(Yvon Détchénou fait le point du secteur)
Jusqu’en 2016, le secteur de la justice au Bénin était fréquemment paralysé par des grèves intempestives, privant les citoyens de l’accès aux services judiciaires. Pendant plusieurs mois de l’année, les tribunaux restaient fermés, rendant difficile l’obtention de documents administratifs essentiels comme le casier judiciaire ou le certificat de nationalité. Cette situation entraînait de lourdes conséquences pour les citoyens et les entreprises. Depuis lors, les lignes ont considérablement bougé et le ministre de la Justice, Yvon Détchénou a présenté la physionomie du secteur au travers de son passage sur l’émission télévisée de reddition de comptes. C’était le jeudi 13 février 2025.
Aujourd’hui, grâce aux réformes encadrant le droit de grève et à la proactivité du gouvernement, la justice est plus disponible pour les citoyens. De plus, la possibilité de délivrer certains actes en ligne réduit considérablement les tracasseries administratives. Avant 2016, le Bénin comptait 14 tribunaux et 3 cours d’appel, sans service d’orientation des usagers. L’éloignement de ces juridictions compliquait l’accès à la justice pour les habitants des zones rurales. Les coûts de déplacement élevés et le manque de moyens de transport rendaient difficile la participation aux audiences et l’obtention de documents légaux. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a mis en place sept nouvelles juridictions, dont trois spécialisées, et a construit treize bureaux d’orientation des usagers ainsi que trois centres de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence à Agblangandan, Aplahoué et Parakou.
Des juridictions spécialisées pour plus d’efficacité
Face aux impératifs de développement du pays, des juridictions spécialisées ont été instaurées pour traiter des affaires spécifiques comme les litiges commerciaux, criminels et fonciers. Contrairement aux juridictions ordinaires traitant plusieurs matières, ces tribunaux spécialisés se concentrent sur une seule, garantissant ainsi une expertise approfondie et une plus grande efficacité. La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) prend en charge les crimes économiques, les actes terroristes et les infractions sexuelles. Entre 2018 et mars 2022, elle a enregistré 4 540 dossiers, témoignant de son importance. La Cour spéciale des affaires foncières, quant à elle, traite des questions de propriété foncière.
Un renforcement des ressources humaines
Un service judiciaire efficace repose sur un nombre suffisant de magistrats, de greffiers et de personnel administratif. Avant 2016, le Bénin comptait 212 magistrats et 174 greffiers. Aujourd’hui, malgré les départs à la retraite, on dénombre 336 magistrats et 220 greffiers en activité. De plus, 80 magistrats sont actuellement en formation, et un recrutement de 100 greffiers est en cours. Depuis 2016, le nombre de magistrats et de greffiers a pratiquement doublé, contribuant ainsi à améliorer le fonctionnement de la justice. Le gouvernement veille à la transparence totale des concours de recrutement afin de garantir que seuls les meilleurs candidats soient retenus.
Une productivité en hausse
L’ensemble de ces réformes a permis une nette amélioration du traitement des dossiers judiciaires. En 2015, le taux de dossiers vidés était de 43,67 %. En 2021, il a progressé à 48,08 %, avant d’atteindre 71,16 % en 2022. Par ailleurs, en 2016, seules six sessions criminelles étaient organisées chaque année dans les trois cours d’appel du pays. Après la réforme de la procédure de jugement des crimes en 2018, au moins 36 sessions criminelles et six sessions du tribunal pour enfants sont désormais tenues annuellement dans toutes les juridictions compétentes. Ces avancées ont également permis de réduire la durée moyenne de détention provisoire, passant de 30 mois à 19,15 mois en 2019. Bien que des efforts restent à faire pour atteindre les standards internationaux, ces progrès marquent une avancée considérable pour les justiciables béninois.
