Le Bénin, à l’instar des autres pays du monde, est particulièrement vulnérable et exposé aux impacts de la dégradation de l’environnement y compris la dégradation des terres et le changement climatique. Il subit de plein fouet les conséquences de la dégradation des terres qui se traduit par une régression rapide du couvert végétal et une baisse significative des rendements agricoles. Conscient du danger, les gouvernants ne tarissent pas d’initiatives et de stratégies pour atténuer le phénomène et atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres.
La question de la dégradation des terres est aujourd’hui au cœur des dix-sept objectifs de développement durable (Odd). En effet, l’Odd 15 concernant la Vie sur la Terre offre des possibilités de synergies d’actions avec toutes les trois autres conventions de Rio1, et appelle à de nouvelles formes d’intervention pour inverser la tendance rapide à la dégradation des terres dans le contexte actuel de changement climatique et de perte de la biodiversité. Le Bénin adhère aux initiatives internationales et régionales, y compris celles adoptées récemment à travers l’agenda 2030 pour le développement et l’Accord de Paris sur le Climat, pour apporter une réponse plus efficace et urgente à la problématique de la dégradation des terres et de l’environnement. Conscient de l’opportunité qu’offre le processus de la Neutralité en matière de la Dégradation des Terres (Ndt) pour la mise en œuvre des priorités nationales de développement ainsi que pour l’opérationnalisation de nombreux accords internationaux sur le développement durable et le climat, le Bénin a participé, avec une forte ambition politique, au programme de définition des cibles Ndt à travers une approche participative suivant strictement la démarche méthodologique spécifique recommandée par l’Interface Science Politique (Isp) de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (Cnulcd). « Ces dernières années, la dégradation et la perte des terres, des forêts et des habitats naturels dans un contexte de plus en plus marqué par les changements climatiques ont commencé à sérieusement hypothéquer le développement humain dans le monde en général et particulièrement au Bénin », a déclaré le ministre du Cadre de vie José Didier Tonato courant février 2023 à Cotonou à la signature du document de projet « Restauration et valorisation des terres dégradées et des écosystèmes forestiers pour une meilleure résilience climatique au Bénin (Pirvatefod-Bénin) ». Un projet initié par le gouvernement du Bénin et financé par le Fonds pour l’Environnement mondial en collaboration avec le Pnud et s’inscrit dans l’opérationnalisation de la politique nationale de gestion durable des terres et des espaces forestiers au Bénin et de son plan d’action. En effet, il est estimé qu’environ 2,2 millions d’hectares de terres, soit 19% du territoire national, ont été dégradées entre 2000 et 2010. Au cours de cette même période, la variabilité et les changements climatiques observés, notamment des variations dans la répartition saisonnière et des régimes des précipitations, des pluies plus intenses, des températures plus élevées et des tempêtes de vent plus fortes, ont augmenté et commencent à avoir un impact de plus en plus prononcé sur les services écosystémiques et les résultats agricoles.
Dégradation des terres
Selon plusieurs spécialistes du domaine, les principales causes des tendances négatives de dégradation des terres sont : la croissance démographique rapide, les pratiques d’une agriculture extensive et minière, les incitations politiques à l’agriculture extensive, l’exploitation incontrôlée du bois (production du charbon de bois, du bois de chauffe et d’œuvre), l’exploitation des carrières, l’urbanisation anarchique, la transhumance et le surpâturage, les déchets solides et ménagers, les feux de végétation, l’insécurité foncière, les défaillances dans les dispositifs de suivi et gestion des forêts associées à la non application des textes, les défaillances dans les mécanismes de suivi des plans de gestion environnemental et social (Pges) associées à une faible application des textes en la matière, l’érosion des sols, l’encombrement et l’ensablement des cours d’eau, et la pauvreté. Les habitations et autres terres artificielles sont passées de 56 000 ha en 2000 à 87 400 ha en 2010, soit une augmentation d’environ 56% en 10 ans. Toutefois, l’agriculture extensive et minière reste de loin la principale cause de dégradation des terres et notamment du couvert végétal. En effet, environ 98%, soit plus de 1,45 millions ha de forêts, savanes et zones humides disparues entre 2000-2010 résultent de l’extension des terres agricoles, contre seulement moins de 2% qui ont été transformées en des habitations et infrastructures. L’occupation des terres agricoles est passée de 90 800 ha, soit 8% du territoire nationale en 1993 (Daps/Mdr 1994), à 453 100 ha, soit 40% du territoire nationale en 2010 (Cenatel 2017). La superficie des terres agricoles en 2010 (453 100 ha) dépasse de plus du double la superficie totale des terres jugées cultivables, d’après une étude du Ministère du Développement Rural en 1994 (Daps/Mdr 1994). Cependant, les données plus récentes indiquent que seulement 17% des terres arables sont actuellement utilisées : ce qui signifie que l’extension actuelle à un rythme sans précédent de l’agriculture dans les forêts et autres domaines protégés de l’Etat ne résulte pas d’un manque de terres cultivables, mais plutôt de mauvaises pratiques agricoles dominées par l’agriculture extensive, minière et sur brulis. De plus, les pressions politiques jusqu’à un passé récent rendent difficile l’application des lois et des textes ainsi que du dispositif institutionnel en matière de protection et surveillance des forêts et des domaines protégés et