Entre les Législatives du 8 janvier la crise nigérienne en passant par les remaniements techniques, l’année 2023 aura été une année mouvementée au Bénin au plan politique. Retour sur les grands faits politiques.
L’année 2023 s’est ouverte au Bénin dans la fièvre électorale. Le début du mois de janvier a été marqué par l’organisation des élections législatives devant consacrer l’installation de la neuvième législature. Les élections qui se sont déroulées sans violences majeures sur l’ensemble du territoire national, ont connu la participation de sept formations politiques dont trois de l’opposition. Le taux de participation est officiellement de 37,79% selon la Cour constitutionnelle. D’après les résultats proclamés par l’institution, seulement trois formations politiques à savoir l’Union progressiste le Renouveau, le Bloc républicain et Les Démocrates se sont partagées les 109 sièges du parlement à raison de 53 pour le premier, et 28 pour chacun des deux derniers. Outre la participation du principal parti d’opposition Les démocrates, l’autre particularité de ce scrutin est l’élection de 29 femmes au parlement. Une conséquence de l’article 144 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en république du Bénin qui précise : « Le nombre de députés à l’Assemblée nationale est de cent neuf (109) dont vingt-quatre sièges exclusivement réservés aux femmes » à raison d’une femme au moins par liste et par circonscription électorale. Les députés de la nouvelle législature ont été installés le 12 février 2023. Au terme de l’opération d’élection du bureau. Louis Vlavonou rempile à la tête de l’institution. L’entrée des démocrates au parlement au consacré, l’avènement de la contradiction politique au parlement. Les députés de la minorité se sont en effet illustrés dans une intense activité parlementaire marquée par l’interpellation du gouvernement sur divers sujets d’actualité via les questions orales adressées à l’Exécutif.
La stabilité de l’équipe gouvernementale ébranlée
A l’issue des Législatives, l’opinion publique, comme à l’accoutumée, s’attendait à un remaniement ministériel. Face aux rumeurs qui devenaient persistantes sur la question, le chef de l’Etat, Patrice Talon a, le lundi 13 mars 2023 au Palais de la Marina de Cotonou, lors de la conférence de presse conjointe qu’il a animée avec son homologue du Niger, Mohamed Bazoum tranché le débat. « On ne change pas l’équipe qui gagne » avait déclaré le président de la République mettant ainsi fin à la polémique. A cette occasion, il indiquait que ses ministres qu’il qualifie de « principaux chevaliers » de son action, vont rester en place parce qu’ils lui donnent satisfaction. Mais ces assurances n’auront été que de courte durée puisque 72 heures après sa conférence de presse conjointe au cours de laquelle le président Patrice Talon disait que le désormais ancien ministre de Justice Séverin Quenum était toujours garde des sceaux, la nouvelle est tombée au soir du lundi 17 avril 2023. La décision a été actée par décret N°2023-156 du 17 avril 2023 portant composition du gouvernement. Séverin Quenum a été remplacé par l’ancien bâtonnier Yvon Détchénou à la tête du ministère de la Justice et de la législation du Bénin. En dehors de ce ministère, deux autres disciples du gouvernement sont éjectés quelques jours après. Il s’agit de Hervé Hèhomey du ministère en charge des Transports et Jean-Claude Houssou du ministère chargé de l’Energie. Leurs ministères ont été rattachés à d’autres. Ainsi, le ministre José Tonato hérite du ministère des Transports et Adambi bénéficie de celui de l’Énergie. Un peu plus d’un mois après, Aurélien Agbénonci qui, a perdu le volet coopération de son portefeuille, au profit de son collègue en charge de l’Economie et des finances, sera remercié par le chef de l’Etat, après 7 années passées aux gouvernement. La nouvelle intervenue en début d’après-midi du 23 mai 2023, fera le tour des réseaux sociaux avant d’être confirmée par une note officielle qui consacre la nomination du jeune Olushegun Adjadi Bakari au poste.
