Au Bénin comme partout en Afrique, l’éradication du paludisme à l’horizon 2030 mobilise les acteurs impliqués dans la lutte contre cette maladie qui, malgré les nombreux efforts, reste l’une des premières causes de la mortalité infantile. L’Etat béninois, à travers le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) et ses partenaires, travaillent à réduire de façon significative les milliers de cas enregistrés chaque année, mais le chantier est encore grand et demande plus de stratégies et de volonté politique.
2025 sera une année critique de lutte contre le paludisme en Afrique, selon le Roll back malaria. En marge de la 74e session du comité régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique, le roll back malaria a fait savoir que 2025 sera une année critique dans la lutte contre le paludisme, qui tue encore des dizaines de milliers de personnes chaque année sur le continent. « 2025 est une année critique (pour la lutte contre le paludisme) pour plusieurs raisons. La première est que nous serons à cinq ans de l’atteinte des objectifs pour le développement durable, et nous serons à l’année où nous devons penser à la replanification, précise-t-il. C’est une année critique, parce que nous aurons besoin de fonds. Nous travaillons avec le Fonds mondial de lutte contre la tuberculose, le sida et le paludisme. Nous travaillons également avec le Gavi, qui est impliqué dans les vaccins. Une fois de plus, c’est une année critique, parce qu’au cours de 2025, nous devons revoir nos planifications pour les années futures. ». Pour roll back malaria, il est possible d’atteindre l’objectif zéro malaria. Mais la vaccination seule ne suffit pas. « Nous travaillons effectivement pour le vaccin, son importance est prouvée. On doit l’utiliser, certes, mais les enfants doivent forcément dormir sous moustiquaires imprégnées », a estimé Michael Adekunle Charles. Selon l’agence Gavi, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation, une vingtaine de pays africains, comme le Cameroun et le Bénin, doivent commencer cette année un programme de vaccination infantile contre le paludisme. Selon une moyenne de l’Organisation mondiale de la santé, le moustique qui, à l’origine de l’une des infestions les plus répandues en Afrique, tuerait en un jour 1470 personnes. Les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans représentent la majorité des malades et des décès. Au Bénin, selon des chiffres de 2023, les nouveaux cas de paludisme dans la population en général représentaient 17% chez les adultes et 39% chez les enfants de moins de cinq (05) ans avec un taux de mortalité d’environs 106 décès pour 100.000 enfants. Le paludisme reste un véritable problème de santé publique. A l’occasion de la 17ème édition de la Journée mondiale de lutte contre le Paludisme tenue le jeudi 25 avril 2024. Une édition placée sous le thème : « Accélérer la lutte contre le paludisme pour un monde plus équitable, équité en matière de santé, égalité du genre et droits humains », le ministre de la santé le Professeur Benjamin Hounkpatin a assuré : « le paludisme, maladie évitable et guérissable continue d’être un problème majeur de santé publique de par son ampleur et sa charge de morbidité et de mortalité au sein de la population, malgré les efforts et les énormes investissements consentis par la communauté internationale pour son contrôle et son élimination ». Aussi, a-t-il fait savoir, que le Bénin est très engagé dans la lutte contre le paludisme avec des actions à forts impacts sur le terrain. Le paludisme reste et demeure un défi majeur de santé publique
L’Afrique représente, à elle seule, environ 95 % (234 millions) des cas de paludisme estimés en 2021 avec une forte hétérogénéité entre les pays. Au Bénin, comme dans de nombreux pays du continent, la progression de la lutte contre cette maladie marque le pas. Le nombre de décès rapportés a presque doublé entre 2015 et 2021, passant de 1 416 à 2 956, et les cas enregistrés suivent la tendance. Plusieurs facteurs complexes expliquent ce ralentissement selon les scientifiques. Ainsi, la pandémie de covid-19 a perturbé les systèmes de santé, compromettant la disponibilité et l’accès aux services de prévention et de traitement du paludisme. La résistance aux médicaments antipaludiques et aux insecticides constitue également un défi majeur, rendant les méthodes de lutte traditionnelles moins efficaces.
