L’authentique histoire de la cité des Ainonvis mérite d’être connue si l’on est enclin à lui donner son attribut de ville capitale. Porto-Novo, pour sa renaissance, doit être libérée de l’épisode macabre qui a marqué son histoire. Les sages de Porto-Novo, sous l’impulsion du patriarche Karim Urbain da Silva, ont trouvé la thérapie de choc.
Porto-Novo mettra un terme à son passé macabre et jouira sans trouble de son statut de ville capitale. Longtemps restées infructueuses, les initiatives pour sortir Hogbonou de son ornière sont aujourd’hui en train de porter leurs fruits pour propulser la ville désignée capitale le 25 juin 1894 par l’occupant français. Un processus que le nonagénaire Karim Urbain da Silva conduit avec pragmatisme et dextérité à cause de sa maîtrise de la vraie histoire du Dahomey. En effet, à l’issue de disputes entre trois frères, l’aîné Té-Agbanlin prit la décison de quitter Allada en allant vers le Sud, sur la terre de sa mère, une Nagot. Il fut suivi par ses adeptes. Au cours de son expédition, il se serait établi dans le bassin du fleuve Ouémé en amont, à Sô-Ava, la région de Ganvié. Trouvant l’endroit moins vaste, il se serait ensuite dirigé vers le Sud-est pour marquer une pause à Louho, puis Djassin pour se retrouver à Houinta. Sentant la vie de l’autre côté de la lagune grâce aux feux nocturnes, il débarqua à Sokomê où il fut reçu bien fraternellement avec les siens. On lui accorda un vaste terrain dans le domaine de Oga, le percepteur d’impôt. Té-Agbanlin fit construire à cet endroit, une case en souvenir du lieu des retrouvailles de l’enfant qui est revenu au bercail. Elle existe encore jusqu’à présent à Sokomê et on l’appelle ‘’Noukplitin‘’. Désormais installé et bien intégré, Té-Agbanlin invita ses hôtes et en présence de ceux-ci, il découpa la peau d’une antilope en fines lanières qu’il attacha bout à bout. La corde en définitive se révéla plus longue que le terrain à lui offert par ses hôtes autrefois bienfaiteurs et devenus voisins. Mais ce n’était pas la première fois. Plusieurs autres fois avant et déjà, il avait demandé à ce que son terrain soit plus grand et encore, davantage. La terre, il en voulait de plus en plus. « Cette dernière demande, d’un hôte devenu encombrant parce que insatiable, déclencha la colère de Ogagbami appelé Akakpo. Mais Té-Agbanlin le fit capturer. Ensuite, il le mit dans une jarre, l’enterra vivant et debout. L’histoire rapporte qu’avant d’être entièrement recouvert de terre, Ogagbami proféra des malédictions contre ses hôtes devenus occupants et criminels : «Vous ne connaitrez jamais la paix ni le bonheur jusqu’à son retournement de situation ». Au moment où il proférait cette malédiction, une calebasse fut utilisée pour lui recouvrir sa tête et l’étouffer jusqu’à ce que la mort s’en suive», a raconté Karim Urbain da Silva. C’était l’origine de la malédiction de Porto-Novo « un palmier fut planté à cet endroit, au-dessus de sa tête », at-t-il ajouté.
Le diagnostic des sages de la ville aux trois noms
« A l’origine du royaume de Hogbonou, Porto-Novo, un épisode macabre a souvent été occulté comme si la ville, consciente d’un tort, voulait conjurer le sort ou échapper à ses démons. Dans nos pays du Golfe de Guinée où le sang a un prix qu’il faut toujours payer, nous avons fini par être rattrapé par notre histoire », a confié le patriarche. Ils reconnaissent que, Awesu devenu Té-Agbanlin et ses compagnons, dans leur convoitise de s’approprier des terres pour agrandir leur territoire Adja (Adjatchè), ont commis une injustice par du sang versé qui crie jusqu’à la génération actuelle, malgré tout ce temps écoulé depuis le 18ème siècle. Il faut préciser que Té-Agbanlin a trouvé à Porto-novo les populations Yoruba. Ce sont eux qu’on appelle, aujourd’hui, les Akotawiaton. En effet, après la mort de Akakpo, le puissant roi déclencha une répression criminelle contre les Nagot dont la plupart se font identifier par les balafres et les tatouages. Ces derniers ont dû s’enfuir pour se rassembler grâce à leur langue et leurs signes distincts, pour aller vers le nord de Hogbonou et fonder la ville de Sakété, un nom francisé. En réalité, c’était Takété qui signifie ‘’ se voir projeté’’. Il faut rappeler que c’est de ces exactions que le nom de l’ethnie goun est issu. A l’époque, quand les Nagot identifiables ou non, trouvaient les Alladanou, ils disaient en Yoruba « Awan ti man Gounwa » ce qui signifie « ceux qui nous piquent». Dans ce cafouillage, « tous les autochtones nagot qui n’avaient pas de signes distinctifs n’osaient pas prendre la parole en public et se mélangeaient aux envahisseurs dont le nombre ne faisait que croître de jour en jour. Ils sont 13 groupements connus sous le nom de ‘’ Akota-wiaton’’», a narré le Président des sages de Porto-Novo. Le paradoxe, c’est qu’il y a une nette différence, tant au niveau des coutumes que de la culture et aussi, du culte. Les naissances et les décès ne sont pas célébrés de la même façon selon qu’il s’agisse des Alladanou et des Akotawiaton. Malgré qu’ils soient désormais tous Goun, les Alladanous ont un principe dynastique qui leur est propre et les Akotawiaton tout autre. En donnant la mort à Akakpo cruellement sans les rites des Akotawiaton dont il est issu, son âme plane toujours sur Porto-Novo et crie vengeance.
