Le président Patrice Talon était face à la presse nationale le samedi 23 décembre 2023. A cette occasion, différents sujets relatifs à l’actualité nationale et internationale ont été abordées. Sans langue de bois et comme à son habitude, le chef de l’Etat a répondu à toutes les préoccupations à lui adressées surtout l’après 2026 qui est bien agité dans le landerneau politique. Ci-dessous, l’intégralité de l’entretien exclusif.
Entretien exclusif du Président Patrice Talon avec la presse nationale
Bonjour à tous. Bienvenus dans cet entretien exclusif avec le chef de l’Etat Patrice Talon qui nous reçoit au Palais de La Marina. Un palais qui a fait sa mue, rénové à la hauteur de la tâche qui s’y mène depuis 2016. M. le président Bonjour et merci de nous recevoir.
Patrice Talon : Bonjour
Très heureux de co-conduire, cette émission avec vous.
Bonjour M. le président, Bonjour Serge Ayaka, bonjour à tous.
Dans les prochaines minutes, nous allons faire le tour de l’actualité. Nous allons parler politique avec surtout l’après Talon bien agité dans le landerneau politique, depuis quelques temps, et à cette allure, une question : le Pag focalise-t-il toujours les attentions ? Nous allons parler de diplomatie, évoquer surtout le Niger et les conflits actuels. Nous allons surfer sur le cœur battant du Bénin d’aujourd’hui et envisager avec M. le président l’avenir.
Monsieur le président, vous étiez devant l’Assemblée nationale, le 21 décembre dernier. Au-delà du message que vous avez délivré, pouvez-vous nous dire aujourd’hui, dire au peuple béninois, comment va le Bénin ?
Je l’ai dit devant la Représentation nationale et je l’ai dit avec foi et sincérité. A mon sens, le Bénin va bien. C’est vrai, nous venons de loin. Il y a des raisons bien légitimes d’être impatient, de voir que les choses ne vont pas aussi vite que l’on l’espérait, mais de manière globale, dans tous les secteurs de vie, le Bénin va plutôt bien.
Et vous avez vanté suffisamment de progrès économiques mais avez-vous l’impression M. le président que vos concitoyens ressentent ces progrès économiques dans leurs assiettes et dans leurs poches ? De toutes les façons, ils sont nombreux, surtout de l’opposition à penser le contraire de tout ce que vous avez dit.
Oui, parfois cela m’interpelle et je fais aussi bien souvent avec la sincérité requise pour ma responsabilité le bilan du chemin parcouru dans tous les secteurs de vie, que ce soit au plan de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de la paix, des libertés, des infrastructures, de nos besoins en général, mais mon impression quand je fais le bilan et je le fais au quotidien, c’est que nous faisons des progrès et que le Bénin se révèle à lui-même et s’étonne des progrès que nous faisons. C’est vrai que la nature humaine est exigeante et c’est d’ailleurs cela qui fait avancer le monde. Ce n’est pas parce que nous avons des routes, l’électricité, l’eau, une offre de santé qui fonctionne bien et une éducation qui fonctionne mieux que nous allons applaudir des deux mains et dire ça y ait, tout peut s’arrêter-là. Le monde n’est pas ainsi fait et c’est heureux que ça soit ainsi. Je comprends et j’approuve mes citoyens qui nous mettent la pression pour que les choses aillent encore plus vite et que chacun sente que le progrès se ressent partout, y compris dans sa poche. Mais il faut avouer que venant d’où nous sommes partis, la magie est difficile à opérer à une si grande envergure pour satisfaire tout le monde. Pour ma part, le fait que le pouvoir d’achat de la majorité des Béninois n’ait pas augmenté est dû à la cherté de la vie qui est causée à son tour par la conjoncture internationale. Une bonne partie de ce que nous consommons provient de l’extérieur et l’augmentation des revenus n’est pas à la hauteur de l’augmentation du coût de la vie. C’est donc légitime que les Béninois affichent que le progrès n’est pas encore à un niveau qui améliore leur pouvoir d’achat. Mais je continue d’affirmer que le Bénin va bien parce que nous ne reculons pas mais nous avançons et nous parvenons de ce fait à satisfaire l’essentiel de nos besoins pas-à-pas et de mieux en mieux. Je compare le Bénin d’aujourd’hui au Bénin d’hier qui était un pays fracassé comme l’ont dit certains, fracassé, pays de désordre, de corruption où tout manquait. Les quartiers de villes notamment dans les villes urbaines sont inondés à la moindre saison des pluies, l’assainissement, personne n’en parlait. L’asphaltage, on n’a jamais connu au niveau où cela est aujourd’hui. Vous achetez une voiture, il y a dix ans, au bout de 4 ou 5 ans, vous commencez à avoir des pannes, parce qu’il n’y a pas des routes asphaltées. Si ce n’est pas votre crémaillère, ce sont les amortisseurs ou les pneus. Vous allez consommer deux fois plus de carburant que la norme. Aujourd’hui, c’est des choses qui sont pratiquement derrière nous, notamment dans nos villes et ça, c’est un signe que le pays avance tout doucement parce que ces choses-là qu’on a déjà oubliées sont des acquis intangibles et qui ont fait avancer le Bénin plus qu’on l’a espéré. Je vais donner un exemple pour être un plus concret. Vous connaissez Kouandé. Kouandé était la capitale du nord avant même Parakou, avant même Nikki. Mais Kouandé, c’est avec Nikki et Parakou aujourd’hui, le cœur de l’ère Batonnu. Pour aller à Kouandé qui est une Commune importante dans la vie de notre histoire du Bénin, il n’y a jamais eu un centimètre de goudron, comme on aime bien le dire chez nous. C’est ça le Bénin d’hier. Aujourd’hui, le goudron est en train d’aller à Kouandé. Nikki, il y a eu un semblant de goudron. Cette voie a été badigeonnée et quand vous allez à Nikki aujourd’hui, vous avez l’impression que c’est tout sauf une route bitumée. La reprise est en cours. Nous démarrons bientôt les travaux. Il n’y aura plus une seule Commune qui ne sera reliée par le bitume. Ce sont des progrès tangibles. Cela montre bien que le Bénin avance. L’école, tout le monde le constate, fonctionne mieux. La santé fonctionne mieux, les microcrédits fonctionnent mieux. Le pouvoir d’achat n’a pas augmenté, mais les revenus ont augmenté. La corruption, la pagaille qu’on connaissait jadis, et vous vous souvenez très bien. L’ancien président, il le disait avec sincérité qu’on réclame que le Bénin doit préserver sa démocratie telle qu’elle était et il qualifiait cette démocratie, de démocratie nescafé. Vous savez ce que ça veut dire une démocratie nescafé ? C’est une démocratie de pagaille et de corruption. Donc, le président béninois d’alors, qualifiait notre démocratie, d’une démocratie de pagaille, d’anarchie et de corruption. Est-ce qu’on n’a pas raison de corriger cela pour que le Bénin ne soit plus un pays de pagaille et de corruption ? Donc, effectivement, il y a des domaines dans lesquels le Bénin, n’a pas progressé. Lesquels ?