Digitalisation des services
La modernisation de la justice, initiée par la loi 2020-08 du 23 avril 2020 et renforcée par le colloque d’octobre 2023, a marqué une transformation numérique essentielle pour améliorer les performances du secteur judiciaire. Avant 2016, l’obtention de documents comme les casiers judiciaires ou la création de sociétés commerciales nécessitait un déplacement vers les juridictions, souvent celle du lieu de naissance, sans garantie de délai précis. Cette situation engendrait des coûts élevés et des tracasseries administratives impactant plusieurs démarches comme les demandes d’emploi et la création d’entreprises. Depuis 2020, la délivrance des casiers judiciaires est dématérialisée, permettant aux citoyens de les obtenir en ligne sans se déplacer. Entre 2000 et 2019, environ 205 000 décisions judiciaires pénales ont été enregistrées, et près de 538 000 casiers B3 ont été délivrés au 2 avril 2024, quatre ans après la mise en œuvre de cette réforme. De plus, en collaboration avec le tribunal de commerce, la création d’entreprise a été simplifiée via la plateforme https://monentreprise.bj et le Guichet Unique de Formalisation des Entreprises (Gufe) de l’Agence pour la promotion des investissements et des exportations (Apiex). Avant 2016, les juridictions n’étaient pas connectées à Internet. Les transmissions de documents se faisaient via des agents de liaison ou par taxi. Aujourd’hui, toutes les juridictions sont connectées, dont 18 sur 23 via la fibre optique. À l’avenir, les justiciables pourront consulter en ligne le suivi de leurs dossiers, obtenir des attestations et des copies de jugement sans délai prolongé.
Amélioration de la qualité du système judiciaire
La modernisation de la justice repose également sur la formation continue des acteurs judiciaires. Avant 2016, les magistrats étaient formés à l’École Nationale d’Administration et de Magistrature, dont la capacité d’accueil était limitée à 40 places pour un cycle de deux ans. Depuis 2018, l’École de Formation des Professions Judiciaires a formé 177 magistrats et 100 greffiers, avec une formation continue bénéficiant à 1 281 professionnels du secteur. Cette formation leur permet de se tenir à jour sur les évolutions législatives et technologiques, garantissant ainsi des décisions judiciaires de qualité et une meilleure gestion des procédures. Des partenariats ont également été établis avec l’École Nationale de Magistrature de France pour la formation des magistrats et avec la Chambre Nationale des Commissaires de Justice pour celle des huissiers et commissaires-priseurs. Ces initiatives renforcent l’efficacité, la transparence et l’équité du système judiciaire béninois.
Amélioration des conditions de vie en milieu pénitentiaire : une avancée notable au Bénin
Depuis plusieurs années, le Bénin s’attelle à améliorer les conditions de vie dans ses établissements pénitentiaires, avec pour objectif principal le respect de la dignité humaine et des droits fondamentaux des détenus. Cette démarche s’inscrit dans une volonté plus large de modernisation du système judiciaire et de renforcement de la réhabilitation des personnes condamnées. Avant 2016, la gestion des onze établissements pénitentiaires relevait du groupement pénitentiaire de la gendarmerie nationale. Les infrastructures étaient déficientes, l’offre de soins inexistante et l’alimentation des détenus insuffisante. Ceux-ci ne recevaient qu’un seul repas par jour, d’une valeur de 300 francs Cfa. Depuis 2018, la gestion des prisons a été confiée à l’Agence pénitentiaire du bénin (Apb). Cette restructuration a permis une nette amélioration des conditions de vie des détenus. Chaque prisonnier bénéficie désormais de deux repas quotidiens pour un coût de 1 200 francs Cfa par jour, avec une meilleure qualité nutritionnelle. En matière de soins de santé, des avancées significatives ont également été enregistrées. En 2023, des consultations médicales foraines ont permis d’examiner 10 087 détenus. Parmi eux, 8 230 ont reçu une prise en charge complète, tandis que 1 857 ont été orientés vers des spécialistes pour des soins plus appropriés. Cette initiative inédite traduit la volonté des autorités de renforcer l’accès aux soins en milieu carcéral. Ces progrès illustrent l’engagement du gouvernement à moderniser la justice et à la rendre plus efficace au service des justiciables. Cette dynamique devrait se poursuivre dans les années à venir, avec des efforts accrus en matière de recrutement, d’équipement et de création de nouveaux tribunaux et cours, afin de rapprocher davantage la justice des citoyens.
Gabin Goubiyi