La lutte contre le travail des enfants a la peau dure malgré l’existence d’un arsenal juridique sur la protection de l’enfance. Au lieu d’aller à l’école, certains enfants continuent d’être exploités sur les chantiers de construction, au marché et dans certains foyers.
Selon les résultats de l’enquête réalisée par l’INSTaD, le taux de prévalence nationale en matière de travail des enfants est passé de 52,5% en 2014 à 19,9% en 2022. Mais malgré cette avancée, le phénomène reste tenace en milieu ouvrier. Au Bénin, « le travail des enfants constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme », rappelle Sonia Ekponzan, juriste. Pour elle, le code de l’enfant est clair sur les droits de chaque enfant : « L’enfant ne doit pas travailler avant l’âge de 14 ans minimum, il faut qu’il ait fini le primaire. Il peut obtenir le Cep ou non. Ce sont des préalables avant qu’un enfant ne travaille. » A en croire ses propos, le pays ambitionne d’atteindre l’objectif de développement durable (en matière de travail des enfants et devra prendre des mesures immédiates pour éliminer les pires formes de travail des enfants d’ici à 2025.
La banalisation du phénomène du travail des enfants par certains adultes au Bénin est en totale contradiction avec le code de l’enfant voté en 2015. Le Bénin avec une population de 11 485 048 habitants dont 42,4% est âgés de 0-14 ans en 2018 selon les statistiques de la Banque mondiale, est membre de l’Organisation internationale du travail (Oit) et a ratifié la convention relative aux droits de l’enfant. A l’instar de la plupart des pays membres de l’Oit et d’autres institutions des Nations-Unies telles que le Fonds des nations-unies pour l’enfance (Unicef), le pays dispose des lois et réglementations qui interdisent le travail des enfants et qui sont destinées à assurer la protection des enfants et à garantir leurs droits.
Malgré ces dispositions légales et réglementaires, la situation de la protection des enfants au Bénin reste peu reluisante. En effet, selon les résultats de l’enquête Mics 2014, 52,5% des 26 267 enfants de la tranche d’âge 5-17 ans sont astreints au travail des enfants. Le travail des enfants en 2014 touche plus les garçons que les filles avec des taux de 54,3% et 50,5% respectivement. Le milieu rural (60,9%) concentre la plus grande partie du travail des enfants contre 41,6% pour le milieu urbain. 49,9% des enfants astreints au travail des enfants ont fréquenté l’école contre 58,3% qui n’ont pas de statut de fréquentation scolaire selon le rapport de l’enquête Mics 2014. La situation du travail des enfants au Bénin évolue en se dégradant avec le temps. En effet, selon le rapport de l’enquête nationale sur le travail des enfants (Ente 2009), 34% des enfants de la tranche d’âge 5-17 ans étaient astreints au travail des enfants parmi lesquels 30,7% et 23,6% effectuaient des travaux prohibés et des travaux dangereux.
Tolérance zero au travail des enfants
« Le travail des enfants constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme ». Le travail des enfants est défini comme un travail qui prive les enfants de leur enfance, de leur potentiel et leur dignité et qui nuit à leur développement physique et mental. Au Bénin, les domaines de la protection de l’enfance en général et de la lutte contre les pires formes de travail des enfants en particulier ont été fortement impactés par la série des réformes initiées par le gouvernement dans tous les secteurs depuis 2016, avec comme conséquence, une amélioration substantielle de la situation des droits et du bien-être des enfants.
Selon les résultats de l’enquête Mics réalisé par l’Instad, le taux de prévalence nationale en matière de travail des enfants est passé de 52,5% en 2014 à 19,9% en 2022 ce qui correspond à un gain franc de plus de 32 points. Malgré cette avancée notable, l’ambition du gouvernement d’atteindre les cibles du point 7 de l’Objectif de développement durable (Odd) 8 sur le travail décent, est loin d’être réalisée. Il urge de « prendre des mesures immédiates pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite des êtres humains, interdire et éliminer les pires formes de travail des enfants, y compris le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats et, d’ici à 2025, mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes ».
Malgré la législation en vigueur au Bénin interdisant toute forme d’exploitation ou de maltraitance des enfants, des enfants se retrouvent dans les marchés, les rues, les centres d’apprentissage, les carrières de mines et les chantiers ou même dans des maisons où ils sont soumis à la mendicité, à des travaux épuisants ou dangereux. C’est donc face à ces tristes constats que la campagne « Tolérance zéro au travail des enfants dans les secteurs à forte prévalence au Bénin » a été initiée conjointement par le ministère du travail et de la fonction publique et le ministère des affaires sociales et de la microfinance, dans le cadre d’un plan d’urgence. Les objectifs poursuivis sont de mobiliser les acteurs de protection de l’enfant, les usagers des marchés, les artisans, les communautés et les enfants eux-mêmes dans la lutte contre le travail des enfants ; de mener des visites conjointes d’inspection et de contrôle dans les marchés, les carrefours et autres points de vente, d’identifier et retirer les enfants victimes d’exploitation économiques et de maltraitance, y compris ceux impliqués dans la mendicité ; poursuivre la prise en charge et la réinsertion des enfants en situation de travail et de mendicité ; engager des actions à l’encontre des auteurs et complices d’exploitation économiques des enfants ; enfin, capitaliser les bonnes pratiques en matière de lutte contre l’exploitation économique des enfants.



Cette initiative gouvernementale est fortement saluée par la représentante de l’Unicef pour qui « la place des enfants est à l’école ». Pour Djanabou Mahonde qui se réfère à la convention internationale des droits de l’enfant et au code de l’enfant du Bénin, « l’enfant doit être protégé et ne doit être astreint à aucun travail susceptible de compromettre son éducation, ou de nuire à sa santé ou à son développement.
Pour le Ministre des Affaires sociales et de la microfinance, « Nous devons agir et le plus rapidement possible pour contrer les actes constituant des violations des droits des enfants et qui ternissent l’image de notre pays. Le travail des enfants met à mal et ne favorise pas la perception des diverses réformes entreprises par le gouvernement pour la protection et la promotion des droits des enfants. Le ministre Véronique Tognifodé salue le leadership du ministre du travail et de la fonction pour avoir initié le plan d’urgence qui va mettre les enfants à l’abri de l’exploitation et des pires formes de travail des enfants. Le Masm salue et félicite par la même occasion, la synergie d’actions qui augure d’une mise en œuvre sans équivoque de ce plan d’urgence.
Sergino Lokossou