Actuellement candidat Mba à Hec Paris, Mouphtaou Monra Yarou est un joueur de basketball professionnel d’origine béninoise né à Natitingou dans le Nord du Bénin. Agé de 33 ans, le Guépard est aujourd’hui entre reconversion et abandon des parquets. Dans une interview exclusive accordée au quotidien « Le Matinal » et à la radio « Océan Fm, l’homme a abordé plusieurs sujets relatifs à sa vie et sa carrière de basketteur. Lisez ci-dessous la teneur des propos de Mouphtaou Yarou.
Le Matinal : Permettez à nos lecteurs de vous découvrir et avoir de vos nouvelles.
Mouphtaou Yarou : Après la saison 2021-2022, j’ai décidé de mettre une pause à ma carrière pour reprendre les études. J’ai commencé le programme Mba à plein temps à Hec Paris, une école qui n’est plus à présenter. C’est pour ça que j’ai disparu des radars sportifs. J’ai fait une partie de ma formation sportive à la Renaissance Bbc du Bénin, un club emblématique. C’est de là que je suis parti aux Etats-Unis, à l’Université de Villanova où j’ai eu un Bac +4 en finance. En même temps, j’ai joué pendant quatre ans à la Nsa basketball où nous avons fait de très bonnes choses, où je me suis fait des amis pour la vie. Après ça, j’ai débuté ma carrière en Serbie où j’ai joué en EuroCup et j’ai même été nommé une fois, joueur de la journée de l’EuroCup. J’étais la meilleure évaluation, meilleur rebond. Mais ça ne s’est pas passé comme je le voulais. J’ai dû rentrer aux Etats-Unis où j’ai commencé par travailler en tant qu’analyste financier dans une société d’assurance où je m’occupais des différents pensions d’employés de la société jusqu’à ce qu’on m’offre un contrat de deux ans à partir de la saison 2014-2015. J’ai passé trois belles années. On est allé en demi-finale, on a gagné la Cup d’Europe, et la troisième année qui était très moyenne avec toutes les blessures qui s’étaient suivies. Par la suite, j’ai continué ma carrière en tribu où j’ai été le meilleur rebond, une des meilleures évaluations qui m’a permis de venir à l’evaluor où j’ai passé deux années. Un très bon début d’année, mais elle s’est achevée avec une grosse blessure au tendon d’Achille. J’ai dû arrêter. Après, la pandémie du Covid est venue. Donc ma seconde saison n’était pas du tout bonne. Je n’ai pas pu me relancer. J’ai donc pris la route de Boulazac où j’ai passé une très bonne saison. Là, j’étais le meilleur rebond, une troisième meilleure évaluation depuis ma blessure. Je pensais à ma reconversion depuis 2019 après ma blessure, mais bien avant ça, après la Fac avec mes amies qui étaient dans les bonnes affaires en finance, ils voulaient que je fasse mon Mba pour que je puisse passer de l’autre côté. Ils ne voulaient pas que je continue professionnel parce que pour eux, j’ai un talent pour être dans la bande des affaires et je ne me voyais pas ainsi en étant amoureux du basket. Chaque année, ils m’en parlaient. Cette réflexion m’est revenue pendant ma blessure, et je me suis dit que c’était fini et que je faisais une saison que je ne voulais. J’arrête donc. J’ai pensé aux Universités. Ils voulaient que j’aille aux Etats-Unis, mais je me suis dit que si j’ai toujours rêvé de faire la Hec quand j’étais au Bénin, c’est du côté de la finance, et mon frère a fait l’Ina au Bénin, mais pensait à faire l’Ina en France aussi. C’est donc un rêve qui est devenu réalité et aussi un rêve de ma feue mère qui voulait qu’on continue par faire les grandes études. Quand j’ai passé mon Gri, j’ai eu l’opportunité de discuter avec Jean Destom qui est superbe. Il m’a recruté et m’a montré les avantages de Hec. Je n’ai pas hésité à saisir l’occasion. Depuis 2019 donc, je pensais à ma reconversion, à la suite de ma carrière. C’est justement pour ça j’ai commencé mon Mba pour reprendre et trouver la vie après le basket.
Aujourd’hui les études semblent vous préoccuper véritablement. Qu’est ce qui se cache derrière cette motivation?
