Au Bénin, l’éradication du paludisme à l’horizon 2030 mobilise les acteurs impliqués dans la lutte contre cette maladie qui, malgré les nombreux efforts, reste l’une des premières causes de la mortalité infantile. L’Etat béninois, à travers le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) et ses partenaires, travaille à réduire les milliers de cas enregistrés chaque année, mais le chantier est encore grand et demande plus de stratégies et de volonté politique.
Selon des données de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), en un jour, le moustique qui est à l’origine du paludisme, l’une des infections les plus répandues en Afrique, tuerait 1470 personnes. Les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans représentent la majorité des malades et des décès. Au Bénin, selon des chiffres de 2023, les nouveaux cas de paludisme dans la population en général représentaient 17% chez les adultes et 39% chez les enfants de moins de cinq (05) ans avec un taux de mortalité d’environ 106 décès pour 100.000 enfants. Le paludisme reste un véritable problème de santé publique. A l’occasion de la 17ème édition de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme organisée le jeudi 25 avril 2024, le ministre de la Santé, Benjamin Hounkpatin a assuré que « le paludisme, maladie évitable et guérissable continue d’être un problème majeur de santé publique de par son ampleur et sa charge de morbidité et de mortalité au sein de la population, malgré les efforts et les énormes investissements consentis par la communauté internationale pour son contrôle et son élimination ». Aussi a-t-il fait savoir que le Bénin est très engagé dans la lutte contre le paludisme avec des actions à forts impacts sur le terrain. Notons que cette édition est placée sous le thème : « Accélérer la lutte contre le paludisme pour un monde plus équitable, équité en matière de santé, égalité du genre et droits humains ».
Prévenir le mal
Pendant la saison des pluies, on assiste à une multiplication rapide des moustiques et le risque de paludisme est plus élevé. Le paludisme est certes un problème de santé publique, mais c’est avant tout une question d’hygiène et d’assainissement. Les eaux stagnantes aux alentours des domiciles, les vieux ustensiles, les pneus et autres pots de fleurs abandonnés çà et là constituent des gîtes larvaires, donc des sources de prolifération des moustiques responsables de la maladie. Pour éviter de contracter le paludisme, la population doit assainir son cadre de vie. « Si le cadre de vie est mal entretenu, si le cadre de vie n’est pas assaini, c’est normal qu’il y ait une multiplication des moustiques et c’est ce qui se passe généralement dans nos villes, dans nos campagnes, parce que le Bénin de par son écologie, est parcouru du nord au sud par beaucoup de cours d’eau qui offrent l’opportunité d’avoir un sol qui est fertile. Par ailleurs, la période de pluie favorise la multiplication des vecteurs, parce que le sol devient saturé d’eau, notamment pour les régions qui sont au bord des cours d’eau. C’est le cas du Grand Nokoué. C’est d’ailleurs pour ça que le paludisme est endémique au Bénin et nous sommes dans une région tropicale » a expliqué Docteur Gilles Kpadonou, directeur du Centre de recherche entomologique de Cotonou (Crec) dans une récente intervention médiatique.
Des actions à fort impact
A en croire les autorités sanitaires, le Bénin est très engagé dans la lutte contre le paludisme avec des actions à fort impact sur le terrain à savoir la lutte anti-vectorielle intégrée à travers l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action dont la dernière campagne organisée en 2023, a permis de distribuer gratuitement près de 9 millions de moustiquaires imprégnées ; la chimio prévention du paludisme saisonnier chez les enfants de moins de cinq ans dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori qui sera étendue à partir de juin 2024 aux départements du Borgou les Collines et la Donga ; le traitement préventif chez les femmes enceintes et chez les nourrissons, l’assainissement du cadre de vie à travers l’asphaltage qui contribue à la destruction de gîtes larvaires. Malgré ces efforts, le Bénin doit faire face à de nouvelles menaces qui apparaissent et viennent plomber les avancées en matière de lutte contre le paludisme et que les études répertorient comme suit : l’émergence de résistance partielle aux médicaments les plus couramment utilisés, la propagation d’une mutation du parasite plasmodium falciparum affaiblissant l’efficacité des tests et diagnostics rapides, – l’apparition de moustiques résistant aux insecticides de la lutte anti vectorielle. C’est donc face à ce tableau où la région africaine de l’Oms supporte la charge la plus lourde du paludisme, 94% de tous les paludismes du monde et 95% des décès dans le monde, que la production du vaccin a été recommandée depuis octobre 2021.
Introduction du vaccin contre le paludisme
Le Bénin marque une avancée significative dans la lutte contre le paludisme avec la réception des premières doses du vaccin contre le paludisme, première cause de mortalité chez les enfants au niveau national. En acceptant d’introduire le vaccin contre le paludisme dans son Programme élargi de vaccination (Pev), le Bénin s’appuie sur la phase pilote du programme qui s’est déroulée au Ghana, au Kenya et au Malawi. Une phase qui a permis de protéger environ 2 millions d’enfants contre les formes graves du paludisme, avec comme conséquence, la réduction des hospitalisations pédiatriques de l’ordre de 22% et une réduction de la mortalité de l’ordre de 13%. Ainsi, en adoptant le vaccin contre le paludisme le jeudi 25 avril 2024, au même moment que le Liberia et la Sierra Leone, après le Burkina-Faso et le Cameroun, le Bénin entend jouer sa partition dans l’atteinte de l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé qui est la réduction de la charge mondiale du paludisme à 90% d’ici 2030. Le ministre de la Santé a rassuré l’ensemble de la population. « Ce vaccin est un vaccin sûr qui permet de protéger les enfants contre les formes graves du paludisme. L’introduction de ce vaccin n’élimine pas les autres mesures », a-t-il tenu à préciser avant de lancer officiellement la campagne de vaccination.
Des efforts louables dans le Mono
Selon Donelle Agossadou, point focal de lutte contre le paludisme, les maladies non transmissibles et les maladies tropicales négligées à la direction départementale de la santé du Mono, des progrès sont réalisés dans la lutte contre le paludisme bien que le département du Mono ne fasse pas partie des zones pilotes pour la vaccination contre le paludisme. A en croire ses propos, la période de pic dans ce département correspond à la saison pluvieuse qui va du mois d’avril au mois d’août. Des messages radiophoniques mettant un accent sur cette période de pic sont diffusés avec rappel des moyens de prévention. Au nombre des moyens de prévention, Donelle Agossadou cite l’amélioration continue de l’hygiène et de l’assainissement du cadre vie, l’utilisation correcte des Moustiquaires imprégnées à longue durée (Mild) dans les ménages, la promotion de la double barrière, l’utilisation des grillages aux ouvertures dans les maisons (portes et fenêtres) et utilisation des Mild, le recours précoce aux soins par les ménages et la prévention médicamenteuse chez la femme enceinte avec la sulfadoxine-pyrimetamine en guise de Traitement préventif intermittent (Tpi/sp) qui se fait dans les formations sanitaires. Les femmes enceintes sont encouragées à se rendre dans un centre de santé dès les premiers signes d’une grossesse. Par ailleurs, le point focal révèle que l’incidence du paludisme dans le département du Mono a connu une diminution de 2021 à 2023 en passant de 25% à 19% (Source : Dhis 2, Mai 2024). Cependant des efforts restent à faire pour atteindre l’objectif d’élimination du paludisme d’ici 2030.
Sergino Lokossou (Coll)
