Le préfet du Littoral, Alain Orounla, a lancé depuis quelques jours, une lutte contre les belles de nuit à Cotonou. Une lutte qu’il n’entend pas abandonner tant que les ne signet pas la fin de l’activité. Pour les contraindre, l’autorité préfectorale n’exclue pas la fermeture des espaces dédiés à la prostitution et au proxénétisme sur son territoire.
Quel est le bien-fondé de l’opération de traque des belles de nuit sur votre territoire ?
Alain Orounla : Dès mon arrivée à la tête du département du Littoral, j’ai très clairement affiché l’ambition de dépolluer l’environnement, de repousser le spectacle pas toujours plaisant de personnes qui déambulent sur nos trottoirs. C’était très clair que ces personnes, (les péripatéticiennes) étaient visées. Ce phénomène qui est l’illustration même de la violence faite aux femmes, ces entreprises sont le fait de criminels qui s’arrangent pour pousser les filles à offrir leur corps comme une marchandise et en tirent des profits. L’ambition, c’est de décourager les réseaux de proxénétisme et ceci passe par l’hostilité à afficher vis-à-vis de ces travailleuses de sexe. Nous entreprenons de faire fermer tous ces espaces qui polluent le département. Toutes ces maisons, dès qu’elles sont répertoriées, seront fermées. Nous affichons très clairement l’ambition de ne plus tolérer les maisons dites de tolérance à Cotonou à commencer par les trottoirs, devant le hall des arts, Joncquet, à Akpakpa, dans les encablures de l’aéroport. Nous n’en voulons plus. Ce n’est pas digne de notre pays qui est en train de se transformer, de se moderniser et a besoin d’un socle structurel social respectable. Nous avons commencé. Un établissement a été indexé et nous avons procédé à sa fermeture. Nous avons effectué une descente le weekend dernier où nous avons identifié deux ou trois que nous avons mis sous-scellé. Nous allons maintenant intensifier cette entreprise qui est également une entreprise d’assainissement, de salubrité, de santé et de sécurité publique.
Dès que nous avons les informations et que les constations sont avérées, nous engageons les procédures qu’il faut, pour faire fermer ces maisons et nos décisions sont susceptibles de recours.
Combien de personnes déjà interpellées ?
La première opération a permis de mettre la main sur une trentaine de jeunes filles. L’opération du weekend dernier, un peu plus d’une cinquantaine non seulement de petites filles mais de garçons. Nous ne les prenons pas parce que nous voulons les envoyer en prison, mais pour que nous sachions quelle est l’ampleur du phénomène et qu’on puisse en tirer les conséquences. C’est en quelque sorte à partir de ces interpellations, des auditions qui en résultent que le Parquet peut construire sa procédure et démanteler avec nous, les réseaux de proxénétisme qui sont contraires à la loi, aux bonnes mœurs et aux prescriptions de santé publique que nous défendons.
Que deviennent ces personnes après leur interpellation ?
Quand nous les surprenons, après les émois des premières minutes, c’est des gens qui reconnaissent la pertinence de ce que nous faisons avec elles. Elles sont sensibilisées même si les espoirs de retour à une situation normale sont minces, certaines justifient par la nécessité de survivre, mais il y a d’autres moyens. Toutes reconnaissent que c’est des conditions d’exploitation sexuelle difficile. C’est aussi des endroits où il y a une consommation excessive d’ailleurs d’alcool et de drogue dure. Comment voulez-vous que nous interpellons nos mamans, nos sœurs en leur disant : n’occupez pas l’espace public ? Mais nous allons tolérer la prostitution. Accepteriez-vous que votre sœur se retrouve dans de telles conditions ?
Parallèlement, est-ce qu’il y a un accompagnement qui est prévu à l’endroit de ces belles de nuit ?
Je ne vais pas m’excuser d’arracher des mauvaises herbes. Ce n’est pas parce que nous avons été complaisants pendant de nombreuses années qu’il n’est pas légitime qu’aujourd’hui on se lève pour dire que ce que nous avons toléré par le passé, on ne l’accepte plus. Ce problème est un problème de criminalité et de génocide parce que les conditions dans lesquelles les gens sont livrés à la prostitution sont des conditions qui facilitent la contamination de tous les Béninois. Nous n’avons aucune appréciation sur le suivi médical ou non de ces « prostituées » que d’autres fréquentent. Nous ignorons leur état sérologique. Supposons qu’ils soient sains, ce qui est loin d’être établi. Ils viennent, ils ont 8% de tomber sur quelqu’un qui est déjà infecté. Donc, on distribue le Sida.
Pensez-vous que c’est la solution ?
Ce que vous tolérez est une solution ? C’est un génocide. Avec une autre arme, le sexe, on tue en silence. Je casse des œufs. Si on veut, on en fait des omelettes. Si on veut, on peut pleurer sur du lait renversé. Mais ma conscience et ma responsabilité, c’est de ne pas être complaisant lorsque la menace est telle que, nos vies sont en péril. C’est une tâche permanente que nous nous sommes assignés jusqu’à ce que les adversaires signent la fin de cette activité.
Source : Frissons radio