Ça bavarde, sur les réseaux sociaux depuis le samedi 31 juillet 2021, peu après la diffusion du message du président de la République à la Nation en prélude à la commémoration de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale. Certains se disent surpris et déçus parce qu’ils pensaient que les compatriotes qui ont fui la justice de leur pays, sous des prétextes infondés, devraient aussi en bénéficier.
«… C’est de même que je veux pouvoir compter sur ceux de nos concitoyens qui ont perdu leurs libertés, et qui vont bénéficier de la mesure de grâce que je leur accorde, conformément aux lois de la République, parce qu’ils en remplissent les conditions ». C’est autour de cette partie du message du président Patrice Talon que certains Béninois entretiennent une polémique inutile sur les réseaux sociaux. Pour eux, Talon devait, dans son message, prononcer les noms des personnalités politiques qui ont préféré fuir la justice de leur pays pour aller vivre au frais, sous d’autres cieux. Ils les désignent à tort par « exilés politiques». Et comme chacun prêche pour sa paroisse, d’autres écrivent, par contre, que le message du président de la République devait mentionner les noms des acteurs politiques en conflit avec la loi et détenus dans des maisons d’arrêts. Ils le disent et l’écrivent dans le but de faire croire à qui veut les suivre que le pouvoir en place ne veut pas de la paix et de la réconciliation nationale. Mais en réalité, ils se trompent. Soit, les auteurs de cette polémique inutile n’ont aucune connaissance des textes qui organisent la grâce présidentielle ; ou alors ils sont possédés par l’esprit de l’oisiveté et de l’inculture. La mesure de grâce accordée à des détenus par le Chef de l’Etat relève des prérogatives constitutionnelles qui lui sont conférées. Elle est toujours encadrée par des dispositions qui précisent les conditions à remplir pour en bénéficier. Le Président de la République ne se lève pas pour décider d’accorder la mesure de grâce à des citoyens. C’est une tradition qu’ont toujours respecté les différents présidents ayant dirigé le Bénin. Patrice Talon n’en est même pas à son acte et il n’est pas le premier chef d’Etat béninois à le faire. Et avant que cette mesure ne soit prise, tout un travail administratif se fait par les services compétents de l’Etat, plus précisément au Ministère de la Justice. Le 31 janvier 2020, cette mesure de grâce présidentielle a d’ailleurs été accordée à des centaines de compatriotes détenus. En 2019, par exemple, le président de la République avait pris un Décret pour accorder à plusieurs compatriotes, la mesure de grâce. Au terme de l’article 3 de ce Décret, « sont exclues du bénéfice de lamesure de grâce présidentielle,les personnes condamnées pour les infractions ci-après : assassinat ; meurtre ; empoisonnement ; vol à mains armées ; vol d’automobiles et de motocyclette ; association de malfaiteurs ; détention usage et trafic de stupéfiants ; évasion ; vol ; trafic d’enfants ».
La mesure de grâce n’est pas pour tout le monde
Cette disposition, qui, certainement, ne changera pas dans le Décret qui accorde la même mesure de grâce à des détenus cette année, définit clairement le profil de ceux qui ne doivent pas s’attendre à voir leurs noms sur la liste. L’article 4 du même document indique clairement que « les personnes condamnées pour des faits de détournement de derniers publics ou pour des infractions assimilées ayant mis en cause les deniers de l’Etat ne pourront jouir de la mesure de grâce prescrite par le Décret qu’après remboursement des sommes détournées ou mises en péril ; des amendes et des frais de justice ». Ici, le Décret se fait plus clair. Et ceux à qui l’allusion est faite sur les réseaux sociaux à travers la polémique se retrouvent, pour la plupart dans cette partie du Décret. Evidemment, le Décret est vieux, diront-ils, à raison. Mais aucune logique ne veut qu’on fasse bénéficier à des gens de cette catégorie, la mesure de grâce présidentielle. En tout cas, Patrice Talon ne ferait pas ça. S’il y a des compatriotes qui ont accepté de faire face à la justice et purgent, dans la discipline et le respect, leurs peines, se voient exclus de cette mesure de grâce, pourquoi alors penser à ceux qui ont fui le pays et la justice de leur pays, au motif qu’ils ne doivent pas être jugés pour des faits qu’on leur reproche ? Les soi-disant prisonniers politiques savent désormais à quoi s’en tenir ou s’attendre lorsque le Président prend une mesure de grâce. Ceux qui ont choisi de vivre à l’étranger pour ne pas répondre des soupçons qui pèsent sur eux, savent aussi ce qu’ils doivent commencer par faire pour voir si un jour, la République leur fera cette faveur. La grâce, c’est le pardon. La grâce, c’est ce dont vous n’avez pas droit, mais qu’on vous donne. Elle ne se quémande pas. Elle ne se réclame pas. Elle se mérite.
Félicien Fangnon