L’ancien président de la République du Bénin, Boni Yayi porté à la tête du parti Les démocrates à la faveur du congrès des 14 et 15 octobre 2023 à Parakou, a justifié son activisme politique par un ap-pel divin, répondant ainsi à ses nombreux détracteurs qui estiment malséantes ses nombreuses ap-paritions sur fond de populisme. Mais le manque d’élégance de la réponse du plus influent membre du parti Les démocrates, suscite des débats au sein de l’opinion.
Boni Yayi a enfin brisé le silence sur ses réelles intentions en s’affichant au-devant de la scène politique. L’ancien chef d’Etat a notamment soutenu au travers d’une descente au palais royal de Dassa-Zoumé le week-end écoulé que « la politique est un droit inaliénable ». Il assume entièrement son activisme politique après ses deux mandats dans les plus hautes fonctions de l’Etat. « Je n’ai violé aucune loi », martèle Boni Yayi qui fait observer que cela n’a pas commencé par lui. Il a notamment cité l’un de ses prédécesseurs dans la fonction, en l’occurrence Nicéphore Soglo qu’il dit être un excellent politicien. L’ironie dans tout ceci est que pour Boni Yayi, son retour au-devant de la scène politique est dicté par un appel divin. « Si nous vivons, vivons pour la gloire de Dieu. Si nous mangeons, man-geons pour la gloire de Dieu. Si nous sommes Zémidjan, faisons le Zémidjan pour la gloire de Dieu », a confie l’ancien chef d’Etat. En fait, Boni Yayi ne fait que confirmer ce qui se lit déjà dans ses actes, car à la vérité, l’homme n’aura jamais été loin de la scène politique en dépit de ses nombreuses promesses de se consacrer à une vie pas-torale après ses deux mandats marqués par un populisme nocif sur fond d’occupation constante de l’espace poli-tique. En assumant publiquement ce qui apparaît comme un secret de polichinelle, Boni Yayi semble oublier sa pro-messe qu’il a malicieusement éludée dans sa fameuse réplique à ses détracteurs. Au demeurant, la présence de Boni Yayi dans l’arène politique ne devrait pas être sujette à polémique. Ses prédécesseurs dans la fonction, à quelques exceptions près, ont sous divers formats, continué d’animer la vie politique. C’est le cas de Nicéphore So-glo qui a été de tout temps, opposant au régime de feu Mathieu Kérékou et celui de Boni Yayi même si la présence d’un de ses fils au gouvernement de ce dernier laisse suspecter un deal entre les deux personnalités. Mais à la diffé-rence de ces anciens chefs d’Etat, Boni Yayi a affirmé devant micros et caméras, à plusieurs occasions, qu’il se con-sacrerait à la vocation pastorale après le pouvoir. Une promesse que l’homme a du mal à assumer même s’il se fend à volonté d’un discours redondant d’homme de Dieu. Une stratégie pour en fait endormir le peuple et qui démontre que l’ancien chef d’Etat reste toujours obnubilé par le pouvoir.
La crédibilité de la parole publique à rude épreuve
La déclaration de Dassa-Zoumè apparait en réalité comme un non-événement. Pour beaucoup d’analystes et ob-servateurs, Boni Yayi a raté une occasion de se taire. En effet, l’homme a perdu en estime depuis qu’il s’est illustré dans ce que Candide Azannaî qualifie de « violation de la parole donnée et la transgression morale de l’agir politique. » En effet, dans une récente publication, le président du parti Restaurer l’espoir a indiqué que l’homme politique se discrédite lorsqu’il ne tient pas parole, lorsqu’il s’habitue à ruiner ses propres engagements publics. Pour lui, la crédi-bilité et la confiance publique en politique doivent être des vertus à cultiver par les acteurs politiques. Mais comme le dirait l’autre, les promesses politiques ou électoralistes n’engagent que ceux qui y croient. Pour le cas de Boni Yayi, sa relative apparence sous le manteau d’homme de foi et donc ayant la crainte de Dieu, pouvait objectivement le créditer d’une certaine confiance mais l’extrême exhibition de cette casquette cache l’aspect politique de l’homme dont la gouvernance a été émaillée par une série de scandales. Lesquels scandales constituent de véritables tâches noires dans le bilan de Yayi qui semble prendre les populations pour des briques de quinze en tentant aujourd’hui de se donner une certaine virginité. Même si les clarifications de Boni Yayi participent d’une stratégie politique, force est de constater que la démarche manque cruellement de pudeur et d’élégance. Beaucoup estiment en effet, qu’il faudrait beaucoup mieux pour ébranler le camp d’en face, dont le chef d’orchestre reste un fin stratège.
Abdourhamane Touré