L’actualité est secouée depuis quelques jours par une série d’évènements relatifs aux agissements des centrales et organisations syndicales au Bénin. Des marches non autorisées réprimées, suivies des interpellations des militants et une « division » entre les différentes confédérations ; ce sont quelques malheureux évènements qui entachent la vie syndicale au Bénin et qui suscitent des interrogations et remet sur le tapis la question de la formation à la base des militants et responsables.
Les activités et mouvements des centrales et organisations syndicales dont la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi Bénin), la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa Bénin), la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb), la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) et l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb) depuis quelques jours donnent un arrière-goût très amer. Des passes d’armes entre responsables syndicaux et autorités, un boycott de dialogue social organisé par le gouvernement, le refus de la remise des cahiers de doléances pour la fête des travailleurs, des marches non autorisées et empêchées par la Police républicaine, des interpellations des responsables syndicaux et militants. C’est le tableau noir présenté par les partenaires sociaux entre le 25 avril et le 1er mai 2024. Invité sur une radio locale, les responsables syndicaux ont laissé entendre avoir rempli toutes les formalités administratives afin que la marche se déroule dans les meilleures conditions et sans anicroche. Des affirmations remises en cause après la publication d’un arrêté du préfet du Littoral, Alain Orounla interdisant la marche programmée pour le 27 avril par la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi Bénin), la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa Bénin) et la Confédération générale des travailleurs du Bénin (Cgtb) et l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (Unstb). Malgré le rappel à l’ordre de l’autorité préfectorale et les dispositions sécuritaires prises par les autorités dont le quadrillage de la Bourse du travail et le blocage des accès au site de regroupement, la marche a été délocalisée à la Place Bulgarie à Gbégamey. Très tôt, les manifestants ont été recalés dans leur volonté de troubler l’ordre public. Des responsables syndicaux dont Moudassirou Bachabi, Anselme Amoussou et Noel Chadaré ont été interpellés et gardés à vue avec une dizaine d’autres militants. Quelques heures après leur audition, ils ont été libérés.
La Cstb récidive…
Les leçons de la marche étouffée du 27 avril n’ont pas émoussé l’ardeur des responsables de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) d’organiser une autre marche le 1er mai 2024 malgré l’organisation du cadre national de concertation par le gouvernement dans le but de permettre aux différents acteurs, d’échanger et de trouver des solutions durables aux différents problèmes. Pendant que la Cosi-Bénin, la Csa-Bénin, la Cgtb et l’Unstb organisaient une séance d’information à l’endroit de leurs militants, les travailleurs affiliés à la Cstb, en provenance de différents départements, ont pris d’assaut les routes sans une autorisation préalable. Une initiative qui a été empêchée par les autorités en vue d’assurer la libre circulation des personnes et des biens. Une cinquantaine de militants ont été arrêtés et présentés au Procureur de la République. Parmi eux, 33 ont été relâchés et les 21 autres ont été déposés en prison, après avoir été testés positifs à la consommation du cannabis selon un communiqué du Procureur de la République en date du 6 mai 2024.
Les centrales et confédérations divisées…
A quelques heures de la marche de la Cstb, un communiqué signé par les Secrétaires généraux de la Csa-Bénin, Cgtb, Cosi-Bénin et l’Unstb a laissé entrevoir que le torchon brûle entre eux et leur homologue de la Cstb. A travers ce communiqué qui a fuité sur les réseaux sociaux, Anselme Amoussou, Moudassirou Bachabi, Appolinaire Afféwé et Noël Chadaré ont déploré la démarche de leur pair Kassa Mampo tout en exprimant leur volonté de ne pas participer à la marche du 1er mai. « De tout ce qui précède, il ressort qu’il est de l’intérêt de tous que nous fassions en sorte que les deux activités programmées par nos organisations respectives se tiennent normalement », pouvait-on lire dans la lettre. Dès lors, il est clair qu’une crise interne et profonde s’est installée et que les différentes confédérations syndicales n’arrivent pas à accorder les violons sur l’approche à adopter dans la défense des droits des travailleurs. La Csa-Bénin, la Cgtb, la Cosi-Bénin et l’Unstb ont annoncé qu’une autre marche est projetée pour le 11 mai 2024 pour dénoncer la cherté de la vie. Sur une station radio, Anselme Amoussou a laissé entendre que toutes les démarches administratives ont été faites et la même situation que celle du 27 avril ne se reproduira plus. Néanmoins de leurs côtés, les autorités notamment le Préfet, n’a diffusé aucun arrêté ni note circulaire pour donner son aval à l’effectivité de la marche à quelques jours de cette dernière. Un silence qui laisse planer un doute.
Des réformes s’imposent pour une réorganisation des activités syndicales
Les différentes failles observées dans les démarches et les activités des confédérations et centrales syndicales prouvent qu’une formation à la base des responsables et des militants doit être de mise. L’une des réformes mises en place par le gouvernement du Président Patrice Talon est la réorganisation du secteur syndical à travers le décret 2020-458 du 23 septembre 2023 portant différentes formes d’organisations syndicales de travailleurs et critères de leur représentativité en République du Bénin qui stipule en son chapitre 3 article 5 que « les centrales ou confédérations syndicales doivent obtenir au moins 20% des suffrages exprimés pour être représentatives ». Cela a permis de mieux structurer l’activité syndicale pour ne plus assister à ses crises allant jusqu’à la programmation des marches non autorisées. Malgré cette mesure, les vieux démons surgissent avec des tentatives de marches pacifiques qui se transforment en des troubles à l’ordre public. En lieu et place des marches et des casses, il faut plutôt penser à mieux éduquer les membres au vrai militantisme dans l’ultime objectif de trouver des solutions durables aux véritables problèmes des Béninois dont la cherté de la vie. C’est l’un des premiers chantiers du nouveau Secrétaire général de la Cosi-Bénin, Hinlin Codjo. Les marches et les bras de fer ne sont pas ce qu’attend le commun des Béninois de la part des partenaires sociaux. Il est de bon ton qu’ils fassent des propositions concrètes à reverser aux ministres lors des séances de concertation gouvernement-syndicats. Cette approche apparaît être la meilleure manière d’apporter leur pierre à la construction du pays.
Mohamed Yasser Amoussa (Coll)