Le samedi 23 septembre 2023 a été une journée noire au Bénin. Des dizaines de vies humaines, trente-quatre (34) dont deux bébés selon les chiffres officiels, ont péri dans un incendie dévastateur qui s’est déclenché dans la matinée de début de week-end. Un drame qui remet sur le tapis, la sempiternelle question du commerce de l’essence de contrebande au Bénin. Une filière qui jusque-là, semble résister à toutes les réformes.
Le Bénin a compté ce week-end, des morts suite à un incendie meurtrier qui a enregistré de nombreux morts dans le rang des acteurs du trafic. La scène macabre s’est produite dans un dépôt à Sèmè-Kraké dans la Commune de Sèmè Podji. Selon plusieurs témoins et voisins, l’incendie se serait déclenché peu avant 10 heures suite à l’explosion d’un entrepôt d’hydrocarbures d’environ 1000 mètres carrés. La furie des flammes a emporté des dizaines de vies. 34 morts dont deux bébés selon les chiffres annoncés par le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique, Alassane Séidou, ont été dénombrés. Il s’agit là d’un bilan provisoire puisque l’autorité gouvernementale a confié qu’il y a de nombreux blessés dont des cas extrêmement graves. Des images lugubres de corps calcinés jonchent le sol. Seuls les os permettent de déduire qu’il s’agit des victimes. Plusieurs heures après, des cendres fumaient encore au sol. Au plan matériel, rien n’a résisté aux flammes : motos et voitures servant au trafic du carburant, le toit, le portail ont subi le diktat des flammes. En dépit de la prompte intervention des sapeurs-pompiers, l’incendie n’a pu être maitrisé que quelques heures plus tard. Pour la deuxième fois en l’espace de huit mois, le Bénin compte des morts. Après le drame routier souvenu dimanche 29 janvier 2023 à Dassa-Zoumè dont certaines familles n’ont certainement pas fini de faire le deuil de leurs proches qui y ont péri, le Bénin connait une nouvelle catastrophe humanitaire. Cette fois-ci, ce n’est pas la route qui a tué mais l’essence de contrebande, une filière qui, selon des statistiques, nourrit des centaines de milliers de familles. Le commerce de l’essence de contrebande est en effet, une activité très développée dans la partie méridionale du Bénin. Les habitants de cette zone du pays, profitent de la proximité d’avec le géant de l’Est, pour opérer dans le secteur. En raison du nombre considérable d’acteurs de la filière qui, dans une certaine mesure, résorbe la question de l’emploi, les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays semblent afficher une certaine clémence vis-à-vis de ce secteur informel. L’une des raisons qui justifient cette posture, est que ce marché dessert, près de 80% des usagers de la route. Les stations-services ne peuvent en effet, gérer le flux et la demande interne quand bien même des efforts considérables sont faits depuis quelques années pour amener les acteurs à la reconversion. Doit-on cependant continuer à laisser faire, au péril de la vie des paisibles citoyens ?
Arrêter la saignée
Le drame de Sèmè-Kraké est assurément le plus meurtrier enregistré dans le secteur de l’essence de contrebande encore appelé « kpayo » depuis le développement de ce commerce au Bénin. L’activité a souvent été mise en index au regard des morts et des dégâts dont elle est souvent à l’origine. Les acteurs, après avoir pendant de nombreuses années, été réfractaires à toute réforme, sont de plus en plus lucides et restent favorables à une reconversion. Pour en arriver lù, il a fallu qu’ils se retrouvent au creux de la vague au regard des nombreux maux qui minent l’activité. Avec l’avènement au pouvoir du président Bola Tinubu et sa décision de ne plus subventionner les hydrocarbures, l’horizon s’est sensiblement obscurci autour du commerce, son avenir, de plus en plus incertain. Conséquence, le prix du carburant a grimpé. Dans la partie méridionale du Bénin, l’essence est vendu à 675 Fcfa le litre tandis qu’il est à 680 Fcfa à la pompe. A l’intérieur du pays, les prix varient entre 800 Fcfa et 1100 Fcfa le litre. Depuis la courageuse décision de Bola Tinubu, l’avenir du commerce de l’essence de contrebande est fortement compromis. L’étau s’est resserré autour des acteurs. L’incendie de Sèmè-Kraké vient donner une preuve complémentaire de ce que le gouvernement doit enfin prendre ses responsabilités et foncer dans sa dynamique de moderniser le secteur en amenant les acteurs à mieux s’organiser. Cela y va de la préservation de la vie des populations qui opèrent dans le secteur.
Gabin Goubiyi