L’exorcisme comme solution cultuelle
Plus d’une décennie à la recherche d’une solution aux maux qui minent la cité des Aïnonvis, des démarches ont été effectuées à l’Est auprès du grand voisin le Nigéria, en terre yoruba, parce que les sages de la cité ont cru que l’origine des problèmes ne peut qu’être là-bas. Mais aucun résultat positif n’a été retrouvé. Des cérémonies, sacrifices, libations, et évocations des mânes des ancêtres, etc ont été multipliées, mais la situation s’est empirée. «C’est continuant sans désemparer nos recherches, pour une solution appropriée et efficiente, que nous en sommes arrivés à découvrir l’origine du mal ici, parmi nous, entre nous », a laissé entendre l’ancien promoteur de la Grande imprimerie de Dahomey avant de préciser « le problème est donc en ville. Les offenseurs sont du côté des Alladanou descendants de Té-Agbanlin et les offensés de celui des Akotawiaton. Telle est la conclusion à laquelle nous sommes parvenus… Toujours est-il que ces deux composantes du peuple Goun de Porto-Novo, doivent se pardonner, se rassembler et se retrouver. Au conseil des sages de la ville, nous les avons approchés et, d’un côté comme de l’autre, la volonté est réelle d’en finir. » La solution après consultation du Fa, c’est que le mal qui a été fait à Akakpo doit obligatoirement et nécessairement être exorcisé, pour que les malédictions proférées sur la ville soient conjurées. Le travail à faire dans les jours à venir est que la calebasse dans laquelle la tête du supplicié a été maintenue étouffée, jusqu’à ce que mort s’ensuive, soit exhumée et que ses restes soient recueillis dans un cercueil, selon les rites de sa race. D’autant plus que, dit-il, l’endroit où est enterré Akakpo, et tout ce qui entoure sa tombe, sont la propriété exclusive des Akotawiaton. Nous devons donc de les consulter afin d’organiser, à son intention, les dignes funérailles auxquelles il a droit. C’est ainsi que Porto-Novo, Hogbonou, Adjatchè sera délivrée.
Une démarche historique pour accompagner Patrice Talon
Selon le sage Karim Urbain da Silva, mettre un terme à cette malédiction sauvera Porto-Novo et accompagnera tous les efforts que déploie le Président Talon afin de réhabiliter, ce que, aucun président de la République n’accomplit dans la ville. Pour lui, l’évidence que l’histoire retiendra, c’est que sous le gouvernement de la rupture, des réalisations spectaculaires et inespérées, jamais vues depuis 1960, ont été exécutées et que l’idée de la délivrance de Hogbonou du sort qui lui a été jeté a connu l’éclosion actuelle. En tout cas, nul ne doute de la fin du processus. Le conseil des sages avait envoyé plusieurs délégations à Allada, Abomey pour informer les frères de la démarche qu’il envisageait d’effectuer en direction d’Ilé ifè, au Nigéria, et vers Tado au Togo. « Aujourd’hui, après consultation des uns et des autres, nous avons décidé d’organiser une réconciliation à travers des cérémonies, rituelles et sacrifices expiatoires qui mettraient un terme à cette longue période, et amèneraient l’unité, la paix, la concorde et le progrès dans la ville, pour le plus grand bonheur des Hogbonouto », a-t-il conclu.
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