriel pour améliorer la vie des femmes et des filles. Alors que la communauté internationale a célèbré la Journée internationale de fille, les filles du Bénin ont également de bonnes raisons de se réjouir cette année. Les certificats médicaux exigés pour poursuivre en justice les cas de Violences basées sur le genre (Vbg) ont été rendus gratuits l’an dernier, afin que les victimes de Vbg n’aient plus à payer pour faire établir un crime de ce type. Cette décision fait suite à la promulgation d’une nouvelle loi, fin 2021, qui a significativement élargi la définition des violences basées sur le genre et renforcé ou institué les peines prévues en cas de crimes de Vbg. De plus, les règlements ont facilité l’accès des femmes à une large gamme de services de santé reproductive, infantile, à destination des adolescentes ou encore des mères, y compris à des moyens modernes de contraception. Les réformes ont également étendu le nombre de personnels habilités à les prescrire. L’extension de l’accès aux services de santé reproductive et des exigences de confidentialité qui y sont associées devrait également contribuer à faire diminuer le recours par les femmes et les adolescentes à des services clandestins.
Avancées significatives
Ces réformes constituent des avancées significatives en faveur de l’autonomisation des femmes au Bénin. Elles ne sont pas moins de 70 % à être victimes au cours de leur vie d’une forme de Vbg, ce qui représente 4,5 millions de femmes dans un pays qui compte près de 13 millions d’habitants. Le tribut infligé par les Vbg à la société et à l’économie est lourd et conséquent. Les filles se trouvent privées de leurs chances d’accéder à l’éducation car leurs parents préfèrent les laisser en dehors du système scolaire pour les protéger des violences auxquelles elles pourraient être exposées hors de chez elles et même à l’école. Sans éducation, de nombreuses filles se retrouvent engagées dans des mariages précoces, car en tant que jeunes femmes, elles manquent de perspectives d’emploi ou d’indépendance financière. Les effets négatifs d’une telle situation se ressentent jusque dans la génération suivante. La Banque mondiale appuie par exemple le Bénin dans ses efforts d’accélération des réformes en faveur de l’égalité entre les sexes, à travers une approche multisectorielle visant à renforcer l’autonomisation des femmes et leurs capacités à prendre leurs propres décisions, un élément crucial dans la lutte contre la pauvreté et le développement de sociétés plus productives et plus inclusives. Au Bénin, le premier et le second volet du financement à l’appui des politiques de développement intitulé « Libérer le potentiel humain et productif » ont obtenu d’importants succès. Lancée début 2021, cette série est arrivée à terme en septembre 2023.
Plusieurs réalisations
Il y a la protection juridique contre les Vbg. Une nouvelle loi passée en décembre 2021, renforce significativement la protection contre les Vbg. Elle a élargi la définition des Vbg et augmenté ou institué des condamnations pénales en cas de harcèlement sexuel, viol, mariages forcés d’enfants, mutilations sexuelles féminines, ainsi que d’agression enseignant-élève. Les certificats médicaux exigés pour poursuivre en justice les Vbg, ont été rendus gratuits pour les victimes. L’introduction de la loi connaît un succès précoce, puisque les crimes de Vbg pris en charge par le système judiciaire sont passés de 12,1 % en 2020, avant le passage de la loi, à 13,7 % en 2022, un an seulement après son adoption.
Accès aux services de santé sexuelle et reproductive (Ssr)
En 2021, une refonte de la réglementation de la santé a inclu une large gamme de services comme faisant partie de la Ssr, depuis l’information en matière de santé sexuelle et reproductive, jusqu’aux moyens modernes de contraception, la santé pré et postnatale, en passant par des avortements sûrs et le soutien aux victimes de Vbg. La réglementation autorise désormais les infirmières qualifiées à prescrire des contraceptifs. Cette mesure permet ainsi d’accroître la disponibilité d’agents de santé à même de prescrire des moyens de contraception, une avancée notable étant donné le déficit de médecins, particulièrement dans certaines zones mal desservies. Les femmes et les adolescentes peuvent également avoir accès à des services de Ssr de façon confidentielle, sans autorisation préalable de leur mari. Cette refonte des services de Ssr s’appuie sur les connaissances acquises dans le cadre d’autres projets et de recherches de la Banque mondiale, notamment le Projet pour l’autonomie des femmes et le dividende démographique au Sahel (Swedd).
Scolarisation durable des filles
Les taux d’inscription des filles dans le secondaire chutent sévèrement, passant de 62 % dans le premier cycle du secondaire (équivalent aux niveaux 7 à 9 aux États-Unis) à seulement 18 % dans le cycle secondaire supérieure (niveaux 10 à 12). Les Vbg, l’éloignement des écoles, les normes sociales, les mariages précoces et les grossesses, le manque d’installations sanitaires et d’eau courante dans les établissements sont autant de facteurs qui contribuent à ce faible niveau d’achèvement du secondaire parmi les filles. À partir de l’année 2022, l’inscription des filles dans le cycle secondaire supérieur est devenue gratuite dans les zones affichant les plus faibles niveaux d’éducation (20 communes), avec pour projet d’étendre la gratuité de l’inscription des filles à l’ensemble du pays. Le maintien à l’école et l’achèvement de l’éducation sont essentiels pour changer les comportements, améliorer la participation active au marché du travail et réduire la fertilité. Si les normes sociétales, invariablement défavorables aux filles et aux femmes, sont néanmoins essentielles pour opérer des changements, les politiques comptent aussi car elles envoient un signal important pour soutenir les femmes et les filles.
Sergino Lokossou