aussi des ressources naturelles pour un suivi et un contrôle efficace. La baisse de productivité des forêts et des savanes résulterait par contre de leur déboisement anarchique pour la production de la biomasse-énergie, notamment du charbon et du bois de chauffe, mais aussi pour l’exploitation du bois d’œuvre et de service. Dans les champs agricoles, les tendances à la baisse et la stabilisation des niveaux de productivité traduisent les effets de l’agriculture minière à faible utilisation d’intrants ainsi que la baisse des rendements agricoles qui s’en est résulté au cours de ces dernières années. En effet, d’après les statistiques nationales, les rendements agricoles dans leur ensemble ont considérablement chuté (à hauteur de 50% dans ces cas) au cours des dernières années pour toutes les cultures, à l’exception des cultures maraîchères notamment la tomate et le piment. Au même moment, la production agricole a considérablement augmenté résultant donc d’un accroissement très important des superficies emblavées qui se sont considérablement étendues dans les forêts classées et autres domaines classés de l’Etat. Le déboisement par l’abattage systématique des arbres dans les champs de culture constitue un autre facteur pouvant être la cause de la baisse de la productivité végétative des terres agricoles. Les zones humides ont aussi connu une forte régression avec un rétrécissement rapide des lits des cours d’eau au cours des dernières années. Les causes potentielles de ce phénomène se retrouveraient aux niveaux des activités agricoles, l’ensablement, le rejet des déchets solides et ménagers dans les plans d’eau et la pression anthropique sur les mangroves pour l’extraction du sel et du bois de chauffe. En effet, les activités humaines et la pollution ont largement modifié les conditions hydrodynamiques, physicochimiques et écologiques des cours d’eau et des zones humides. Il en résulte donc des inondations fréquentes et la détérioration du cadre de vie des populations avec d’importants risques de maladies hydriques et de perte de biodiversité aquatique.
Intensifier les efforts
Le Bénin s’est rendu compte de la nécessité et de l’urgence d’intensifier les efforts pour arrêter et inverser les tendances actuelles en matière de la dégradation des terres. Ainsi, le Bénin se fixe prioritairement comme ambitions d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici à 2030 à travers la restauration d’au moins 50% (soit 1,25 million ha) des terres dégradées au cours de la période de référence 2000-2010, et limiter à 5% la perte des terres non dégradées (forêts et savanes), afin de préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques avec une amélioration nette du couvert végétal de 12%.
Plus spécifiquement, le pays s’engage à renforcer les mesures et les efforts en cours pour, d’ici à 2030 réduire de 21% (146 000 ha par an) à 5% (16 640 ha par an) la conversion des forêts et savanes naturelles en d’autres formes d’occupation du sol, en l’occurrence les terres agricoles et les habitations ; augmenter de 5% (soit 155 000 ha) la superficie des forêts à travers la reforestation et la mise en place de nouvelles plantations ; réduire de moitié (soit environ 350 000 ha) la superficie des forêts présentant une baisse de productivité nette ; accroître la productivité sur l’ensemble des terres agricoles en baisse de productivité (631 400 ha) et celles sur lesquelles la productivité est restée faiblement stable (1,8 million ha) au cours de la période 2000-2010 et de maintenir les zones humides dans leur ensemble en mettant un terme à leur conversion en d’autres formes d’occupations. Dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, le Bénin s’est fixé comme ambition de protéger le couvert végétal à travers la mise en œuvre d’un plan de reboisement de 15 000 ha de plantation forestière par an et la réduction du taux annuel de déforestation des forêts naturelles de 41,7% sur la période 2021-2030.
Cadre légal
Le cadre d’application des lois et règlements sur la gestion et l’exploitation des ressources forestières nécessite aussi d’être renforcé en vue de freiner considérablement la déforestation, principale cause de la dégradation des terres. Le gouvernement du Bénin a manifesté récemment sa volonté de combattre la destruction des ressources forestières en réaffirmant par décret l’interdiction de l’exportation du charbon de bois et du bois d’essences locales d’une part et d’autre part l’exploitation forestière en domaine classé. Mais comme mesure complémentaire à cette volonté politique, il est recommandé l’adoption d’un décret ou d’un arrêté réaffirmant fortement l’interdiction d’installation des champs et autres infrastructures agricoles dans les domaines forestiers publics et, par la même occasion, autorisant la libération des forêts et des aires protégées de l’Etat de toute infrastructure et occupations agricoles. Ainsi, la loi-cadre sur l’environnement a organisé la gestion et la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Plusieurs autres lois sectorielles la complètent : la loi portant gestion de l’eau, la loi-cadre sur la pêche et l’aquaculture, la loi portant gestion du foncier. Il devient clair que le Bénin a exprimé son engagement aux efforts de protection de l’environnement à travers la ratification de plusieurs accords et engagements internationaux et régionaux sur la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Il s’agit notamment de la Réserve de Biosphère Transfrontalières du parc W qu’il partage avec le Burkina Faso et le Niger, de la réserve de Biosphère de la Pendjari et la réserve de biosphère transfrontalière du Delta du Mono partagé avec le Togo. Le Bénin a ratifié diverses conventions internationales relatives à la conservation de la biodiversité ou des ressources naturelles.
Sergino Lokossou