Ce qui se cache derrière les études, c’est la situation des athlètes après leur carrière et vous avez les boxeurs par exemple au Bénin, les champions d’Afrique, leurs témoignages, ce qu’ils vivent et tout. Les anciens athlètes dans le monde, ce qui se passe si on n’est pas préparé pour la carrière, on pense qu’on peut jouer toute la vie, mais avoir la chance de jouer jusqu’à 33 ans, c’est une bénédiction donc il faut se préparer pour la vie après pour pouvoir créer de la valeur et garder cette valeur afin d’aider les générations futures. La deuxième catégorie, et même la plus importante, c’est ce que ma feue mère me disait tout le temps : « il y a les bruits, il y a les faits réels. Le bruit, c’est tout ce qu’il y a autour de la vie de l’athlète, les faits réels, c’est que pendant la carrière, on ne suit pas une éducation, on ne se prépare pas pour la vie et il faut se préparer. » Elle utilisait toujours cette phrase de la fontaine dans le Corbeau et le Renard : le Corbeau a le fromage dans son bec et écoute le bruit du Renard et fait tomber le fromage. Donc, le fromage c’est l’éducation qui continue, qu’on doit continuer pour pouvoir vivre pleinement et garder la valeur qu’on a créé quand on jouait au basket et continuer par créer plus. La troisième catégorie est très simple. Pendant la Fac, j’avais des amis avec qui j’étais dès le départ. Ils voyaient mes forces et me disaient que je serai très bon. Ils m’ont conseillé. Je les ai écoutés et ils ne voulaient même pas que je joue professionnel. Ils voulaient que je vienne avec eux directement. Après ma première saison, ils voulaient que je fasse mon MBA pour me préparer pour ça. Donc, c’est pour ça, je suis à Hec et dans la même catégorie, faire partie d’une communauté comme Hec Paris, et c’est exceptionnel. Par exemple au Bénin, j’ai vu que le président Sidikou Karimou s’y forme. Aussi, il y a Magic System qui fait partie de cette communauté exceptionnelle. C’est comme une nouvelle nationalité pour moi.
Est-ce que le choix a été facile pour Mouphtaou ?
Ce choix a été simple pour moi parce que je me suis toujours vu plus comme un businessman. J’ai utilisé le basket pour avoir les moyens d’étudier dans les plus grosses universités du monde. Villanova est l’une des plus grosses universités, Hec, c’est la meilleure école du monde en ce moment. C’était une décision très facile avec les gens aimables. En discutant avec des gens comme Jacques Bossuche qui est l’un de mes mentors en ce moment, qui m’a aidé et qui a été un grand soutien pour moi. L’équipe de France qui m’a aidé. C’était très simple pour moi de penser à la suite de ma carrière. C’est pour ça, j’ai disparu des radars. En ce moment, je suis en train de me former dans un master général en business.
Quel est votre regard sur basketball aujourd’hui notamment des révolutions opérées au niveau des championnats?
Pour moi, le basket est en train de progresser au Bénin. Il y a un championnat Pro. Il y a tout pour que les gens réussissent. Mais dans tout ce qu’on fait, rien n’est parfait. On peut toujours s’améliorer et je pense que c’est ce qui est en train de se faire avec Ian Mahinmi que je félicite pour tout ce qu’il fait pour le Bénin. Avec des gens comme ça, avec l’aide que je peux apporter à chaque fois que la Fédération aura besoin de moi, le basket ne peut que progresser. Ce sport béninois est vraiment en progression. C’est ainsi d’ailleurs, quand il y a quelque chose de nouveau, il y a toujours des difficultés. C’est donc normal. Le but, c’est d’avoir des objectifs avant la saison, objectif après la saison et de voir ce qui n’est pas atteint. Comment est-ce qu’on peut améliorer voire faire le benchmarks avec les autres championnats en Afrique pour voir ce qu’on peut améliorer, ce qu’on peut ajouter et ce qu’on peut faire. J’ai un regard extérieur bien sûr. Je sais que le président Onifadé est en train de travailler. Et ma sœur Isabelle Yacoubou ne pense qu’au basket béninois comme Ian qui pense à comment développer le basket béninois. Avec tout ce que moi je peux apporter, une de mes visions en aidant Ian sur le projet qu’il y a avec ses ingrédients, le basket béninois ne peut qu’évoluer. On a donc besoin de tout le monde, des journalistes, de toujours voir le positif où on était et où on s’en va. Il faut que les anciens basketteurs s’impliquent. Il faut qu’ils trouvent les moyens de s’impliquer comme ça se faire dans tous les pays.
Quelles sont les ambitions de Mouphtaou Monra Yarou, en club au-delà de tout ce qu’il a déjà prouvé à ses 33 ans ?
L’année dernière, j’ai essayé de jouer en troisième division ici en France, mais avec les études, ma priorité, c’est d’abord mes études et qu’est-ce que je ferai avec les projets. Ma priorité également est de consacrer tout mon temps à ma famille. Donc en club, j’ai eu beaucoup de propositions pour l’année prochaine, en première division, deuxième division. C’est 100% études donc je n’ai aucune ambition encore. Je suis en train de penser à arrêter ma carrière définitivement donc je suis en pleine réflexion et on verra. Je pense que le moment est venu de redonner à la jeunesse béninoise, ce que je fais depuis des années : aider Ian Mahinmi parce que l’union fait la force. Ceci, pour que d’autres jeunes puissent réaliser leur rêve qu’on est une diaspora solide et qu’on est une bonne et solide équipe à la Bal. C’est un peu mes ambitions pour le moment, pas d’ambition individuelle pour les clubs ».
Propos recueillis par Sosthène Fadaïro (Coll)