Dans quelques heures et selon le calendrier grégorien, l’année 2024 sera conjuguée au passé. Au Benin, cette année aura été marquée par une ambiance préélectorale même si la ferveur politique n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Au débat passionnant consécutif à la relecture du Code électoral, les dossiers rocambolesques tels que l’affaire Steve Amoussou et celle de la tentative de coup d’Etat continuent de défrayer la chronique et pourraient connaitre de nouveaux rebondissements en 2025.
L’année 2024 s’est ouverte sur un débat sulfureux. La révision du Code électoral et éventuellement celle de la constitution. Tout est parti d’un recours sur la base de laquelle, la Cour constitutionnelle a rendu la décision Dcc 24-001 du 04 janvier 2024 par laquelle, elle invite l’Assemblée nationale à modifier le Code électoral en certaines de ses dispositions. La décision vise, selon l’institution, à pallier le dysfonctionnement des institutions et la rupture d’égalité dans le cadre de la Présidentielle de 2026. Sur la base de cette décision, le Chef de l’Etat a entrepris de consulter les différentes chapelles politiques, en l’occurrence les trois partis représentés à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une consultation en vue d’une large adhésion des députés autour de cette relecture et éventuellement de la constitution. En mars 2024, l’Assemblée nationale du Bénin a adopté une révision du Code électoral, introduisant des modifications significatives dans le processus électoral du pays. Cette réforme a suscité des réactions contrastées, notamment des appréhensions et des craintes au sein de l’opposition politique. Après moult tractations, l’Assemblée nationale a procédé au vote de la loi n°2014-13 modifiant et complétant la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en république du Bénin par 79 voix pour, 28 contre et une abstention. Ce vote est intervenu à 00h 3 minutes, le mercredi 6 mars 2024, après de vifs débats entre parlementaires.
Principales modifications intervenues dans le Code électoral
La révision du Code électoral a introduit plusieurs changements majeurs notamment le durcissement des conditions de participation à l’élection présidentielle. Désormais, les candidats doivent être parrainés par au moins 15 % des députés et/ou des maires, provenant d’au moins 3/5 des circonscriptions électorales législatives. On note ainsi une augmentation de 5% comparativement aux 10% exigés par le Code validé en 2019. De même, il ressort de cet amendement, que le député ou maire ne peut parrainer qu’un candidat membre ou désigné de son parti politique dont il a porté les couleurs lors des Législatives ou des Communales. Cette mesure vise à renforcer la représentativité des candidats, mais elle est perçue par l’opposition comme une barrière supplémentaire à l’accès à la candidature. Pour ce qui est du seuil d’éligibilité pour l’attribution des sièges lors des législatives, il a été relevé à la hausse. Le nouveau Code stipule que les partis doivent obtenir au moins 20 % des suffrages dans chaque circonscription électorale pour se voir attribuer des sièges. Cette disposition est critiquée par l’opposition, qui craint qu’elle n’entraîne une exclusion de certaines formations politiques du Parlement. De façon concrète les modifications intervenues visent à renforcer l’ancrage des partis politiques et vont inéluctablement rehausser la compétitivité de la bataille politique lors des échéances électorales de 2026. Appréhensions de l’opposition
L’opposition entre craintes et
manipulation
L’opposition béninoise redoute que le durcissement des conditions de parrainage et le relèvement du seuil d’éligibilité ne visent à l’écarter des prochaines échéances électorales, notamment la présidentielle de 2026. Elle estime que ces mesures pourraient limiter la diversité politique et renforcer la domination des partis au pouvoir. Des voix, notamment au sein de l’Église catholique, ont appelé à une relecture consensuelle du Code électoral, estimant que les modifications actuelles pourraient nuire à la paix sociale et à la participation démocratique. L’opposition partage cette préoccupation et appelle à un dialogue inclusif pour une réforme électorale équilibrée. De son côté, le gouvernement, par la voix de son porte-parole, Wilfried Léandre Houngbédji, a défendu les modifications apportées au Code électoral. Il affirme que ces réformes visent à renforcer l’inclusivité et la représentativité du processus électoral, en encourageant l’émergence de grandes formations politiques capables de mobiliser un large électorat. Selon lui, le nouveau Code n’exclut aucune tendance politique et offre à tous les partis, qu’ils soient de l’opposition ou de la mouvance, la possibilité de présenter des candidats aux élections. Toute l’année 2024 et au fur et à mesure que les dates rapprochent de élections générales de 2026, les débats autour du nouveau Code électoral restent vifs. L’opposition continue de plaider pour une relecture consensuelle de la loi, tandis que le gouvernement maintient sa position sur la nécessité des réformes adoptées. La société civile, quant à elle, appelle au dialogue et à la concertation pour garantir des élections démocratiques et inclusives.
