Le mois d’octobre est chaque année marqué par Octobre Rose, une campagne mondiale visant à informer et sensibiliser sur le cancer du sein. Cette initiative, qui touche des millions de personnes, a pour but de promouvoir le dépistage précoce et de soutenir la recherche. Au Bénin, plusieurs organismes se mobilisent activement pour accompagner les femmes et les sensibiliser à l’importance du dépistage.
En Afrique et au Bénin, on parle toujours de «dommages» causés par le cancer du sein chez la femme. Le dépistage reste le moyen le mieux indiqué pour lutter contre cette maladie. En dépit des initiatives de sensibilisation, le mal demeure. Au Bénin, sur 10 femmes atteintes du cancer du sein, 06 ou 05 meurent selon le docteur Herbert Avlessi, alors qu’en Europe, la médecine parvient à sauver 9 femmes pour le même ratio. Plusieurs facteurs expliquent cet état des choses. Le spécialiste évoque, entre autres, le diagnostic tardif. « Nos patientes consultent lorsque la tumeur est très avancée, lorsqu’on ne peut plus rien faire pour ces tumeurs », a-t-il confié. Une étude réalisée au centre hospitalier et universitaire de la mère et de l’enfant Lagune (Chu mel) montre que 70 % des Béninoises consultent avec un cancer du sein au stade très avancé. Mais, le deuxième facteur est lié au problème d’accès aux soins. Le Bénin est très peu équipé dans la lutte contre le cancer féminin le plus meurtrier. Contrairement à plusieurs autres pays de la sous-région, au Bénin, il n’existe pas de radiothérapie. Toutes les femmes qui en ont besoin au cours du traitement sont évacuées vers d’autres pays. Sur place, les patientes disposent seulement de la chirurgie et de la chimiothérapie. Cependant, cette chimio n’est disponible qu’au Cnhu et dans quelques cliniques privées. « Nous espérons avoir notre premier appareil de radiothérapie fonctionnel au Bénin avec le centre hospitalier international de Calavi qui sera inauguré, nous l’espérons dans les mois à venir ». Le Bénin dispose de spécialistes en médecine nucléaire, mais pas de service de médecine nucléaire fonctionnel. La pathologie n’est pas classée parmi les maladies prioritaires dans le pays, toutefois il s’agit d’un réel problème de santé publique. Pour une population d’environ 11 millions d’habitants, en 2020, 1066 cas de cancers du sein ont été enregistrés au Bénin. La planète connaît une évolution considérable en matière de lutte contre le cancer. Il existe par exemple des soutiens gorges permettant de dépister le cancer du sein, renseigne le spécialiste. Ces innovations dans la prévention et le traitement dans la grande majorité restent le privilège des pays développés a-t-il observé.
Soins palliatifs
Les soins palliatifs constituent un ensemble de soins pour accompagner les personnes en fin de vie. « Un soin ou des soins destinés aux personnes pour lesquelles la médecine curative est au bout de ses limites. Un soin complet d’accompagnement qui peut être physiologique, spirituel, de bien-être. Le Bénin est l’un des rares pays d’Afrique de l’ouest qui s’est doté d’un programme de soins palliatif », a indiqué le spécialiste. Il est vrai que le programme n’est pas exclusivement dédié qu’aux malades du cancer en phase terminale, mais 80% des patients souffrent du cancer informe le spécialiste. Durant le mois d’octobre, quelques Ong organisent parfois en partenariat avec des structures gouvernementales des séances de dépistage et de sensibilisation, La lutte contre cette maladie faisant des ravages dans les rangs des femmes devrait aller au-delà de ces actions superficielles. « Il m’a été donné de visiter plusieurs pays d’Afrique où des associations s’impliquent fortement et font des plaidoyers et obtiennent des gouvernements que la prise en charge des cancers soit améliorée. Des actions qui portent des fruits dans plusieurs pays africains », a indiqué le spécialiste.
Une mission importante pour les guides religieux
Au moins 1500 cas de cancer du sein ont été diagnostiqués au Bénin et parmi ces cas il y a eu environ 700 décès. Ce qui fait une mortalité de 50%. C’est très alarmant quand on sait que dans les autres pays, les gens obtiennent des taux de guérison très élevés.
Dans la lutte contre cancer du sein, « les chefs religieux ont un rôle très important à jouer !», tranche docteur Eusèbe Metodakou, auteur d’une étude sur la prévalence de cette pathologie au Bénin. À ses yeux, « le Bénin est un pays très religieux » où « les personnes écoutent et obéissent plus facilement à leurs guides religieux ».
Au Bénin, le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez les femmes, représentant près de la moitié des cas selon l’État béninois et l’Organisation mondiale de la santé (Oms). « Sur 1302 cas de cancers diagnostiqués, le cancer du sein occupait 42,7% », révèle un autre spécialiste, citant une étude réalisée dans le pays entre 2014 et 2018. Et parmi ces cas, « les femmes de moins de 50 ans étaient les plus représentées », précise-t-il. « Les dimanches, même en dehors du mois d’octobre, les prêtres et pasteurs peuvent, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, sensibiliser leurs fidèles femmes par rapport à la nécessité de se faire dépister », suggère le docteur Metodakou. Puisque « plus tôt le cancer est diagnostiqué, plus on a de chance d’en guérir ». De plus, soutient-il, cette sensibilisation permettrait de « démystifier ce qu’est le cancer du sein », alors que beaucoup de femmes au Bénin « pensent que cette maladie est causée par des envoûtements ou attaques mystiques ». De ce fait, en cas de maladie, elles se limitent à des actions spirituelles ou « s’adonnent à des traitements traditionnels couteux » et ne se rendent à l’hôpital que tardivement. L’absence de diagnostic précoce, combinée à un manque d’accès aux soins adéquats, aggrave une situation déjà préoccupante. Durant le mois d’octobre, des campagnes de dépistage gratuit sont organisées et des réductions sur certains traitements proposées.
Toutefois, malgré ces efforts, la prise en charge financière reste un obstacle majeur au sein des unités privées. Des coûts qualifiés de «très élevés au Bénin». Mais la chimiothérapie existe dans les établissements publics pour les cancers du sein et l’utérus, les deux cancers les plus fréquents dans le pays. L’importance du dépistage précoce est mise en évidence par tous les spécialistes. En plus clair, ces médecins disent que plus la consultation se fait à un stade précoce, plus les chances de guérison sont importantes et les coûts moindres. À ce défi s’ajoute un problème de moyens logistiques et d’infrastructures. Le Bénin ne dispose que de quelques centres spécialisés en oncologie, principalement concentrés à Cotonou, laissant les populations rurales et éloignées face à de grandes difficultés d’accès aux soins.
Sergino Lokossou