Parlons justement de ces domaines.
Dans la pagaille, on n’a pas progressé. Dans la corruption, on n’a pas progressé parce que justement le Bénin est de moins en moins corrompu et la pagaille n’est plus de ce monde. Donc, tout ce qui nous caractérisait avec fierté même, parce que certains s’en contentait très bien. Ce qui nous caractérisait, on a essayé de nous en débarrasser au grand dam de ceux qui en profitait parce que les ressources du pays étaient distribuées, chacun s’en servait à volonté et puis après, on se plaisait à les distribuer aux parents, amis et consorts et on dit l’argent circule. Mais aujourd’hui, l’argent du Bénin n’est plus volé, distribué et quand j’entends l’opposition comme vous venez de le dire, dire haut et fort que l’argent ne circule pas, que les gens ne mangent pas, je veux leur dire que dans un pays qui progresse, dans un pays normal, chacun doit vivre de son travail. Donc, il faut qu’on donne du travail à tout le monde. C’est ça nous essayons de faire, construire le pays de sorte qu’il y ait de l’emploi pour tout le monde, que chacun vive de ses efforts et non que les politiciens volent les ressources du pays et après les distribuent en jouant les mécènes ici et là. Vous savez très bien que quand on nomme un ministre à l’époque, un directeur général, il va chez lui et il fait une messe d’action de grâce et on chante. Je ne sais pas chanter, sinon je vous aurais fredonné les refrains. Il dit « je suis dans la joie, une joie immense parce que Papa bonheur m’a nommé ». Quand on nomme quelqu’un ministre, tout de suite, il prend dix, vingt millions dans les caisses de là où on l’a nommé, il va dans son village, il fait une grande messe et il distribue l’argent du pays à tout le monde impunément. C’était ça le Bénin. Est-ce que ce Bénin est toujours le même ? Est-ce que ce Bénin progresse ? Est-ce que ce Bénin se débarrasse de ces travers ? Eh Bien oui, nous progressons. Nous travaillons, nous construisons notre pays doucement. Moi, je suis fier de ce que fait le Bénin.
Vous dites que le Bénin se construit, mais il y a aussi des points d’insatisfaction. Prenons par exemple le Pag. Est-ce qu’il évolue comme vous l’auriez voulu ?
Je dois vous l’avouer, le rythme ne me satisfait pas assez parce que je suis perfectionniste. Je suis impatient dans la vie en général et j’aurais bien voulu que les choses aillent plus vite. Mais, nous venons de si loin que aller plus vite peut relever de l’utopie. Le Bénin n’est pas si riche que ça. Nous n’avons pas de pétrole. Nous n’avons pas de diamant. Nous n’avons pas de forêt que nous nous vendons, mais nous vivons de nos efforts, de nos économies de ce que chaque Béninois met dans la caisse de l’État et aujourd’hui c’est avec ça que nous parvenons à améliorer nos infrastructures, à satisfaire nos besoins essentiels et le monde a connu le Covid-19, la guerre en Ukraine est en cours. Aujourd’hui, il y a d’autres foyers de tension, les taux d’intérêt ont augmenté partout dans le monde. Donc, nous sommes dans un environnement plus difficile et tous les pays du monde vivent cet environnement-là. Vous avez vu en Amérique du Sud, la situation en Argentine et autres qui est quand même très difficile. Mais, est-ce que le Bénin dans ce contexte global si difficile parvient à avancer mieux que les autres ? Parfois, pour savoir si on avance, il faut regarder ce qui se passe derrière soi. Je pense que dans le contexte global, le Bénin fait beaucoup d’efforts et le Bénin n’est pas dans une situation aussi chaotique que d’autres. C’est ça qui nous permet de dire, le monde va mal, c’est difficile les conditions de vie sont pénibles et malgré tout, le Bénin parvient tout doucement à tirer son épingle du jeu et c’est pour ça que tout le monde nous envie. Ce n’est pas parce que le Bénin est un paradis déjà et que tout le monde vit très bien, tout le monde a le pain quotidien que nous sommes enviés. C’est parce que nous résistons mieux, nous faisons beaucoup plus d’efforts que les autres et nos efforts payent et ça se voit tout le monde le voit. Certes, nous n’avons pas encore atteint le plein emploi au Bénin, le pouvoir d’achat n’est pas à un niveau satisfaisant, mais si nous continuons avec ce rythme-là, dans les 5, 10, 15, 20 années à venir, nous allons atteindre notre objectif et il y aura le plein emploi au Bénin. Le pouvoir d’achat sera suffisamment élevé pour satisfaire nos besoins essentiels et nous constaterons en faisant le bilan que le Bénin a progressé et que le Bénin va bien, que le Bénin a corrigé ses travers. Ceux qui aujourd’hui font la gloire d’un passé qu’ils regrettent, c’est plutôt un passé de chaos et ça, on ne peut pas souhaiter que le Bénin retourne à ce stade-là quand on aime son pays, quand on s’aime soi-même.
Alors Monsieur le président, vous l’avez rappelé le rythme auquel le Pag avance. Il ne vous convient pas visiblement, mais dans un contexte de dernier mandat où dans votre équipe les cœurs battent déjà pour l’après Talon, est-on encore entièrement dévoué et mobilisé autour du Pag?
Je le constate bien hein ! Moi, je n’ai pas l’impression que l’ardeur a baissé et que mes collaborateurs les plus proches font moins d’effort parce que nous sommes dans la dernière ligne droite. Au contraire, je vois que les gens sont épuisés. C’est vrai parce qu’on leur en demande beaucoup. Le pays leur demande beaucoup, et moi je suis très exigeant.
Tout le monde a les yeux rivés déjà un petit peu sur l’avenir du pays et sur 2026, Qu’est-ce qui va se passer et qui vont être les dirigeants de demain ? C’est une question légitime à laquelle tout le monde pense un petit peu, mais cela pour autant n’a pas émoussé l’ardeur de ceux qui sont à la tâche. Moi, j’ai bien le sentiment et c’est ce que je vois, il n’y a pas affaiblissement des efforts qui sont produits par les uns et les autres. En tout cas, tout au moins en ce qui concerne l’administration, les divers responsables au plus haut niveau qui conduisent la mise en œuvre du Pag avec moi. Donc, je vais vous rassurer que la fin du mandat qui s’annonce normal d’ailleurs n’a pas du tout émoussé l’ardeur des uns des autres.
