Dans une déclaration solennelle rendue publique le 15 octobre 2025, le député Michel François Oloutoyé Sodjinou, coordonnateur de la 19ème circonscription électorale du parti Les Démocrates, rompt le silence. Au nom du respect des principes démocratiques et de la survie politique du parti, il accuse Boni Yayi de dérives autoritaires, de favoritisme régionaliste et d’un management « d’un autre âge » qui, selon lui, ont conduit Les Démocrates à la dérive.
Dans une prise de parole rare et courageuse, Michel François Oloutoyé Sodjinou dit agir « non par colère, mais par devoir » : devoir envers l’histoire, la démocratie interne et les militants du parti Les Démocrates (Ld). L’élu de la 19ème circonscription se présente comme un témoin privilégié de la naissance et des dérives d’un parti qui, à ses débuts, incarnait l’espoir d’une alternative politique crédible. Selon lui, la promesse d’un mouvement démocratique fondé sur la justice, la liberté et la participation des militants a été trahie par un système de gestion fermé, centré sur la personne de l’ancien président Boni Yayi.
Les reproches à Boni Yayi : pouvoir personnel et dérive régionaliste
Le cœur de la dénonciation de Michel Sodjinou tient dans une critique frontale du leadership de Boni Yayi. Il accuse ce dernier d’avoir instauré un mode de gouvernance autoritaire, sans concertation, où les décisions «se prennent dans l’ombre» et «contre la volonté des militants». Pour le député, la crise actuelle des Démocrates trouve son origine dans le congrès de Parakou en 2023, marqué selon lui par un discours « à la limite du régionalisme ». Ce tournant aurait ouvert la voie à un fonctionnement clanique où les équilibres territoriaux et le mérite militant ont été sacrifiés sur l’autel des affinités géographiques. Michel Sodjinou dénonce aussi la reproduction des mêmes erreurs qui avaient conduit à la débâcle de 2016, lorsque Boni Yayi, alors chef de l’État, avait imposé Lionel Zinsou comme candidat du pouvoir sortant, puis en 2021 avec le choix de Reckya Madougou, « parachutée » à la tête du parti. Ces choix « imposés d’en haut » auraient, selon lui, fracturé durablement la cohésion des militants.
Un management qui asphyxie la démocratie interne
Dans sa déclaration, Sodjinou décrit un parti verrouillé, où la collégialité a cédé la place au pouvoir personnel. Il évoque la marginalisation de plusieurs cadres historiques, la mise à l’écart d’anciens responsables régionaux et l’imposition d’un système de parrainage « à blanc », exigeant des députés qu’ils accordent leur signature sans connaître le nom du futur candidat. Cette dérive autoritaire aurait culminé avec la désignation programmée de Renaud Agbodjo comme candidat à la présidentielle de 2026, une décision « déjà actée » avant même la fin des travaux de la commission interne. Pour Sodjinou, il ne s’agit plus seulement d’un dysfonctionnement organisationnel, mais d’une confiscation pure et simple du pouvoir par un seul homme : « Le respect que nous devons au président Yayi ne doit pas nous empêcher de dire la vérité. Depuis deux ans, son influence directe sur tous les organes du parti est devenue totale », déplore-t-il.
Boni Yayi, problème central des Démocrates
À travers ses mots, Michel Sodjinou dresse un constat sans détour : la principale faiblesse du parti réside aujourd’hui dans le leadership de son président. L’ancien chef de l’État, en voulant tout contrôler, aurait étouffé la pluralité interne et transformé Les Démocrates en «cour fermée». Ce diagnostic sévère rejoint, selon plusieurs observateurs, un malaise plus profond au sein du parti : la crainte qu’un management autoritaire compromette sa crédibilité face au peuple béninois et sa capacité à incarner une véritable alternative.
Appel à un sursaut moral et collectif
Malgré la gravité de ses propos, le député refuse toute rupture définitive. Il appelle à « reconstruire plutôt que détruire », à restaurer la confiance, la transparence et la collégialité qui ont fait naître le parti. Pour lui, dire la vérité n’est pas un acte de dissidence mais un devoir moral : « Ce n’est pas un geste de rupture. C’est un acte de fidélité à nos valeurs et à nos militants. » Michel Sodjinou conclut en lançant un appel à la responsabilité collective : redonner la parole à la base, réhabiliter le débat démocratique et tourner la page des calculs personnels. En définitive, en s’érigeant contre le pouvoir solitaire de Boni Yayi, Michel François Oloutoyé Sodjinou ne se contente pas d’un règlement de comptes interne. Il met en lumière une crise plus profonde : celle d’un parti né de l’espoir démocratique mais miné par les réflexes autoritaires de son fondateur. Et à travers sa voix, c’est tout un pan du militantisme béninois qui réclame le retour à l’éthique, à la justice et à la dignité politique.
Abdourhamane Touré



















