Après leur condamnation par la Criet, les conseils de Joël Aïvo et Reckya Madougou n’ont pas fait appel. Au-delà d’une hypothétique loi d’amnistie, c’est désormais l’heure des négociations.
« Aujourd’hui, seul le président Talon détient la clé la situation », a déclaré à Jeune Afrique, Me Renaud Agbodjo, l’un des avocats de Reckya Madougou. Il intervenait après la condamnation de sa cliente et du Prof Aïvo. Mais surtout après le refus des deux d’interjeter appel près de la Criet après la condamnation des ex-candidats à la présidentielle de Mai 2021. « La libération des deux personnalités ne se trouve pas dans une solution judiciaire, mais politique et diplomatique. Nous allons concentrer nos efforts sur çà », ajoute-t-il. Cette déclaration de l’avocat de Reckya Madougou apparaît comme une éclaircie dans l’agitation médiatique qui a suivi la condamnation des deux opposants. Il fallait donc faire preuve de hauteur d’esprit et comprendre l’attitude du président la République Patrice Talon dans cette affaire. La condamnation des deux opposants est un fait. Et à analyser le déroulement des procès, il y avait matière à condamner. Ne serait-ce que les menaces et propos proférés par les uns et les autres pendant la période électorale, dont le but est de paralyser le pays, ou tout au moins perturber le scrutin présidentiel. Déjà, il y avait des antécédents pendant les législatives de 2019. Donc, il fallait craindre le pire, et parer à d’éventuelles violences. N’ayant pas assez de preuves et d’autres griefs à leur encontre, la Justice a libéré la plupart des personnalités arrêtées. Cela veut dire qu’il n’y pas eu d’abus, ni une volonté de faire du mal. Les cas de Joël Aïvo et Reckya Madougou, ont été traités différemment. Et leur libération aurait pu être actée, si leur attitude s’y prêtait. Puisque, force doit rester à la loi, et la raison d’Etat prime sur le reste. Dans le cas d’espèce, les échéances électorales ont pu avoir lieu. C’est un ouf de soulagement. Dès cet instant, il fallait appuyer sur d’autres leviers que la justice, afin de parvenir à leur libération.
Réunir les sages autour de la question
De guerre lasse, et ayant su cela, une fois que le mal est fait, le président Yayi Boni, n’a pas manqué d’agir. Il a su surmonter ses doutes et émotions pour entamer les négociations avec le président Patrice Talon. Malheureusement, il était seul, vraiment tout seul. Une seule hirondelle ne pouvant faire le printemps, il aurait fallu s’associer à d’autres personnalités d’envergure. Si possible la chefferie traditionnelle, les religieux et d’autres sages. Pas bien-sûr ceux qui courent les rues louches en main, pour quémander leur pitance. Une telle instance aurait pu infléchir le président de la République, qui en tout état de cause, reste le premier magistrat. Il n’aurait pas pu intervenir directement dans le fonctionnement de la Justice. Mais, il aurait pu user de son pouvoir d’amnistier. Encore que tous les protagonistes en comprennent les enjeux. Et en premier lieu , Reckya Madougou et Joël Aïvo qui devraient garder à l’esprit qu’en « politique », tous les coups sont permis. La sphère politique étant un monde qui fonctionne avec des codes différents. Comme l’a suggéré ces derniers jours un personnage sulfureux de la scène politique, les deux opposants devraient, dans la foulée reconnaître, la victoire de Patrice Talon à la dernière présidentielle, et mettre les actes à eux reprochés, sous le coup « des erreurs d’apprentissage en politique ».On aurait pu ainsi économiser beaucoup d’énergie. Au contraire, la situation s’est envenimée et les esprits n’ont arrêté de s’échauffer. Mais, les propos de Me Renaud Agbodjo semblent désormais montrer la tendance contraire. Place désormais aux jeux de couloir et à la diplomatie.
Wilfrid Noubadan