Depuis la matinée du lundi 08 novembre 2021, l’Ordre des avocats du Bénin dirigé par le bâtonnier Me Prosper Ahounou a lancé une motion de grève de 72h. Il dénonce les agissements attentatoires à la dignité, l’honorabilité et la liberté de l’avocat, un des principaux acteurs du service public de la Justice.
Quand les éléphants se battent, ce sont les herbes qui en pâtissent. Le bras de fer ouvert entre les avocats et la Police républicaine, suite au traitement inhumain et dégradant à l’égard de l’un des leurs n’est en aucun cas profitable aux justiciables dont les dossiers divers sont pendants devant les juridictions compétentes. Hier lundi 08 novembre 2021, jour où les défenseurs de la veuve et de l’orphelin ont lancé leur motion de grève, l’appareil judiciaire n’a pas chômé. Le parquet, les cabinets d’instruction, la présidence des tribunaux vaquent à leurs occupations quotidiennes, mais avec de possibles dysfonctionnements qui pour l’heure ne peuvent être apparents. Par endroits, pour les causes qui exigent la représentation, des reports d’audience sont accordés en présence des collaborateurs des cabinets d’avocat qui sont venus faire les diligences nécessaires. Si cette grève, selon la déontologie des hommes en robe noire répond avec justesse à la confraternité, elle avertit les autorités à divers niveaux qui se doivent de réagir avant qu’il ne soit trop tard.
Les conséquences de la grève
La grève ainsi déclenchée, si elle perdure, entraînera des conséquences sans précédent d’une particulière gravité sur les délais de traitement des affaires entraînant un préjudice majeur pour les justiciables. Il faut dire qu’à chaque report, c’est une victime qui doit attendre plusieurs jours ou mois une nouvelle date de jugement, et un inculpé, dont la détention peut se prolonger. Dans tout cela, les affaires les plus touchées sont celles où la présence d’un avocat est requise comme pour les audiences impliquant un mineur. La situation empêche le juge de désigner d’avocat commis d’office. En tout, il y a un risque de bloquer la machine judiciaire. Face à cette grève des avocats, la réaction des autorités est vivement attendue. Si pour 72h, les effets négatifs ne seront pas trop perceptibles, en cas d’un prolongement tout sera chamboulé. Au regard des règles procédurales et des instruments internationaux qui imposent les droits de la défense, des audiences seront purement et simplement prorogées, que ce soit au civil ou au pénal. La difficulté, des magistrats se retrouveront devant des situations coincées non imaginées par le législateur. A titre illustratif, certains magistrats, surtout quand des gens sont placés en détention préventive peuvent se retrouver coincer dans la suite de la procédure. Par exemple, les dossiers en appel qui, dans la plupart des matières, nécessitent un avocat. Faut-il alors penser à plusieurs renvois ? Mais sur quel fondement juridique ? Ou carrément les affaires seront jugées sans avocat ? En cas de renvoi, il y aura un engorgement des Tribunaux par les dossiers. Or, le problème de la lenteur dans le secteur judiciaire béninois n’est pas encore résolu. Juger sans avocat, c’est mettre à rude épreuve non seulement la sérénité et la continuité du service public de la justice, mais aussi c’est empêcher que les droits des justiciables soient garantis. Forcer la baraque et juger ne sera sans précédent. En France par exemple en 2020, face à une grève des avocats, le procureur de la République de Metz, Christian Mercuri, très exaspéré, était prêt à donner « pour instruction aux magistrats du parquet de faire application de la jurisprudence de la Cour de Cassation, disant que la grève du barreau est un cas de force majeure qui peut permettre de juger une affaire en l’absence d’avocats. » Les victimes et les prévenus « ont droit à ce que la Justice soit rendue dans un délai raisonnable, comme le rappelle les textes », a-t-il justifié lors de l’audience solennelle de rentrée. Au Bénin, on espère que les autorités vont réagir et tout s’arrêtera aux 72 heures de grève.
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