L’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a décidé de consacrer le mois d’octobre à une campagne appelée «consommons local». De son avis, les consommateurs africains n’achèteraient pas suffisamment les produits locaux et ils auraient une fascination pour ce qui vient de l’étranger. Une fascination qui va des produits issus de l’agro-alimentaire, à l’artisanat, en passant par le tourisme et la mode.
Consommer local, une petite musique que l’on entend un peu partout à travers le monde. Et l’Afrique n’y échappe pas. L’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) a lancé la première édition du « mois d’octobre, mois du consommer local » au sein des huit Etats membres. Une initiative qui ambitionne de contrer le désintérêt croissant des consommateurs de l’Union pour les produits locaux, voir communautaires, affirme le président de la Commission de l’Uemoa, Abdallah Bourema, précisant que « ce désintérêt pour les produits locaux constitue un véritable obstacle à la compétitivité des entreprises de l’Union qui n’arrivent pas à tirer suffisamment profit du vaste marché estimé à plus de 120 millions de consommateurs que représente notre Union ». L’initiative vise à amener les africains à redécouvrir leurs produits, à se les réapproprier et à délaisser les produits importés souvent mauvais pour la santé. Des importations de produits alimentaires croissantes en Afrique de l’Ouest et qui le seront dans les années à venir. Encourager la consommation de produits locaux est certes louable mais la question est aussi de soutenir l’agriculture, de mener des politiques pour protéger les productions locales des importations.
Stimuler la consommation des produits locaux
Le thème de la 4ème édition du mois du consommons local est très évocateur à ce sujet. « Quelles stratégies pour stimuler la consommation des biens et services locaux dans l’espace Uemoa ». Cette 4ème édition a été organisée par la Commission de l’Uemoa en partenariat avec le gouvernement de la République du Bénin. La cérémonie officielle de lancement a été présidée par la ministre de l’Industrie et du commerce du Bénin, Alimatou Shadiya Assouman, représentant le ministre d’État chargé du Développement et de la coordination de l’action gouvernementale en présence du président de la Chambre consulaire régionale de l’Uemoa, Douada Coulibaly et du commissaire chargé du département du marché régional et de la coopération, Filga Michel Sawadogo, représentant le président de la Commission de l’Uemoa. Il faut dire que des membres du gouvernement béninois, le représentant résident de la Commission de l’Uemoa au Bénin, des ambassadeurs, consuls généraux et consuls honoraires des Etats membres de l’Uemoa au Bénin ont également pris part à la cérémonie. Dans son discours, la ministre Assouman a relevé qu’« à la suite des résultats obtenus au niveau de chaque Etat pour les éditions 2020, 2021 et 2022, je puis affirmer sans me tromper que cette initiative commence à booster véritablement la visibilité et la consommation des produits locaux ». Pour le commissaire Sawadogo, « le thème de la présente édition, marque un tournant important dans la mise en œuvre de cet évènement, en ce sens qu’il nous invite à réfléchir de façon approfondie sur les projets et programmes structurants ainsi que des actions fortes et mesurables à développer aux niveaux national et régional pour impacter significativement le marché des produits communautaires ».
« Je suis convaincu que les résultats qui découleront des discussions au sein des différents panels prévus, nous édifieront sur cette thématique et contribueront à la levée des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux et à l’approfondissement du marché commun de l’Union », a-t-il conclu. Quant au président de la Ccr-Uemoa, Daouda Coulibaly, « la promotion des produits locaux doit constituer un instrument de l’Union pour lutter contre la pauvreté, faciliter une meilleure insertion dans le système commercial mondial et mieux faire face aux nouvelles donnes induites par les mutations sur le continent, notamment la mise en œuvre de l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) ». La cérémonie a été suivie par la visite de stands installés dans la cour du Palais de Congrès de Cotonou. L’évènement sera marqué à Cotonou par diverses activités, notamment, l’exposition-vente des produits et services originaires de l’Union, une conférence publique avec des panels et des visites d’entreprises. L’une des innovations de cette édition est la visite d’une entreprise modèle dans la production et la promotion des produits d’origine Uemoa, en vue d’un partage d’expériences. La 4ème édition du « mois d’octobre, mois du consommer local » se déroule dans les Etats membres durant tout le mois d’octobre.
Respect des normes et traçabilité des produits
« Nos produits font face à des défis qu’ont connus aussi les produits occidentaux de par le passé même jusqu’à nos jours », a fait savoir Franck Robin Accrombessi, président de « La voix des consommateurs », dans une interview accordée à un média de la place . De ses propos, l’on peut en déduire qu’actuellement, la qualité des produits locaux constitue un défi majeur à relever par les producteurs et que les consommateurs doivent en être conscients. Si « la qualité n’est pas toujours l’apanage des jeunes entreprises », les consommateurs doivent savoir que toute innovation a un début et cesser d’exiger autant. Néanmoins, les producteurs doivent faire aussi l’effort d’être en règle vis-à-vis des normes et règlementations de contrôle de qualité en vigueur au Bénin et à l’échelle internationale au besoin, puisqu’au-delà de promouvoir le « consommons local », il s’agit d’une question de santé publique.
Alors, parlant du contrôle qualité au Bénin, le laboratoire central de sécurité sanitaire des aliments (Lcssa), office sous tutelle du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep) représente l’organe responsable du contrôle qualité des produits locaux. Il évalue la qualité des denrées alimentaires, en tenant compte de multiples éléments comme l’origine des produits, sa composition, ses aspects sensoriels mais surtout le respect des normes garantissant la sécurité alimentaire. En effet, la qualité d’un produit couvre quatre (4) dimensions objectives que sont la fiabilité, la durabilité, le respect des normes et la performance. Chakirath Salifou, enseignante chercheure à l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi de l’Uac explique au sujet de la garantie de la sécurité des produits d’origine animale : « le contrôle sanitaire s’effectue d’abord à la ferme avec le respect des densités et la bonne alimentation des animaux. Ensuite l’entretien du logement afin d’assurer une parfaite santé à l’animal. Enfin, après abattage, effectuer un contrôle post-mortel dans des laboratoires pour certifier et garder la viande à des températures adaptées. D’où la nécessité de veiller au bon fonctionnement des congélateurs et chambre froide ». La traçabilité est aussi importante. En termes des outils de mesure de la qualité d’un produit agroalimentaire et Haccp, on peut citer le pH, rédox et ions spécifiques ; le réfractomètre numérique ; l’enregistreur de températures ; les thermomètres ; et la chlore libre et total en eau de process. Les produits locaux suivent donc des règles strictes avant leur mise à disposition sur le marché. Il serait également primordial que les consommateurs puissent prêter attention sur la notice du produit payé afin de lutter contre le faux et de savoir qu’il est certifié. Et ces produits certifiés ne sont rien d’autres que ceux qui ont suivi le processus sécuritaire normal instauré par l’Etat.
Sergino Lokossou