Alors votre équipe est à la tâche, vous l’assurez, mais on sent bien dans le landernau politique qu’il y a de l’échauffement, notamment parmi vos soutiens. Parlons par exemple de la tendance à la suscitation de candidatures pour 2026. Dans ce registre-là, on voit particulièrement actifs les soutiens de votre ami Olivier Boko à travers la dynamique OB 26. Alors, cela a, semble-t-il, valu à l’un de vos ministres une démission ?
Vous savez comme je viens de vous le dire, cela me paraît bien légitime qu’il y ait une attention particulière sur 2026 parce que 2026 va arriver même si c’est encore dans 2 ans et la vie politique, la compétition politique rythme notre vie au quotidien. Donc, l’avenir est rythmé aussi et tout ce qui vient devant est rythmé également par les échéances politiques. Donc, c’est tout à fait normal. C’est tout à fait évident que certains se dépêchent déjà de s’imaginer ce qui va être la bonne succession. Mais, aujourd’hui, aucun parti politique ne s’est encore lancé dans le choix des candidats, ni le Bloc républicain, ni l’Union progressiste, ni Les démocrates, ni la Fcbe encore moins. Personne n’a encore fait ça, et les organes des partis n’ont pas encore ouvert la compétition en leur sein et comment on peut voir quelqu’un qui a été au cœur de la réforme, notamment le ministre auquel vous faites allusion ignorer son parti politique, ignorer cette réforme, ignorer cette bonne disposition qui aujourd’hui gouverne notre pays en matière politique et commencer à faire la promotion d’un candidat, son candidat à lui, celui qu’il estime peut-être qu’il est le meilleur candidat pour lui, pour 2026 au mépris de tout ce que nous sommes en train de bâtir ensemble. C’est bien pour cela que je l’ai rappelé à l’ordre. Mais, est-ce que cela n’est pas légitime ? Qu’il faut préserver nos petits acquis qui sont en train de se renforcer. Pour moi, le moment n’est pas encore arrivé. Les partis n’ont pas encore ouvert la compétition. Laissons-leur le temps d’ouvrir la compétition et ceux qui sont candidats vont faire la course au sein de leurs organes politiques. Mais, il n’y aura pas de candidat au Bénin sans les partis politiques à l’avenir ; ce sont eux qui vont décider, qui vont adouber les candidats, leurs élus vont donner les parrainages et il faut souhaiter que ce soit ainsi pour qu’il y ait de l’ordre, pour qu’il y ait de la discipline et pour que le pays fonctionne conformément à une ligne directrice. Il ne faut pas permettre cela. Vous avez parlé de mon ami Olivier Boko. Moi, je ne sais pas s’il est candidat. Je ne sais pas.
Il ne vous l’a pas dit ?
D’abord, le moment n’est pas arrivé. Deuxièmement, je ne suis pas du genre à faire la promotion de ma famille, de mes amis, de mes proches en matière politique. Ce n’est pas mon genre. Donc, ce ne serait pas ces genres de critères qui vont déterminer mon choix pour la promotion d’un tel ou tel candidat. C’est pour vous dire que je ne suis pas dans un tel schéma, mais je suis à égale distance de tout le monde. On verra bien qu’est-ce que les partis politiques vont décider demain ou après-demain en ce qui concerne les candidatures qu’ils vont promouvoir en 2026.
Mais, est-ce si facile pour un président en fin de mandat de rester vraiment à égale distance de tout le monde ? Est-ce que vous-même, il vous arrive d’avoir certaines appréhensions quant à l’après Talon ?
La responsabilité me l’impose de rester serein, à égale distance de tout le monde et de participer au renforcement de ce que nous avons mis en place comme nouvelle dynamique politique. Ce n’est pas évident parce que nous sommes des humains. Nous avons nos sentiments, nos affections personnelles qui sont des choses qu’il faut parvenir à étouffer quand on assume des responsabilités comme la mienne et ça, je sais le faire. C’est pour cela que je ne serai pas inactif. Je serai actif parce que je suis un citoyen béninois, je veux que mon pays progresse et avance. Je ne vais pas dire après moi, le chaos. Je serai donc actif pour que la suite soit dans l’idéal que nous sommes en train de bâtir ensemble. Les Béninois comme vous, voudront bien que le pays continue de progresser. Nous serons tous actifs pour que la suite se passe mieux que ce qu’on voit aujourd’hui. Mon souhait est que le Bénin progresse et que demain soit meilleur à aujourd’hui et qu’on constate tous que le meilleur reste à venir. Ma foi, c’est cela, le meilleur reste à venir. Donc, je n’ai pas d’appréhensions. Je crois que le Bénin a une âme, va bien maintenant et qu’il ira de plus en plus mieux et que la suite sera meilleure par rapport à ce qui se passe aujourd’hui. Je n’ai donc pas d’appréhensions, c’est certain. Nous allons tous œuvrer pour cela.
Comment pouvez-vous être certain Monsieur le président que votre successeur n’aura pas seulement le sens théorique des choses, mais aussi le sens pratique, le sens des résultats comme vous. Comment vous assurez qu’il soit tout autant motivé que vous ?
Pourquoi même pas plus ? Quand j’arrivais dans la fonction en 2016, peu de gens croyaient que je serai en mesure d’impulser tant d’énergie parce que le Bénin est riche par ses talents, par l’engagement des uns et des autres et par la volonté des uns et des autres. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas progressé pendant 60 ans à ce rythme-là, que les Béninois n’ont pas le potentiel, c’est parce qu’il fallait un déclic. Et j’ai été simplement celui qui a allumé le moteur. Ce que nous faisons relève aujourd’hui de la prise de responsabilité, de la conscience que chacun a prise et chacun donne le meilleur de lui-même dans son domaine. Il n’y a pas de raison que cela ne continue. Donc, je ne veux pas dire que celui qui me succèdera a peu de chances de faire autant que moi en termes d’engagements, de volonté et de responsabilité. Je pense même que ce sera mieux parce que j’ai donné un exemple en montrant combien je mets le cœur à la tâche et celui qui viendra voudra faire plus que moi. Et nous veillerons à ce que celui que nous allons promouvoir et que le peuple va choisir, soit le plus indiqué possible en cette matière de volonté, de capacité, d’engagement, de compétence et d’amour pour le pays. C’est pour cela que je vous dis que le meilleur reste à venir.
A partir de quand le choix de celui que vous allez promouvoir sera fait et que les partis politiques vont lancer les appels à candidatures pour la Présidentielle de 2026 ?
Le rythme politique n’est malheureusement pas toujours compatible avec celui de la bonne gouvernance et de la satisfaction des obligations de ceux qui sont encore en place. C’est bien pour cela que certains ont commencé trop tôt. Est-ce qu’il faut que les choses commencent dès maintenant ? Je pense que non parce qu’après, cela va trop capter l’attention des uns et des autres. Je pense que les partis politiques vont avoir des discussions de coulisse, c’est certain d’ici un an ou un an et demi. Mais la fièvre politique même, ce sera peut-être 6 mois. Je ne pense pas que les choses fondamentales se décideront au sein des partis politiques plus de six mois avant l’échéance. D’ailleurs, vous le savez, les acteurs politiques n’aiment aussi cela. La compétition pour moi, va commencer au sein des partis, les débats et discussions vont commencer peut-être six mois avant. Ce serait une bonne période.
