Les 109 nouveaux députés élus à l’issue des élections législatives du 8 janvier 2023 seront installés dans leurs fonctions le 12 février prochain pour un mandat spécial de trois ans. Pour la plupart des citoyens rencontrés dans le Zou, ces élus du peuple de la mouvance présidentielle ou de l’opposition ont un grand défi à relever afin de mériter davantage la confiance placée en eux par leurs mandants.
Rémi Fèfoumè, Colonel des eaux, forêts et chasse et natif de Bohicon : « J’attends de l’opposition, la construction »
« J’ai principalement deux attentes. La neuvième législature est comme une législature de transition pour préparer la dixième qui va être l’occasion des élections générales au Bénin. A mon avis, elle devrait prendre les textes qui restent pour rendre opérationnelle la nouvelle expérience que nous voulons faire. C’est-à-dire, la réalisation des élections générales qui comprennent les élections législatives, municipales et communales. Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont séparés, mais les trois se complètent pour donner le résultat qu’il faut. Donc, ces députés doivent apporter leur concours à l’exécutif. La deuxième attente est liée à l’expérience formidable qui va se faire. Il s’agit de la cohabitation avec une force de l’opposition, « Les démocrates ». Ce n’est pas que c’est mauvais. La contradiction fait jaillir la lumière. Cet exercice qui va être fait au niveau de l’Assemblée nationale demande du management, du tact et beaucoup de professionnalisme étant donné que l’Assemblée nationale est le haut lieu de la politique. Donc, j’attends des députés de la neuvième législature, la manifestation de toutes ces vertus et qualités que je viens de développer pour que la transition ne se transforme pas en une période de cafouillage et de contestations interminables. Que ce soit plutôt un moment qui prépare l’après transition. Si je peux me permettre de l’appeler transition. Je le dis simplement parce que la durée de cette législature n’est pas celle qu’on avait connue habituellement. J’attends bien sûr de cette force qui a également de l’expérience, puisqu’elle est composée des personnes qui ont exercé auparavant sous d’autres bannières. Ils ne sont pas de la rosée de ce matin. Pour la plupart, ce sont des gens qui ont milité ailleurs. J’attends de cette force, la construction. Qu’elle mette devant les intérêts généraux, les intérêts du plus grand nombre et non les intérêts individualistes. Je prie Dieu d’éclairer les uns et les autres pour que celui qui va être fédérateur soit mis à la tête de l’Assemblée nationale parce qu’on a besoin de l’harmonie, de la cohésion pour vivre cette législature. Il faut le charisme, la vertu d’écoute, de management et de convergence de vues pour le premier responsable. C’est lui qui donne la direction. Je prie Dieu d’avoir un œil bienveillant envers les députés et que celui qu’il faut pour jouer ce rôle soit vraiment désigné. »
Eric Dagba, chef de l’arrondissement d’Agbokpa à Abomey : « Qu’ils fassent de la reddition de comptes, leur activité principale »
« Nous sommes dans une dynamique où nous aspirons au développement. Qu’ils fassent mieux que leurs prédécesseurs. Pour revenir dans les détails, le député, c’est l’élu du peuple qui représente le peuple à l’Assemblée nationale. C’est celui-là qui vote des lois pour le développement du pays. A ce titre, je voudrais que les nouveaux députés soient des députés qui légifèrent réellement pour le développement de la Nation. Le Gouvernement qui est en place fait beaucoup d’efforts pour révéler le Bénin. Néanmoins, il a toujours besoin de quelqu’un qui soit à la touche pour lui souffler et lui demander d’ajuster. Je voudrais donc qu’ils soient dans ce rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Il faudrait qu’ils fassent la reddition de comptes. Le député béninois sait que cela fait partie de ses attributions. Je peux même dire que c’est une obligation pour lui de rendre compte périodiquement à sa population. Mais du moment où la population même ne maîtrise pas trop ce devoir du député, certains se permettent de ne pas le faire. C’est mauvais. Je voudrais alors les exhorter à faire de la reddition de comptes l’activité principale de leur mandat. Le député, ce n’est pas celui-là qui construit des écoles, des voies, des hôpitaux, mais sa participation au débat au niveau de l’Assemblée peut concourir à toutes ces choses. Pour la plupart, nous avons élu des députés jeunes. Tout notre espoir est placé en eux et nous espérons qu’ils feront mieux que ceux qu’ils remplacent.