Nouveau printemps pour les relations bénino-nigérianes
Les relations entre le Bénin et le Nigéria n’ont pas été des plus tendres et amicales ces dernières années. L’ère Buhari a en effet été caractérisée par de récurrentes tensions entre Cotonou et Abudja. Les fréquentes quintes de toux au niveau des relations entre les deux pays ont atteint leur point d’orgue avec la fermeture le 20 août 2020, des frontières entre les deux pays par le gouvernement nigérian qui justifiait cette décision unilatérale par l’interdiction d’importation de certains produits de contrebande sur son territoire. L’arrivée au pouvoir du nouvel homme fort nigérian est perçue comme l’amorce d’une nouvelle dynamique à la coopération bilatérale entre les deux pays. Et à propos, les premiers signes sont assez évocateurs de l’envol d’un nouveau printemps pour ce qui est des relations entre les deux pays. Après sa présence remarquée à l’investiture le 29 mai 2023 de Bola Tinubu, Patrice Talon et son homologue se sont rencontrés le vendredi 23 juin 2023 à Paris en marge du Sommet sur le Nouveau pacte mondial de financement. « Nous sommes prêts à améliorer nos relations. L’Afrique a été la pièce maîtresse de la politique étrangère du Nigeria », a déclaré le président nigérian qui a, par ailleurs, décrit les relations du Nigéria avec le Bénin comme celles de jumeaux siamois, unis par les hanches et soutenus par d’autres pays amis. En réponse à cette nouvelle approche du président nigérian, Patrice Talon a exprimé la disponibilité du Bénin à coopérer avec la nouvelle administration d’Abudja. « Nous sommes prêts à travailler avec vous, Votre Excellence, pour mettre en œuvre des politiques qui protégeront nos économies aux entrées terrestres et maritimes. Tout ce qui est interdit au Nigeria sera également interdit au Bénin », a martelé Talon. Un rapprochement bien perçu et salué par deux peuples pour qui, le froid qui s’était installé entre Abudja et Cotonou, a eu de profondes répercussions négatives sur les deux pays. La présence du dirigeant nigérian, en qualité d’invité d’honneur, aux festivités marquant la célébration du 63ème anniversaire de l’accession du Bénin à l’indépendance, le 1er août dernier, constitue selon le ministre Bakari, le signe du réchauffement des relations entre les deux pays. Les petites guéguerres et les moments d’incompréhension qui ont caractérisé les relations entre les deux pays sont désormais un lointain souvenir et les équipes exécutives des deux Etats, travailleront à mettre en œuvre, les actions prioritaires.
Coup d’Etat au Niger : la position du Bénin objet de polémique
2023 a été marquée au plan politique par le coup d’Etat intervenu au Niger le 26 juillet 2023. Au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le Bénin a été l’un des premiers pays à condamner cette remise en cause de l’ordre constitutionnel et exiger le rétablissement du président déchu Mohamed Bazoum. Cette position est d’ailleurs celle de la Cédéao mais l’activité du Bénin dans ce dossier a été mal perçue par certains détracteurs qui soupçonnent la main de la France derrière la posture du pays. Au plan socio-économique, cette crise n’a pas été sans conséquence sur le Bénin. La fermeture des frontières a occasionné le stationnement de milliers de camions à Malanville. Une congestion des marchandises destinées à être exportées vers le Niger a été observée au Port de Cotonou qui dans la foulée, a suspendu les importations vers le pays, s’alignant derrière les sanctions que la Cédéao a infligées au pays. Selon le Fmi, au premier semestre 2023, l’économie béninoise a été confrontée à des chocs externes liés à la fermeture des frontières avec le Niger.
Yayi porté à la tête du parti » Les démocrates »
Les travaux du premier congrès ordinaire du parti Les démocrates tenu les 14 et 15 octobre 2023 dans la Cité des Koburu ont consacré l’élection de Boni Yayi à la présidence de cette formation politique de l’opposition. Selon plusieurs sources proches du parti, le choix vise à maximiser les chances du parti aux élections générales de 2026. A travers le congrès de Parakou, le parti Les démocrates a donné le ton des prochains challenges électoraux. Le thème de ce congrès est d’ailleurs très évocateur de l’enjeu que constituent pour la formation politique de l’opposition, ces joutes électorales. « Défis des élections générales de 2026 : ensemble avec les démocrates, le peuple à la reconquête de sa souveraineté », tel était le point nodal qui a polarisé les réflexions des 300 délégués conviés au congrès. La principale formation politique de l’opposition entend assumer son statut de parti du peuple et pour Eric Houndété, ancien président, le virage de 2026 s’annonce décisif pour le parti. « Il n’y a rien à faire. Nous devons gagner les élections de 2026 », a-t-il martelé dans son discours d’environ 90 minutes au travers lequel, il a dopé le moral des militants. Pour ces élections, le parti entend sortir le grand jeu. L’élection de Boni Yayi à la tête de la formation politique en est déjà un signal.
Inexistence du dialogue politique
Sur un autre volet, le dialogue politique a été quasi-inexistant au cours de l’année 2023. La seule actualité à mettre sous cette rubrique est la rencontre, le 29 novembre 2023 entre Patrice Talon et une délégation du parti Les démocrates. Une rencontre qui a accouché d’une souris puisque le chef de l’Etat a opposé une fin de non-recevoir à la principale doléance de ses interlocuteurs à savoir, la libération des prisonniers « politiques » et le retour des exilés « politiques ». Au demeurant, les clivages se sont accentués entre acteurs politiques avec une virulence du débat parlementaire. Le gouvernement est régulièrement interpellé pour s’expliquer sur telle ou telle situation ou encore la gestion de tel ou tel autre dossier par les députés de la minorité parlementaire.
Gabin Goubiyi