La justice béninoise fait son bonhomme de chemin quoiqu’elle doit œuvrer à résister à l’influence du pouvoir exécutif pour être véritablement indépendante. C’est la quintessence de l’opinion de l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Ousmane Batoko, sur l’émission de décryptage de l’actualité sociopolitique “De vous à nous” de Peace Fm.
« La justice béninoise est influencée, elle n’est pas caporalisée ». Telle est l’appréciation de l’ancien ministre et ancien président de la Cour suprême, Ousmane Batoko sur le pouvoir judiciaire. Pour le juriste et acteur politique, la justice béninoise compte en son sein beaucoup d’animateurs, de juges qui rendent les décisions en vertu de leur intime conviction et conformément à la loi. « Heureusement que dans ce pays, il y a encore des magistrats qui sont restés attachés et fidèles à leur serment ». C’est notamment ce constat qui fait dire à l’invité du journaliste Aziz Adam Soulé que la justice béninoise n’est pas caporalisée. Une frange de magistrats tient encore dans ses bottes en dépit des velléités du pouvoir exécutif à influencer les décisions de justice. Face à ces influences qui sont inhérentes à tout pouvoir politique mais aussi aux pouvoirs d’argent, il appartient au magistrat de ne pas dévier de son couloir et d’exercer sa profession avec dextérité, impartialité et professionnalisme. Ousmane Batoko estime qu’on ne saurait en vouloir au gouvernement d’influencer ou de chercher à caporaliser la justice. Il appartient plutôt aux magistrats d’œuvrer à résister aux assauts et d’œuvrer à l’indépendance de la justice en rendant des décisions justes, équitables, conformes aux lois, à la pratique et à la jurisprudence. « Il faut savoir observer la dignité et l’indépendance qui caractérisent le magistrat pour faire face à toutes ces formes d’influence », conseille le professeur de droit à la retraite qui témoigne modestement avoir eu le mérite, durant son passage à la Cour suprême, de n’avoir cédé à aucune pression, ni influence des pouvoir politique et d’argent.
La Criet, une juridiction spéciale qui fait peur mais…
Pour avoir eu le privilège d’installer les premiers juges de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), Ousmane Batoko dit appréhender la portée de la mission assignée à cette juridiction spéciale. Pour lui, la Criet fait peur aux Béninois chez qui il note un changement de comportement, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, selon lui. Cependant, l’ancien président semble relever des insuffisances au niveau de cette juridiction. Il s’agit, à l’en croire, de l’inclinaison de la juridiction spéciale à prendre tout, à tout avaler. Ce qui donne l’impression qu’elle s’arroge les attributions des juridictions ordinaires, c’est-à-dire celle de droit commun alors que confie-t-il, « Les dispositions avaient été prises pour que la Criet ne s’intéresse qu’aux questions qui intéressent les deniers publics notamment en matière de crimes économiques et autres ». Il dit avoir mis les animateurs de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme en garde contre ce fléau qu’il a appelé “le phénomène du développement administratif” mais aussi contre l’instrumentalisation dont elle (la Criet ndlr) pourrait faire l’objet de la part du pouvoir exécutif. De sa posture actuelle, l’ancien président de la Cour suprême se refuse d’apprécier le fonctionnement de la juridiction spéciale par rapport notamment aux décisions qu’elle rend.
Gabin Goubiyi