Vous avez échangé avec le parti d’opposition Les démocrates le 27 novembre 2023. Au-delà du point d’accord sur l’audit de la liste électorale, quelques jours d’assises pour l’avenir comme le demande ce parti ne seraient-ils vraiment pas les bienvenus ou pensez-vous que c’est du temps perdu ?
Je n’ai pas compris ce que Les démocrates appellent assises. Ils ont des préoccupations et parce qu’ ils en ont, ils pensent qu’il faut arrêter le pays et que tout le monde aille s’asseoir sous l’arbre à palabre pour échanger sur des sujets qui, pour moi, ne présentent pas d’intérêts particuliers. Le Bénin n’est pas en crise. Il n’y a pas de crise sociale et politique. La démocratie fonctionne de mieux en mieux. Moi, je ne sais pas ce qu’ils mettent dans assises nationales. Ils ont évoqué deux problèmes, vous avez suivi l’entretien avec les responsables du parti. Ils ont évoqué la nécessité d’auditer la liste électorale pour donner l’assurance à tout le monde que la liste est normale, convenable et qu’il n’y a pas de tripatouillage. J’ai donné mon accord. Est-ce qu’il fallait des assises pour qu’on donne satisfaction à une telle demande ? J’ai même dit que l’Etat financerait le coût de cet audit si nécessaire. Ils ont la main aujourd’hui pour trouver les experts qu’il faut pour l’audit librement sauf s’ils décident d’auditer eux-mêmes, ce serait bien, le Bénin les remercierait. Quel est l’autre sujet qui constitue une crise ou l’intérêt d’une assise nationale ? sauf à souhaiter qu’on se rassemble, qu’on se taquine comme on a pu l’observer. On ne pourra pas faire d’assises pour ces genres de choses, il faut être sérieux. J’estime qu’il n’y a pas de crise qui nécessiterait que nous rentrions dans une telle démarche destinée en général de manière grave et sérieuse à rassembler les citoyens autour d’une situation qui mérite qu’il y ait une pause et qu’on discute.
A l’occasion de ces échanges, on vous a vu opposer un refus à la demande d’amnistie en faveur d’acteurs politiques en prison ou se considérant comme exilés. Au nom du principe que certains ont du mal à comprendre et qui rappellent que vous-même vous aviez bénéficié du pardon de votre prédécesseur il y a quelques années. Qu’en dites-vous ?
La chute de votre question m’amuse beaucoup parce que j’ai entendu dire ici et là que Patrice Talon a bénéficié du pardon de son prédécesseur et puis aujourd’hui il refuse le pardon à des exilés et condamnés politiques. Vous voulez vraiment savoir ? Il est important que le peuple béninois sache ce qui se passe parfois au sommet de l’Etat ou au niveau des responsables à qui ils confient pour un temps, leur destin commun. Je vais demander à mon aîné Yayi Boni, d’accepter que nous ayons des discussions pour faire ce qu’on appelle en fon « Atchakpodji », Sous l’arbre à palabres. On va s’asseoir avec certains et on va rappeler les faits qui se sont passés à cette époque entre lui et moi qui ne sont pas des choses qui concernent vraiment le Bénin parce que cela a été un conflit entre deux personnes. Je l’ai rappelé un peu en 2016. J’ai été le soutien et ami du président Yayi Boni et après on ne s’est pas entendu sur la façon dont le pays fonctionnait, la gouvernance du pays et la projection politique. Cela a tellement abimé nos relations que cela a été l’occasion d’une tragi-comédie entre deux hommes, mais qui a amusé et inquiété le pays. Dieu merci, les choses ne sont pas allées plus loin que ce théâtre qu’il y a eu. Je vais vous le dire, moi, personne ne m’a pardonné. Il y a eu une procédure judiciaire ici initiée contre moi concernant les accusations dont j’ai été objet quand je suis parti du pays. Je suis parti du pays, parce qu’on voulait m’arrêter. Il y a eu une conférence de presse d’un certain maître Agbo le 18 septembre 2012. Ce dernier aurait dit que le président Yayi Boni passerait sur les cadavres de Béninois pour un troisième mandat et qu’il fallait que le régime d’alors plie bagages et qu’on chante autre chose. Le président d’alors a imaginé que je suis à la base de cette conférence de presse. Le lendemain, il était à Abuja, il a instruit les services d’Etat, de défense et de sécurité et pas la justice, d’aller me chercher. Quelqu’un parmi ceux qui ont été instruits m’a appelé et m’a dit M. Talon, et bien nous savons que vous êtes de nature téméraire, mais cette fois-ci, c’est sérieux. Nous avons été instruits pour aller vous chercher par tous les moyens, quitter le pays. J’ai informé mon épouse et j’ai dit moi, je ne suis pas un fuyard. Je vais voir ce qui va se passer. Mon épouse m’a dit : Patrice, debout hors du pays, tu feras le combat. Mais sous terre non. Alors, tu ne feras pas le con. Parfois, quand certaines personnes parlent, me donnent des recommandations, je suis docile comme on le dit. Je suis parti et s’en est suivi tout ce que vous savez. Tentative de coup d’Etat, d’assassinat, d’empoisonnement et tout le reste. Je vous passe des détails parce que nous allons en parler le jour du « Atchakpodji ».
Vous y tenez visiblement ?
