L’ambiance n’est pas au beau-fixe à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh). A la faveur d’une Assemblée générale organisée le lundi 23 octobre 2023 par 8 commissaires sur les 10 que compte l’institution, il a été annoncé la révocation du président Isidore Capo-Chichi. Joint par la rédaction du journal « Le Matinal », l’intéressé conteste la décision de ses pairs et dit s’en remettre à la justice.
Ça ne va pas à la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh). Les commissaires sont à couteaux tirés. Et pour cause ! 8 commissaires sur 10 ont annoncé avoir révoqué le lundi 23 octobre 2023, par un vote à bulletin secret au cours d’une Assemblée générale, le président Isidore Capo-Chichi. Pour agir de la sorte, les commissaires frondeurs se sont basés sur l’article 11 de la loi n°- 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission et des articles 24, 25, 26 et 27 du règlement intérieur en vigueur du 02 septembre 2020. De sources proches de ces derniers, cette décision a été prise après l’étude du rapport d’une enquête menée par la vice-présidente de la Cbdh, Sidikatou Adamon Bissiriou, conformément à l’article 26 du règlement intérieur sur les présumés manquements du commissaire Capo-Chichi au regard des textes fondamentaux de la Commission. A les en croire, les effets immédiats de cette mesure sont non seulement la destitution du poste de président par Isidore Capo-Chichi mais aussi sa perte de qualité de membre de la Commission béninoise des droits de l’homme, mandature 2018-2023.
Ce qui est reproché à Isidore Capo-Chichi
Selon le rapport d’enquête élaboré par la vice-présidente et sur la base duquel le collège des 8 commissaires s’est fondé pour procéder à la révocation du président, il est reproché au numéro 1 de l’institution, des faits présumés de conflit d’intérêts dans la passation des Marchés publics, de dilapidation des ressources de la Cbdh, de légèreté dans le traitement de la Prmp dans les charges fonctionnelles de celle-ci et d’abus d’autorité et de fonction. Des faits, qui aux dires des 8 commissaires, sont «graves prévus et punis par le Code des marchés publics et le Code pénal». Pour y faire la lumière, ils ont décidé de la saisir le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) afin que les responsabilités soient situées.
Isidore Capo-Chichi s’en remet à la justice
Contacté par la rédaction de « Le Matinal », Isidore Clément Capo-Chichi, président de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) dit s’en remettre à la justice qui est déjà saisie du dossier. Il refuse de se prononcer sur les faits portés à sa charge par ses pairs commissaires et laisse le soin aux autorités judiciaires d’apprécier. « Par rapport à toutes les accusations, j’ai saisi la Cour constitutionnelle qui n’a pas encore rendu sa décision », a confié l’intéressé qui a laissé entendre que le sujet n’a pas fait l’objet d’un contradictoire entre ses collègues et lui. Pour ce qui est de l’Assemblée générale prétendument convoquée pour entériner sa révocation, le président de la Cbdh a indiqué qu’une décision de justice a interdit sa tenue et qu’aucune présence humaine n’a été observée aux jour et heure indiqués (lundi 23 octobre 2023 ndlr) dans la salle prévue pour abriter cette rencontre contrairement aux informations relayées par certains médias.
Le renouvellement des membres de la Cbdh en ligne de mire
D’après nos recoupements, il apparait que les vraies raisons de la mésintelligence qui s’observe au niveau de la Commission béninoise des droits de l’homme sont ailleurs. De sources bien introduites, les réformes en cours au niveau de l’institution seraient la principale cause du bras de fer qui a été engagé contre Isidore Capo-Chichi et une frange de commissaires. En effet, au titre des mesures normatives issues de son conclave du jeudi 5 octobre 2023, le Conseil des ministres a adopté le décret portant transmission à l’Assemblée nationale, pour examen et vote, du projet de loi portant modification de la loi n° 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme en République du Bénin. Ce décret prévoit notamment de profondes réformes relativement au mode de désignation des membres de la Cbdh. Aux termes des dispositions du décret, la désignation des commissaires de la Cbdh se fera dorénavant par mérite plutôt que par affinité comme c’est le cas pour la présente mandature. Visiblement ,cette réforme n’arrange pas les membres actuels de la Cbdh qui pour la plupart, nourrissent des ambitions pour siéger au sein de la prochaine mandature qui sera mise en place en 2024. Selon nos investigations, la tête de Isidore Clément Capo-Chichi serait mise à prix pour avoir pris parti pour le gouvernement dans cette réforme majeure. La mise en œuvre de ces réformes, renseignent nos sources, est une des recommandations de l’accréditation au statut A obtenue par la Cbdh pour plus d’efficacité et de crédibilité.
Abdourhamane Touré
Extraits du règlement intérieur de la Cbdh
Chapitre III : Mesures disciplinaires
Article 24 : Tout membre de la Commission qui contrevient aux dispositions de la Loi et du présent Règlement intérieur est passible de lune des sanctions suivantes :
– le rappel à l’ordre ;
– l’avertissement ;
– la révocation.
Article 25 : Le rappel à l’ordre est prononcé par le président de la Commission, qui informe l’Assemblée générale.
L’avertissement est prononcé par l’Assemblée générale.
Lorsqu’un Commissaire encourt la sanction de la révocation, le Président lui impartit un délai raisonnable qui s’étend de l’interpellation à la prochaine Assemblée générale, pour fournir des explications écrites.
Article 26 : Lorsque le Président de la Commission a connaissance d’un manquement au Règlement intérieur ou d’une violation des droits de l’Homme commis par un Commissaire, il dispose d’un délai de quinze (15) jours pour effectuer une enquête préalable et déposer le rapport.
Il dispose ensuite d’un délai supplémentaire de quinze (15) jours pour saisir l’Assemblée générale pour décision. Il ne peut déléguer ce pouvoir qu’au vice-président.
Passé ce délai, le tiers (1/3), soit quatre (04) des membres de la Commission, convoque l’Assemblée Générale, qui met en place une commission d’enquête.
Cette commission d’enquête dispose des délais ci-dessus indiqués et saisit à nouveau l’Assemblée générale pour décision.
Il en est de même lorsque le Président est l’auteur de la faute.
Article 27 : L’Assemblée Générale se réunit, délibère sur la gravité des fautes reprochées sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être engagées contre le mis en cause et décide de la révocation sur proposition des 2/3 des membres de la Commission dans un délai de quinze (15) jours.
La révocation est notifiée par le président de la Commission à l’intéressé et au Ministre en charge des droits de l’Homme, dans les huit (08) jours, à compter de la prise de la décision.
Il est pourvu au remplacement du membre défaillant dans un délai de trois (03) mois conformément aux dispositions de la loi.
En tout état de cause, le Commissaire mis en cause peut se faire assister et exerce son droit à la défense à toutes les étapes de la procédure.
La décision ainsi rendue ne peut être déférée que devant la Cour constitutionnelle.