Alors que la Coupe d’Afrique des Nations bat son plein, le pays hôte, la Côte d’Ivoire, a annoncé une mesure économique surprise : depuis cette semaine, les producteurs de produits vivriers ne peuvent plus exporter librement leurs marchandises. Une décision du gouvernement Ouattara qui entre dans la même dynamique que celle prise par la Douane béninoise le 24 mars 2023 contre la sortie frauduleuse des produits agricoles.
La Côte d’Ivoire emboîte le pas au Bénin en matière d’interdiction d’exportation de certains produits. Vingt produits ne doivent plus quitter le sol ivoirien sans autorisation, sous peine de sanctions. On parle donc du manioc, de l’igname, du maïs, du riz… Les producteurs de ces denrées vivrières, entre autres, doivent maintenant obtenir l’autorisation préalable auprès du gouvernement. Et ce, pendant six mois, à compter de lundi 15 janvier. La raison évoquée par les autorités, dans le communiqué rendu public par le gouvernement est : « assurer un approvisionnement régulier des marchés en produits vivriers, à l’effet de garantir la sécurité alimentaire des populations. » Il s’agit peut-être pour le gouvernement de se prémunir de tous risques de pénuries, surtout dans cette période cruciale qu’est la Coupe d’Afrique des Nations : pour rappel, pas moins d’1,5 million de visiteurs sont attendus en Côte d’Ivoire.
Quel lien avec la Can ?
Pour appuyer l’importance de ce communiqué, trois ministres ont signé le document. Il s’agit du ministre du Commerce, de celui de l’Agriculture et enfin le ministre des Finances et du Budget. Contactés par Rfi sur les raisons exactes de cette suspension des exportations, les trois ministères n’ont pas donné suite aux sollicitations de Radio France internationale. La dernière restriction semblable remonte à décembre 2023. Mais à cette époque, elle ne concernait que le sucre et le riz, afin d’en maîtriser le prix. La suspension de ces exportations est-elle pertinente sur le plan économique ? Cette restriction des importations peut-elle vraiment avoir un lien avec la Coupe d’Afrique des Nations ? Pour Steven Le Faou, consultant spécialiste de l’interdépendance des marchés européens et africains, « la Côte d’Ivoire ré-applique un décret déjà pris en 2022. Néanmoins, les restrictions aux exportations, on les voit souvent dans des pays qui sont des grands exportateurs de produits vivriers : l’Inde, la Thaïlande ont régulièrement appliqué ces restrictions sur le riz. »
rfi
Le Bénin inspire
Cette mesure prise par la Côte d’Ivoire fait suite à celle prise par le Bénin il y a un peu moins d’un an et qui a fait objet de crtiques. Elle prouve que les gouvernants ne s’étaient pas trompés en interdisant l’exportation de certains produits agricoles. En effet, le 24 mars 2023, l’ex-directeur général des Douanes et droits indirects, Alain Hinkati avait par note de service n°032/Dgd/Dod, saisi les directeurs techniques, régionaux, centraux chefs services régionaux de lutte contre la fraude, receveurs, chefs de brigade et chefs de poste, suite au constat de recrudescence de la sortie frauduleuse des produits agricoles par les frontières terrestres. Pour Alain Hinkati, ces pratiques compromettent dangereusement les intérêts du Trésor ainsi que la mise en œuvre de la politique agricole et industrielle du gouvernement. Raison pour laquelle, pour mettre un terme à cette situation, l’ex-patron des disciples de Saint Mathieu a remis au goût du jour les instructions contenues dans la note de service n°0122/Dgd/Dlc du 02 mars 2022 et interdit l’exportation par voie terrestre des noix d’anacarde jusqu’à nouvel ordre. Tout en exhortant les différents responsables des unités douanières à la mutualisation des moyens et actions de concert avec les Forces de défense et de sécurité (Armée, Police républicaine, Eaux, forêt et chasse), Alain Hinkati a prévenu les fonctionnaires des douanes qui se rendraient complices de fraudes ou de légèreté dans l’exécution des présentes instructions, qu’ils s’exposent à de sévères sanctions disciplinaires.
Serge Adanlao