J’y tiens parce que ce serait bien que les Béninois sachent ce qui s’est passé, les détails de cette comédie qui continue d’ailleurs de polluer l’atmosphère. La justice de mon pays a dit un non-lieu et que tout ce dont j’ai été accusé n’ont jamais existé. Même si les juges à l’époque qui étaient quand même sous ordre ont cherché par tous les moyens à prouver que Talon a eu l’intention, a voulu faire, mais en fin de compte, ça ne s’est pas passé, bref, il a eu un non-lieu. Je n’ai été reconnu coupable de rien du tout, en France pareil. Mais comme j’étais actif politiquement, mon prédécesseur, le président Boni Yayi a souhaité qu’on fasse la paix. Ce n’est pas moi qui ai sollicité une paix, la réconciliation entre deux hommes, bien que je sois un homme de paix et de réconciliation. Mais l’initiative ne venait pas de moi. L’ancien président du Sénégal, le président Diouf qui était secrétaire général de la Francophonie a été appelé. On lui a demandé de m’appeler et de me demander qu’il faut qu’il y ait la paix entre mon ainé et moi. Mais qui refuse de faire la paix ? Je suis allé à la convocation du président Abdou Diouf. Il m’a dit : « jeune homme, il faut que tu fasses la paix avec ton ainé. Et je lui ai dit moi, je veux bien, je n’ai jamais fait la guerre à personne. Et c’est cela qui a donné lieu à des échanges du genre. Et puis, en Afrique, quand on vous dit, même si tu n’as rien fais à quelqu’un, demande pardon, pardonne, demande excuse de tout ce qu’il y a eu. Je n’ai rien fait à personne, j’ai été condamné pour rien, je suis accusé de rien. Je n’ai pas à demander quoi que ce soit. Mais in fine, c’est faire preuve de rancœur que de ne pas dire à son protagoniste écoute, si j’ai pu t’offenser, si j’ai pu te faire du tort en quoique ce soit, alors je le regrette. C’est une forme élégante de dire je suis prêt pour la paix sans dire je ne suis coupable de rien parce que, vous pouvez offenser quelqu’un juste parce que vous êtes une embuche, un obstacle à ses ambitions ou bien la personne a pensé que vous l’avez maîtrisée. Donc, quand on veut faire la paix vraiment, c’est une formule consacrée. Et comme vous êtes de la presse, allez chercher les documents qui ont été publiés à l’époque, par lesquels Talon aurait dit on fait la paix et lisez ce qui a été dit. J’ai dit, si j’ai pu vous faire du tort ou du mal de quelque manière que ce soit, alors je regrette. Mais, il fut un ami, un ainé de mon pays. Moi, je n’ai jamais demandé que Yayi Boni me pardonne de quoique ce soit et il m’a pardonné de rien du tout parce que je n’ai rien fait, je ne suis condamné de rien. Alors comment on peut faire l’amalgame entre ce théâtre qui est né d’un conflit entre deux personnes, avec une situation grave dans le pays dans lequel nous sommes où des gens ont commis des crimes, des détournements, engager des tueurs à gage pour tuer des gens, engendrer une insurrection dans le pays afin que les élections n’aient pas lieu, et puis des gens ont été condamnés et on me demande de les amnistier. Ce n’est pas amnistier une personne. Peut-être que les Béninois ne savent pas exactement le contenu de ce que demandent Les démocrates. Ce qu’ils demandent, d’ailleurs, pour moi c’est un manque de sincérité. Ils demandent quelque chose qui n’est pas possible techniquement. Voilà, Réckya Madougou a été condamnée parce qu’elle a commandité l’assassinat de l’ancien maire de Parakou et ses complices ont été arrêtés, sont passés aux aveux, on a vu les traces, des échanges par lesquels les gens ont été payés, mandatés pour commettre un assassinat commandité par une femme. Et la justice est allée à son terme et la personne a été condamnée. D’autres personnes ont été condamnées pour trafic de drogue, d’autres ont été condamnées pour détournement de fonds publics et certains sont partis du pays et n’ont pas répondu à l’appel de la justice et on me dit, il faut amnistier tout ce monde-là, chacun en ce qu’il a fait. Donc, on va amnistier Réckya Madougou pour avoir commandité l’assassinat et créer une insurrection dans le pays, on va amnistier monsieur tant pour trafic de drogue, on va amnistier telle personne pour détournement de fonds publics etc. Donc, on va sélectionner certains délits commis dans des champs différents et on va mettre tout ça, pour dire tout ce monde-là, on les amnistie. Et les autres, les autres quinze mille (15000) Béninois qui ont commis des délits moins graves ou de même nature, qui sont en prison, on les laisse et ont les sélectionne comme ça, Pierre, Jean, Paul, Jacques, Fatouma et consorts et puis ont dit et bien tous ceux-là, il faut les amnistier. Dans quel pays ça se passe comme ça ? On peut amnistier pour un évènement particulier, un fait particulier comme des faits en 2019. Il y a eu une situation grave. Tous ceux qui ont été impliqués ont été amnistiés. Moi, je veux bien que tel qu’on me demande, M. le président, il faut amnistier toutes les personnes qui ont été coupables ou impliquées dans un évènement d’ailleurs, un fait particulier qui a été une crise au Bénin comme en 2019 et on peut décider de le faire. Mais comment on peut ne pas être dans cette démarche et dire que pourvu que la personne ait été politique, ait été l’ami d’un politicien, ait été le parent ou la copine ou la maîtresse d’un politique, quel que soit le délit pour lequel la personne a été condamnée, il faut l’amnistier. Techniquement, ce n’est même pas possible. Même au Parlement, si le Parlement était à cent pour cent Démocrates, une telle loi ne peut pas être votée, c’est impossible. On ne peut pas choisir comme ça, sélectionner dix ou trente personnes dans le pays et dire ceux-là, on les amnistie de tout ce qu’ils ont fait, ce n’est pas possible. Voilà donc un peu la demande. Il s’agit d’une demande folklorique, c’est une demande politicienne et ceux qui sont avisés savent bien que ce n’est pas possible de donner une suite favorable à cette demande et puis on fait l’amalgame, on dit Talon refuse de pardonner. Moi, je ne gouverne pas avec la tête, la tête, nous sommes tous doter de cela. Je gouverne avec la responsabilité, la raison, que les citoyens béninois attendent de tous leurs responsables, gouverner avec la raison, avec le sens de responsabilité qu’il faut, ne pas mettre le pays à feu et à sang parce que tel serait mon parent, mon ami, un partisan. Ce n’est pas ce que les Béninois attendent d’un homme, de quelqu’un comme moi. Je vous l’ai dit la dernière fois, il y a des décisions que je prends et qui me donnent beaucoup de peines et que je prends parce que c’est l’intérêt du peuple, du pays. C’est pour ça que je suis accusé de tout mais j’encaisse. J’encaisse parce que celui qui ne veut pas être vu comme ça, ne peut pas être un bon chef.
Monsieur le président, une chose est certaine, vous ne revenez pas sur la question d’amnistie ?
Je ne veux même pas vous dire que je refuse. D’abord, ce n’est pas moi qui vote la loi d’amnistie. Mieux, une telle demande ne peut pas prospérer.
Il y a la grâce présidentielle !
Alors, je vais gracier et laisser qui ? Selon vous ? Réckya Madougou ? Ok, alors je la gracie et cela s’arrête-là. Donc il n’y a pas lieu de gracier Aïvo, Ajavon, Léhady Soglo etc. Quelle est alors la demande réelle ? Si c’était vous madame, qui voulez-vous que je gracie ? Si c’est une personne, d’accord ! Mais ils disent que c’est pour des personnes ciblées. Eux-mêmes, ils sont dans leur piège. Pourquoi demandent-ils la grâce pour certaines personnes et pas pour d’autres de leur parti qui sont concernées ? Donc, ils ne peuvent pas demander la grâce ou l’amnistie à une seule personne et là, on va se demander ah bon ? donc ce parti est au service de certaines personnes et pas des autres ? Je vous pose la question, si vous deviez gracier, ce serait qui ? Une, deux, trois ou combien de personnes ? Je n’ai pas compris la question et je souhaite que vous m’éclairiez. Vous avez la science de lire à travers les questions, les vraies intentions derrière. Parce qu’il y a quelque chose qu’on dit publiquement mais derrière quand on veut exprimer vraiment ce qu’on veut, on constate que c’est ce qu’on veut et comment cela est-il possible ?
