Orden Alladatin, député de l’Union progressiste le Renouveau et président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et Guy Dossou Mitokpè, secrétaire à l’information et à la communication du parti Les Démocrates, ont apprécié le mécanisme de désignation des élus locaux, contenu dans la nouvelle loi n°2024-13 du 15 mars 2024 modifiant et complétant la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral. Sur la question, les avis des deux acteurs politiques sont partagés .
Lors du débat général préalable à la modification du Code électoral le 5 mars 2024, il s’est posé le problème du non-fonctionnement ou de la vacance de poste au niveau des conseils de villages et de quartiers de ville. En effet, à en croire les propos du ministre de la Justice et de la législation, Yvon Détchénou, à la date 30 octobre 2023, près de 256 postes de chefs de villages et de quartiers de ville sont vacants sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, a révélé l’autorité ministérielle, un nombre supérieur desdits postes seraient en intérim. Toute chose qui rend difficile l’opération de Recensement général de la population et de l’habitat (Rgpg 5) actuellement en cours. « A ce jour, la mise en œuvre des réformes en cette matière, notamment celle du Rgph, est en cause. En dehors de cela, il y a une autre situation en cause qui est liée à l’Anip qui fait que la présence ou l’urgence de ce que ces fonctions soient occupées est réelle. », a indiqué le garde des sceaux. Ces fonctions qui ont une résonance particulière sur l’administration territoriale sont prévues par les articles 220 à 229 de la loi 2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’administration territoriale en République du Bénin. Il est à rappeler que les chefs de villages et de quartiers de ville actuellement en fonction le sont depuis 2015. Leur mandat a été prolongé par l’article 210 de la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin qui dispose : « En attendant l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi relative à l’organisation des élections locales, les membres des conseils de village ou de quartier de ville, les chefs de village ou de quartier de ville en exercice, restent en fonction jusqu’à l’élection des nouveaux membres des conseils de village ou de quartier de ville et des chefs de village ou de quartier de ville. ».
Une solution conjoncturelle et transitoire jusqu’en 2026
Ayant pris conscience de la situation et des nombreuses difficultés qu’elle induit, les députés ont, lors de la plénière du 5 mars 2024, pris leurs responsabilités sur cette question. C’est à la faveur des amendements produits par le député Augustin Ahouanvoebla de l’Union progressiste le renouveau et Barthélémy Kassa du Bloc républicain. Ces amendements sont consignés dans les articles 201 nouveau et 201 nouveau.3. Il ressort des amendements proposés que les chefs de village ou de quartiers de ville actuellement en fonction seront remplacés pour les deux ans restants, par de nouveaux chefs village et de quartiers de ville qui seront désignés par les partis ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages aux dernières élections communales et municipales. Ainsi donc, après leur adoption par la plénière, les deux articles sont libérés ainsi qu’il suit : « Les chefs de villages ou de quartiers de ville sont désignés par le parti ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages valablement exprimés dans ledit village ou quartier de ville et éligible à l’attribution des sièges » (article 201 nouveau). 201 nouveau.3 quant à lui dispose que « Le parti procède dans les mêmes conditions que celles décrites à l’article 201 de la présente loi au remplacement ou à la désignation d’un autre chef de village ou de quartier de ville en cas de perte de ses droits civiques et civils, en cas d’absence ou d’indisponibilité pendant plus de six mois et constatée par le maire et le préfet, en cas de décès, en cas de faute grave constatée par le maire. ».
Divergences de vues
Il est important de préciser que depuis 2019, le législateur travaille à remettre les partis politiques au cœur de la gouvernance politique de la décentralisation au Bénin. « Quand on l’a fait et que vous, vous avez gagné dans une contrée, il ne faut pas que vos militants qui ont été élus sur votre liste se donnent des libertés. Ils doivent donner le contrôle au parti. Cela ne se passe pas seulement pour le compte des partis au pouvoir. Tout ce qui concerne l’élection du maire, des adjoints et des chefs d’arrondissement, a été réglé par la loi interprétative et complétive. Nous l’avons intégré dans la nouvelle loi que nous avons adoptée. Comprenez que tous ce qui concerne l’article 189 jusqu’à l’article 199, ce ne sont pas des dispositions nouvelles. Ces dispositions ont déjà gouverné l’élection des maires qui sont en exercice. », a fait savoir le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Orden Alladatin à la faveur d’une récente sortie médiatique. Le mode d’élection des maires et de leurs adjoints au sein des conseils communaux est donc abandonné pour leur désignation directe par les partis politiques. Le mécanisme, à en croire Guy Dossou Mitokpè, peut mettre en difficulté la démocratie béninoise. Il croit que les nouvelles dispositions confirment ou confortent ce qui a été fait en 2020. « En pleine élection des maires, ils ont arrêté le processus, ils ont fait introduire une loi à l’Assemblée et ils ont modifié les règles du jeu au cours du jeu. Cette disposition, comme la plupart des autres dispositions proposées par cette majorité parlementaire, nous continuons de croire que nous ne sommes pas d’accord. J’insiste là-dessus. », a-t-il fait savoir. L’un dans l’autre, les partis politiques sont appelés à communiquer autour de ces processus et de consolider la démocratie interne, source de discipline du groupe.
Abdourhamane Touré