Création d’un cadre de concertation par l’opposition
L’opposition béninoise dispose désormais d’un cadre formel de concertation. Un creuset qui regroupe le partis Les démocrates et quelques partis ou mouvements « poids plumes » de l’échiquier politique national. Le nouveau bébé, porté sur les fonts baptismaux, a clairement annoncé sa détermination à mettre les choses à l’endroit. Grande solidarité républicaine (Gsr), Nouvelle force nationale (Nfn), Les démocrates (Ld), Mouvement populaire de libération (Mpl) et Mouvement « Nous le ferons » sont les partis politiques et mouvements engagés dans cette nouvelle aventure politique qui se dote d’ores et déjà d’un agenda bien fourni. Les principaux chantiers annoncés sont là relecture du code ; l’audit participatif du fichier électoral informatisé et l’extraction consensuelle de la liste électorale pour les élections de 2026; la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés politiques ; la restauration du tissu social à travers l’amélioration du pouvoir d’achat des populations. Au regard des points ci-dessus cités et qui sonnent comme de véritables défis pour ce nouveau cadre de concertation, il est aisé de relever que la mission ne sera pas de tout repos pour ce cadre de concertation à la tête de laquelle, Eugène Azatassou a été porté en qualité de coordonnateur. A l’heure où la naissance de ce nouveau creuset aiguise les espoirs dans le rang de l’opposition, on se demande si les lignes vont véritablement bouger après tout ce que l’opposition a essayé d’entreprendre pour infléchir la position du chef de l’Etat sur ces différentes questions qui les oppose.
Audit du fichier électoral
Aussitôt après sa création, le Cadre de Concertation des Forces politiques de l’opposition, s’est lancé sur son premier chantier : l’audit du fichier électoral. C’est le gouvernement qui a donné le ton en sortant des tiroirs, ce dossier qui a été l’un des points d’accord de la rencontre entre Patrice Talon et la délégation du parti Les démocrates conduites par Boni Yayi, fin novembre 2023. Mais à l’épreuve, et suite aux consultations qu’il a entreprises, les partis proches de la mouvance présidentielle, à l’exception de Moele-Bénin, se sont démarqués de l’initiative, en avançant des raisons bien précises, liées notamment à la vacuité de la démarche étant donné que le fichier électoral devant servir à l’organisation des élections générales de 2026. Ce rejet ne semble pas émousser l’ardeur des membres du Cadre de concertation qui sont décidés à aller jusqu’au bout.
Affaire de tentative de coup d’État au Bénin : Une fin d’année sous tension judiciaire
Le Bénin a connu en septembre 2024, une secousse politique majeure avec la révélation d’une tentative de coup d’État. Ce complot, survenu en fin de mois, a jeté une ombre sur la stabilité démocratique du pays. Depuis les premières arrestations, le dossier n’a cessé de captiver l’attention des citoyens et d’alimenter les débats. Les autorités béninoises ont annoncé avoir déjoué une tentative de renversement du gouvernement dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024. Selon les premiers éléments communiqués par le Procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme Mario Mètonou, au travers d’une déclaration le 24 septembre 2024, le projet aurait été fomenté l’ancien ministre Oswald Homéky l’influent homme d’affaires Olivier Boko, qui ont subséquemment été mis aux arrêts. « Des premières investigations, il apparaît que le Commandant de la garde républicaine ayant en charge la sécurité du Chef de l’État a été entrepris par le ministre Oswald Homeky pour son compte et celui de monsieur Olivier Boko à l’effet d’opérer par la force un coup d’État dans la journée du 27 septembre 2024. » avait laissé entendre le procureur qui a également indiqué que l’intervention rapide des forces de sécurité a permis de neutraliser les instigateurs avant qu’ils ne passent à l’acte. Dans les jours qui ont suivi, quelques arrestations ont été opérées à Cotonou, Porto-Novo et dans d’autres localités stratégiques. Les mis en cause ont été présenté le 1er octobre 2024 au Procureur spécial près la Criet qui a retenu contre eux les charges de « complot contre la sûreté de l’État et corruption d’agents publics ». Depuis lors, ils sont placés en détention en attendant leur jugement. Entre temps, leurs avocats ont demandé en vain, la nullité de toute la procédure et de ses actes. Sort identique pour l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les avocats le 28 novembre 2024 pour contester le refus de la section de l’instruction en appel d’accorder une remise de cause. Il en est de même du second recours en inconstitutionnalité introduit le 11 décembre 2024, dans laquelle les avocats contestent la procédure écrite établie par l’article 12 du code de procédure pénale, qui régit l’examen des appels contre les ordonnances rendues par le juge d’instruction. Statuant sur les deux recours, la Cour a déclaré irrecevable l’exception d’inconstitutionnalité présentée par les conseils des inculpés et rejeté la deuxième exception d’inconstitutionnalité, soumise par les mêmes conseils. La reprise du procès est annoncée pour 2025.
Affaire Steve Amoussou, alias « Frère Hounvi » : un procès à rebondissements
Interpellé à Lomé le 12 août 2024, Steve Amoussou, connu sous le pseudonyme de « Frère Hounvi », se trouve aujourd’hui au cœur d’un procès retentissant devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) au Bénin. Accusé de plusieurs crimes graves, son cas continue d’alimenter les débats et de diviser l’opinion publique. Steve Amoussou, présenté comme le frère Hounvi, un célèbre chroniqueur à charge contre le régime Talon depuis plusieurs années, était recherché par la justice béninoise. Son arrestation à Lomé, grâce à une collaboration entre les forces de sécurité togolaises et béninoises, a marqué un tournant décisif dans cette affaire. Transféré immédiatement à Cotonou, il a été placé sous mandat de dépôt et inculpé pour « publications de fausses nouvelles et harcèlement par voie électronique ». Son procès qui a été ouvert le lundi 7 octobre 2024 a aussitôt été renvoyé en raison de l’absence de certains avocats constitués pour sa défense. Le lundi 18 novembre 2024, le même scénario a repris. Après les premiers échanges où le nommé Steve Amoussou a catégoriquement rejeté les insinuations tendant à le lier au chroniqueur « frère Hounvi », le procès a été renvoyé au 9 décembre 2024.
Réalisé par Gabin Goubiyi