Cette législature est une législature spéciale en ce sens que c’est pour la première fois qu’à l’issue des élections législatives, nous voyons autant de femmes élues députés à cause de cette discrimination positive qui a été faite à l’endroit des femmes. Que ce soit ces femmes ou les autres députés, ils savent déjà que c’est un défi qu’ils doivent relever surtout que c’est en trois ans. Cette législature aura un mandat de trois ans. Donc, s’ils ne commencent pas par travailler dès le premier jour, ils pourraient être surpris par le temps. Je voudrais que très tôt, ils prennent le taureau par les cornes pour préparer le compte qu’ils doivent rendre après trois ans. Qu’ils savent que c’est grâce aux réformes dans le secteur qu’ils ont été élus. L’appréciation de la réforme ou des effets escomptés de la réforme dépendra de leurs actions et de leur dévouement. Le peuple attend donc beaucoup d’eux de même que le Gouvernement, parce qu’ils vont servir de cobaye pour cette réforme que nous avons tous applaudie, que nous voulons expérimenter et si possible pérenniser.
L’opposition s’est invitée cette fois-ci à l’Assemblée nationale. Contrairement à ce qu’on peut penser, c’est une bonne chose parce que cela fait grandir notre démocratie. Le président Talon l’a compris. C’est pourquoi, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, il a essayé de faire exprimer sa bonne foi en laissant les partis de l’opposition participer aux élections puis en laissant le peuple s’exprimer et en valorisant l’expression du peuple. Ailleurs, le peuple peut bien s’exprimer, mais on va étouffer le vote du peuple, on va étouffer le choix du peuple. Le président Talon n’a pas voulu cela pour notre pays. Nous le remercions pour cela. Ce qui reste à faire, la balle est désormais dans le camp de ces opposants. L’opposition, ce n’est pas combattre le gouvernement en place pour combattre. Mais, c’est de faire des combats justes. C’est désormais un défi pour eux de faire de l’opposition responsable, d’anticiper sur certaines actions du Gouvernement, d’attirer son attention sur les questions de développement pour que le peuple pour qui le Gouvernement, les députés, l’opposition et la mouvance travaillent soit le principal gagnant. Je voudrais donc inviter nos partenaires à ne pas se verser dans les actes dilatoires. Il faut plutôt asseoir des bases solides et faire des critiques constructives. »
Mathieu Amoussou Attikossi enseignant à Abomey : « C’est comme si nous envoyons deux éléphants à l’Assemblée »
« Mes attentes par rapport aux nouveaux députés sont celles du commun des Béninois. Que les députés de l’opposition ne se comportent pas en opposants radicaux afin de voter des lois qui puissent favoriser la vie aux citoyens. Je souhaiterais qu’ils accompagnent le président de la République, pas dans le sens de dire oui à toutes ses propositions ou de tout avaler, mais d’accompagner les propositions constructives. C’est comme si nous envoyons deux éléphants à l’Assemblée nationale. Nous avons coutume de dire que lorsque deux éléphants se battent, ce sont les herbes qui en pâtissent. Je ne souhaiterais pas que ce soit ainsi. Les députés de l’opposition doivent tout faire pour mériter la confiance placée en eux. Personne ne les a vu venir. De zéro député, ils sont passés à 28. C’est une marque de confiance. Qu’ils travaillent à mériter cette confiance. Mériter cette confiance passe par leurs comportements à l’Assemblée nationale. »
Propos recueillis par Zéphirin Toasségnitché (Br Zou-Collines)