Autre sujet soulevé par l’opposition et certains de vos concitoyens, c’est le dispositif de contre-mobilité érigé par la Douane à nos frontières ouest. Cela n’est-il pas préjudiciable aux principes constitutionnels de libéralisme économique et de la libre circulation des personnes et des biens ?
Là, je ne vous comprends pas. Nous avons érigé des infrastructures de contre-mobilité aux sorties anarchiques des frontières du Bénin. En quoi cela est-il contraire à la libre circulation des personnes et des biens ? Tous les pays du monde contrôlent leurs frontières. Vous savez, la Belgique et la France sont deux pays voisins et membres de l’Union européenne. Ils ont une intégration régionale aboutie où il y a une véritable libre circulation des personnes et des biens. Malgré cela, les voies qui relient la France et la Belgique sont des voies connues. Si vous y allez, vous verrez qu’il y a des postes de Police et de Douane qui y sont même s’ils n’arrêtent personne, ils sont là parce que le jour où il y a un problème, on sait ce qui s’est passé et fait des contrôles et consorts. Tous les pays ont une idée très claire des voies par lesquelles on quitte un territoire pour un autre territoire même s’il y a libre échange entre les pays. Au Bénin, chacun se lève et ouvre la voie comme il veut, mais ce n’est pas possible. Il y a des centaines voire des milliers de voies qui relient le Bénin avec le Togo, le Nigéria, le Burkina de sorte que rien ne tient. Nous avons dit qu’il faut fermer ces voies et avoir les voies dédiées. Entre le Bénin et le Togo, s’il faut 10, 20 ou 50 voies dédiées, nous discutons avec les maires et les responsables à divers niveaux pour leur demander : quelles sont les voies qu’on va dédier à la circulation entre le Bénin et le Togo. Le reste qui sera recensé comme des voies qui ne sont pas dédiées, il faut les fermer. Donc, nous cherchons les moyens de bord pour fermer ces voies qui ne sont pas reconnues comme des voies étant officielles de circulation entre le Bénin et las pays voisins. C’est tout ce qui est en train d’être fait. J’ai dit tout à l’’heure une chose, le Bénin ne sera plus un pays de démocratie nescafé, de pagaille. C’est parce que nous avons laissé prospéré ce genre de choses, que Yayi Boni même laissait prospérer, qu’aujourd’hui, le fait de dire que de l’anarchie, on ne peut pas continuer, on dit ah non, pourquoi ? Ces démocrates mêmes ne peuvent pas me dire de laisser n’importe qui ouvrir n’importe quelle voie. S’ils disent ça, alors ils seront disqualifiés pour être députés, maires pour aspirer à la fonction de président de la République parce qu’on ne peut pas promouvoir l’anarchie en tant que responsable dans un pays, ce n’est pas possible.
Lorsque vous acceptez d’encadrer un secteur et que vous menez des réformes qui débouchent sur la rétention, certains croient à tort ou à raison que c’est pour des intérêts personnels. Est-ce une incompréhension de vos ambitions pour le Bénin ?
Patrice Talon était un opérateur économique, un acteur de la filière coton. Je ne le suis plus. Ce sont mes héritiers qui ont pris le relai.
Il y a 30 ans, le Bénin avait le choix de commencer son industrialisation par le coton. L’Etat du Bénin avait construit des usines et quand la production commençait à exploser, il a demandé à des privés de venir investir au Bénin pour construire des usines d’égrenage. Beaucoup de gens se sont intéressés à cela. Et c’est à ce titre que Patrice Talon est devenu un égreneur privé. A ce moment, il avait dit que la sortie du coton graine du territoire est interdite. Et c’est à ce titre qu’on a demandé aux privés de venir s’installer et qu’ils auront accès à la matière première. C’est donc une politique normale ancienne qui ne date pas d’aujourd’hui. Tous les pays du monde qui veulent transformer leurs matières premières, décident d’investir par l’Etat ou par le secteur privé. Comment voulez-vous que nos paysans produisent du coton graine, du soja, de l’acajou et du riz et qu’une fois ces produits disponibles, ils partent du territoire dans des emballages pour aller nourrir les autres industries des autres pays du monde et crée d’emplois dans ces pays pendant que les enfants ici sont au chômage. Ce qu’il faut noter, ce n’est pas que le fait de vendre les matières premières à des exportateurs leur donne tellement de richesse qu’ils parviennent à nourrir leurs enfants, à les marier, à s’occuper des petits enfants, à leur acheter une maison à chacun. Si rien que le fait de vendre les produits permettait à ceux qui ont produit d’entretenir toutes leurs familles, les générations successives, je dis que les enfants vont croiser les bras mais il y tellement d’argent à gagner qu’on va se partager encore que ce n’est pas une bonne chose d’ailleurs. Donc, l’effort de ceux d’entre nous qui produisent les matières premières, a son prolongement dans l’intérêt général, dans leur propre intérêt, par leur transformation pour créer de l’emploi pour leurs enfants pour que ces derniers vivent de ceux qu’ils ont fait, pour que leurs efforts entrainent des intérêts et que cela crée du transport, de la manutention, des usines et que le pays se développement tout doucement à partir des efforts des uns et des autres. Un pays est une chaine et chaque maillon, il est important de l’accrocher à d’autres maillons. Le Vietnam par exemple qui est le premier producteur de produits transformés de cajou a une politique d’incitation. Les noix de cajou de toute l’Afrique y vont. Ils ont des milliers d’emplois dans l’industrie de transformation du cajou. Leurs enfants ont du travail à partir des noix de cajou qui produites par nos parents ici. Est-ce une mauvaise chose de dire que nous allons tout faire pour qu’on installe au Bénin des industries pour transformer les noix de cajou produits localement et produisent des enfants ici également ? Les Béninois nous reprochent de ne pas créer d’emplois, mais comment crée-t-on d’emplois ? C’est comme cela qu’on crée des emplois. La politique crée des emplois par des dispositions qui créent des emplois. C’est le rôle de l’Etat. Est-ce que j’ai tort de souhaiter que nos matières premières soient les maillons d’une grande chaîne de service de transformation, d’industrialisation qui fera que demain, il y aura le plein emploi au Bénin ? C’est pour cela que nous avons dit que ce soit pour le soja et autres, nous allons faire la promotion d’une industrie au Bénin, de sorte que ce soit 10 000, 20 000, 30 000, 40 000, 100 000 voire 1 000 000, des millions de personnes, qui auront un emploi à partir des efforts que font certains à la base. C’est cela travailler pour un pays, construire un pays, gouverner un pays. Moi, je ne fais pas attention à ceux qui veulent que le Bénin reste un pays éternellement pauvre, un pays de fraude, de corruption, de pagaille, de démocratie nescafé…Le Bénin va se développer parce que nous n’inventons rien. Je ne suis pas un génie. C’est ce que les autres ont fait pour développer leur pays, que nous allons aussi faire pour développer le nôtre.