Prévention
Pendant la saison des pluies, on assiste à une multiplication rapide des moustiques et le risque de paludisme est plus élevé. Le paludisme est certes un problème de santé publique, mais c’est avant tout une question d’hygiène et d’assainissement. Les eaux stagnantes aux alentours des domiciles, les vieux ustensiles, les pneus et autres pots de fleurs abandonnés çà et là constituent des gîtes larvaires, donc des sources de prolifération des moustiques responsables de la maladie. Pour éviter de contracter le paludisme, la population doit assainir son cadre de vie. « Si le cadre de vie est mal entretenu, si le cadre de vie n’est pas assaini, c’est normal qu’il y ait une multiplication des moustiques et c’est ce qui se passe généralement dans nos villes, dans nos campagnes, parce que le Bénin de par son écologie est parcouru du nord au sud par beaucoup de cours d’eau qui nous offrent l’opportunité d’avoir un sol qui est fertile. Mais également en période de pluie qui favorise la multiplication des vecteurs, parce que le sol devient saturé d’eau, notamment pour les régions qui sont au bord des cours d’eau. C’est le cas du Grand Nokoué. C’est d’ailleurs pour ça que le paludisme est endémique au Bénin et nous sommes dans une région tropicale », a expliqué Docteur Gilles Kpadonou directeur du Centre de recherche entomologique de Cotonou (Crec) dans une récente intervention médiatique.
Des actions à impacts
Le Bénin est très engagé dans la lutte contre le paludisme avec des actions à forts impacts sur le terrain à savoir : la lutte anti vectorielle intégrée à travers l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action dont la dernière campagne organisée en 2023 a permis de distribuer gratuitement près de 9 millions de moustiquaires imprégnées, la chimio prévention du paludisme saisonnier chez les enfants de moins de cinq ans dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori qui sera étendue à partir de juin 2024 aux départements du Borgou les Collines et la Donga, le traitement préventif chez les femmes enceintes et chez les nourrissons, l’assainissement du cadre de vie à travers l’asphaltage qui contribue à la destruction de gîtes larvaires. Malgré ces efforts, le Bénin doit faire face à de nouvelles menaces qui apparaissent et viennent plomber les avancées en matière de lutte contre le paludisme et que les études répertorient comme suit: l’émergence de résistance partielle aux médicaments les plus couramment utilisés, la propagation d’une mutation du parasite plasmodium falciparum affaiblissant l’efficacité des tests et diagnostics rapides, l’apparition de moustiques résistant aux insecticides de la lutte anti vectorielle. C’est donc face à ce tableau où la région africaine de l’Oms supporte la charge la plus lourde du paludisme, 94% de tous les paludismes du monde et 95% des décès dans le monde, que la production du vaccin a été recommandée depuis octobre 2021.
Introduction du vaccin contre le paludisme
Avec l’introduction du vaccin, l’Afrique représente la majeure partie des cas de paludisme dans le monde (plus de 230 millions de cas estimés en 2022). Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), les enfants de moins de cinq ans représentent 80 % des 500 000 décès estimés chaque année. Le Bénin marque une avancée significative dans la lutte contre le paludisme avec la réception des premières doses du vaccin contre le paludisme, première cause de mortalité chez les enfants au niveau national. En acceptant d’introduire le vaccin contre le paludisme dans son Programme élargi de vaccination (Pev), le Bénin s’appuie sur la phase pilote du programme qui s’est déroulée au Ghana, au Kenya et au Malawi. Une phase qui a permis de protéger environs 2 millions d’enfants contre les formes graves du paludisme, avec comme conséquence la réduction des hospitalisations pédiatriques de l’ordre de 22% et une réduction de la mortalité de l’ordre de 13%. Ainsi, en adoptant le vaccin contre le paludisme le jeudi 25 avril 2024, au même moment que le Liberia et la Sierra Leone, après le Burkina Faso et le Cameroun, le Bénin entend jouer sa partition dans l’atteinte de l’objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé qui est la réduction de la charge mondiale du paludisme à 90% d’ici 2030. Le ministre de la Santé a rassuré l’ensemble de la population : « ce vaccin est un vaccin sûr qui permet de protéger les enfants contre les formes graves du paludisme. L’introduction de ce vaccin n’élimine pas les autres mesures », a-t-il tenu à préciser avant de lancer officiellement la campagne de vaccination.
Sergino Lokossou