Monsieur le président, l’actualité ce n’est pas seulement au plan intérieur. Elle est aussi marquée par un sujet géopolitique sous-régional. Le Niger, notre voisin qui a connu un coup d’Etat, c’était le 26 juillet dernier, lequel a fait réagir vivement la communauté internationale et en particulier la Cédéao. Parlant justement de la Cédéao, on a vu le Bénin au premier rang, ce que certains de vos concitoyens n’ont pas compris. Alors franchement Monsieur le président, qu’est-ce qui a motivé votre position à l’époque ? Est-elle toujours alignée sur celle de la Cédéao ?
Vous savez les autorités actuelles du Mali sont arrivées par un coup d’Etat. Vous savez aussi qu’elles ont adopté une nouvelle Constitution. Cela a été revu et dans cette nouvelle constitution approuvée et adoptée par les nouvelles autorités maliennes, le coup d’Etat est interdit. C’est un crime imprescriptible. C’est-à-dire, si vous faites un coup d’Etat au Mali, 50 ans après, vous allez en répondre. On ne peut ni l’amnistier, ni gracier les auteurs parce que tel qu’ils l’ont formulé, ils sont arrivés par un coup d’Etat mais ils reconnaissent que le coup d’Etat est un crime, c’est mauvais pour le pays. Est-ce que dans ces conditions, pendant que les nouvelles autorités maliennes ont dit, bien que nous soyons arrivés par un coup d’Etat, nous disons qu’il ne faut plus jamais que le Mali connaisse un coup d’Etat. Est-ce que pendant ce même moment qu’ils disent ça, dès qu’il y a eu un coup d’Etat au Niger, les Maliens peuvent dire chez nous, c’est interdit, chez nous c’est un crime, on dit plus jamais, mais au Niger, on applaudit. Est-ce que le Bénin dans ce même environnement peut dire : « c’est vrai, nous reconnaissons tous que ce n’est pas bon, que ça fait deux ou trois fois, c’est très grave, c’est très dangereux mais que pour le Niger, bon ce n’est pas grave, on applaudit en espérant que ce soit le dernier ». Pourquoi, il n’y aurait pas de coup d’Etat au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Togo, au Sénégal ? Si nous applaudissons chaque fois qu’il y a un coup d’Etat en disant, espérons que ce soit le dernier, est-ce que c’est responsable ? C’est pour ça que la Cédéao a dit : « Trop c’est trop ». Notre attitude peut être une promotion des coups d’Etat. Le fait chaque fois de dire : « Ce n’est pas bien, c’est dommage, ce n’est pas grave, on continue », c’est une façon de promouvoir les coups d’Etat. On ne peut pas être un responsable et dire que notre cœur nous recommande de ne pas sanctionner, de ne pas réprimander ceux qui ont fait des fautes parce que nous avons de la peine à réprimander, à condamner. Nous avons de la peine à dire « on sanctionne ». Ne pas le faire est une faute parce que vous faites la promotion du péché, vous faites la promotion du crime. Parfois, on n’a pas le choix. La position de la Cédéao face au Niger, on n’avait plus le choix parce que c’est devenu quelque chose de récurrent. Il faut décider d’aller le plus loin possible pour dire « Plus jamais ça ». Le plus loin possible c’est dire que si quelqu’un le fait, voilà ce que nous allons faire. Parce si vous dites ne plus jamais le faire et que vous ne faites rien, ce ne sera que des mots. Alors, quel est le moyen par lequel nous voulons vraiment dissuader les coups d’Etat ? Ce moyen, nous nous sommes dit « Cette fois-ci, on va le montrer. ». Bien que le Niger soit le pays siamois du Bénin, frère du Bénin, il était impératif que nous disions sans tenir compte du fait que Pierre à raison, Paul a raison, moi je ne sais pas si les prochains dirigeants du Niger seront meilleurs que ceux d’hier. Moi, je ne présume pas de cela. Et ce n’est pas le fait que Bazoum soit un ami que je dis qu’il ne doit pas quitter le pouvoir d’une manière ou d’une autre. Je dis simplement pour le principe, cela ne doit pas se passer ainsi et la communauté internationale, y compris la Cédéao, a décidé de sanctionner, de dire que le bien peut être rétabli par la force. Le mal peut être combattu par la force. Le fait de dire que nous pourrions aller par la force, c’est pour dire que si c’est un mal absolu qu’il faut combattre, nous sommes prêts à le combattre même par la force. C’est cela la responsabilité d’un chef d’Etat. Cela ne veut pas dire que dans notre cœur, nous le souhaitions. Qui veut faire la guerre par le cœur lui-même ? Envoyer ses enfants au front juste pour le plaisir, il ne s’agit pas de cela. Donc, le message et la position de la Cédéao qui est également la position du Bénin, c’était le seul moyen dont nous disposions pour dire « plus jamais ça » mais personne n’avait l’intention que les choses dégénèrent. Nous avons, par nos moyens, fait tout ce qu’on voulait pour que cela soit acté, compris par tout le monde, y compris hors du Niger. Mais au constat, dire que nous avons fait tout ça, voilà la situation a duré des mois, les sanctions créent des situations graves à nos frères et sœurs du Niger. Est-ce que nous allons dire éternellement que la situation va rester ainsi ? La responsabilité nous recommande également d’être réalistes. Nous ne sommes pas Dieu. Nous avons pu faire ce qui est de notre devoir, après la nature décide, Dieu décide. L’homme propose, Dieu dispose. La situation du Niger aujourd’hui, telle qu’elle est, elle s’impose à nous. Un responsable sérieux doit faire le constat et dire « ce qui s’impose à moi, j’ai tout fait pour faire autrement, je prends acte. » C’est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui et qui s’impose aujourd’hui dans la sous-région et c’est ma situation. Et je dis, le temps de la condamnation, des exigences, des menaces est passée. Malheureusement, ça n’a pas produit l’effet qu’on souhaite mais le peu d’effet qu’il y a eu, pour moi aujourd’hui est peut-être suffisant pour dissuader d’autres coups d’Etat parce que tout le monde a vu quand même que nous avons porté l’idéal le plus loin possible et je veux espérer que même si on n’a pas eu les effets escomptés, que notre position, notre exigence, peut être vue désormais comme l’exigence de la Cédéao et que nous n’allons plus passer le temps simplement à dire « Ce n’est pas bien mais on tourne la page » C’est ça et c’est pour ça que moi je ne rougis pas d’être dans une autre dynamique aujourd’hui pour dire qu’on discute avec ceux qui sont là parce qu’il faut être réaliste. Je dis bon on fait comment ? On tourne la page, on avance mais quelle est votre feuille de route. Qu’ils nous disent ce qu’ils veulent, nous allons trouver les moyens de les accompagner parce qu’après tout, c’est le pays qui compte et il faut être réaliste.
Ça reste donc un rétropédalage ?
Appelez-le comme vous souhaitez mais si l’homme n’est pas capable de rétropédaler, là il se prend pour Dieu. Je veux répéter : si l’homme n’est pas capable de rétropédaler, de se rendre compte de ses limites, de ce qu’il a fait les efforts qu’il faut, de ce qu’il a fait son devoir mais que Dieu ou la nature a décidé autrement qu’il faut prendre acte de cela, c’est qu’il n’est pas réaliste. Si on n’est pas capable de faire, alors on se considère pour Dieu et ce serait une faute.
Que faites-vous de l’esprit de groupe par rapport à la Cédéao ?
C’est-à-dire ?
Par rapport au Niger, est-ce que le Bénin affiche une position isolée ou le Bénin plaide pour que l’ensemble des pays de la Cédéao s’aligne sur cette démarche ?
C’est la position de la Cédéao, celle que je viens de vous exprimer.
D’accord Monsieur le président. Restons dans la sous-région pour observer que depuis l’arrivée au pouvoir du président Tinubu, on a noté un réchauffement des relations entre le Bénin et le Nigéria. Le président Tinubu qui était d’ailleurs l’hôte de marque de la fête nationale chez nous. Vous-même êtes déjà allé au Nigéria. A quoi cela est-il dû ? Est-ce que vraiment, cette embellie va durer ?
Oui, elle va durer. Le Bénin a connu quelques difficultés relationnelles avec le Nigeria et qui ont été exclusivement induites par l’intoxication. Vous savez quand le Nigéria a fermé les frontières avec le Bénin, vous savez ce qui a été à la base ? Ce sont des Béninois, des responsables politiques, des nostalgiques du passé et mécontents de l’ordre et du développement qui s’opèrent au Bénin qui, avec des personnalités de tous ordres extérieurs qui sont allés dire aux autorités nigérianes que le régime du Bénin est devenu un danger pour le Nigéria. Le Nigéria n’a pas fermé les frontières pour une cause nouvelle, de dysfonctionnement entre nos relations ou de crise entre nos deux peuples ou de crise entre les autorités policières, douanières ou autres. Pas du tout. C’est parce que des gens sont allés intoxiquer l’ancien président Buhari pour lui dire : « Si vous fermez les frontières, en trois mois, le régime Talon va tomber et on lui a dit voilà ce régime du Bénin fait la promotion de la corruption, de la contrebande, de ceci, de cela ». Les gens ont dit ça sur leur propre pays, juste parce qu’ils veulent faire tomber le régime. Le président Buhari m’a exprimé ses regrets. Il n’a pas donné de détails parce que c’est un homme responsable mais il a dit « Ce qui s’est passé c’est regrettable mais vous-même vous ne communiquez pas assez et vous êtes trop timoré dans les accusations qu’on vous porte et que vous laissez faire ». Les choses ont commencé à s’améliorer entre nous quand le président Buhari a passé la main et celui-ci dans la nouvelle dynamique, a exprimé au Bénin sa volonté de bâtir quelque chose de durable en matière de relation. Et les discussions qui sont en cours aujourd’hui avec le Nigéria sont de nature à créer une intégration réelle entre nos deux pays. Nous sommes pays voisins, nous partageons les mêmes cultures, du sud au nord et nous sommes de la Cédéao. La Cédéao promeut l’intégration régionale effective. Je crois que le Bénin et le Nigéria seront les pionniers de l’intégration réelle. Les discussions qui sont en cours vont nous amener à la réalité de la libre circulation des personnes et des biens très bientôt. Cela va se faire.
Monsieur le président, dans quelques jours, nous entrons dans une nouvelle année. Comment l’entrevoyez-vous pour le Bénin au regard de l’évolution du monde. Est-ce qu’il nous faudra faire plus d’effort, serrer davantage la ceinture ?
Pour moi, les années de difficultés et d’efforts sont derrière nous. Pourquoi ? Parce que c’est quand on n’a jamais fait d’efforts que le premier pas est difficile. Donc, nous n’allons pas continuer de dire « Il faut serrer la ceinture. Il faut faire des efforts » parce qu’à l’époque, nous étions dans le désordre, dans la pagaille et personne ne fait ce qui est de sa responsabilité. » Je n’appelle plus ça effort moi. La manière dont nous vivons aujourd’hui, la vie est chère, la vie est difficile et ce n’est pas parce que nous avons choisi de faire en sorte que la vie coûte chère. Donc, je ne demande pas ça aux Béninois. Je ne souhaite pas aux Béninois que la vie continue d’être chère, que nos difficultés continuent. Non, pas du tout. On a pris le pli de travailler sérieusement et bien. C’était ça, la notion d’effort. Les Béninois payent leurs impôts de plus en plus. C’est ça la notion de l’effort. Quand vous faites ce qui est de votre devoir désormais, même si le fait de commencer, de constater qu’il y a un effort, vous avez pris le pli, ce n’est plus un effort. Cela devient la norme. Donc, nous sommes désormais dans notre fonctionnement. Le Bénin fonctionne de manière normale. Je souhaite que cela porte ses fruits le plus rapidement possible et que ce qui est de notre devoir, de notre responsabilité, les efforts que nous faisons de manière normale produisent les fruits assez rapidement. Et c’est à ce titre que je veux dire que pour l’année 2024, je souhaite à mes concitoyens, hommes, femmes, enfants, jeunes, les personnes âgées, qu’elle soit une année féconde, une année qui apporte les fruits de nos efforts, qui nous apporte de sérénité, de satisfaction. Qu’elle nous apporte la santé, améliore notre bien-être et soit l’année où notre façon d’exister, de vivre, de cohabiter ensemble soit des meilleurs possibles pour qu’il soit agréable pour les Béninois, de vivre entre eux, que pour les étrangers venus au Bénin que ce soit quelque chose d’extraordinaire, ils vont trouver un environnement de paix, de sérénité et de convivialité, de sécurité. Toutes choses que les Béninois attendent de notre effort commun, c’est-à-dire, un meilleur bien-être. 2024 sera une belle année pour nous par la grâce de Dieu, par la grâce des mannes de nos ancêtres, par la grâce de Dame nature. C’est ma prière et je sais que de plus en plus, nous sommes exaucés. 2024 sera pour les uns et les autres, une bonne et belle année et la vie sera de plus en plus belle pour les uns et les autres.
Merci Monsieur le président
Merci et bonne fête de fin d’année.
Propos transcris par la rédaction de « Le Matinal »