La fin de la transition politique en Guinée n’est pas pour bientôt. Du moins, la junte au pouvoir depuis la chute d’Alpha Condé, ne l’entend pas de cette oreille, et ne semble pas vouloir lâcher du lest. La mission de l’envoyé de la Cedeao, l’ex-président Yayi Boni, ne sera pas donc une bataille facile.
« Les solutions à nos problèmes, on ne peut compter sur personne… Les problèmes sont guinéens, et les solutions les seront aussi », a déclaré le chef de la junte militaire guinéenne, le colonel Mamadi Doumbouya. C’était le mercredi 24 août 2022, à l’occasion de la cérémonie de remise officielle du rapport-synthèse des Assises nationales, axées sur la « vérité et le pardon » en Guinée. Le président de la transition en Guinée a, ainsi, devant le médiateur de la Cedeao, laissé entendre que la solution aux problèmes guinéens ne viendra pas d’ailleurs. N’est-ce pas une mise en garde, ou un avertissement voilé à la Cedeao, et à son représentant et médiateur, l’ancien président béninois. Yayi Boni qui multiplie depuis son arrivée le dimanche 21 août 2022 à Conakry, les contacts. Après les ambassadeurs, la société civile et d’autres responsables, l’ex-président du Bénin multiplie les consultations en vue d’une solution rapide à la crise politique qui s’éternise dans le pays. Les démarches sont notamment menées dans le but d’apaiser les tensions et de mettre les protagonistes autour d’une même table de négociation. Lors de cette deuxième descente en terre guinéenne, Yayi Boni a rencontré mercredi 24 août 2022, les Imams et parmi eux, le plus grand Imam de Conakry. Au sortir de la rencontre, le premier Imam de la grande mosquée Fayçal de Conakry, qui a pris part à cette rencontre avec le Médiateur de la Cedeao, a fait savoir qu’il leur a demandé juste de formuler des prières pour la Guinée, pour la mission et pour la Cedeao.
La main mise de la junte
Par ailleurs, l’envoyé de la Cedeao a aussi rencontré certains partis et rassemblements politiques. Un jour plus tôt, une rencontre était programmée avec le Forum des forces sociales de Guinée (Ffsg) et d’autres organisations de la société civile guinéenne, mais elle n’a pas eu lieu. Dans un communiqué, le Ffsg reproche notamment au médiateur d’avoir changé son premier agenda: « Le Forum des forces sociales de Guinée (Ffsg ), malgré l’espoir suscité par l’arrivée du médiateur de la Cedeao, Dr Thomas Boni Yayi avec un premier agenda mettant en avant une approche de rencontres structurées avec les différentes coalitions sociales et politiques du pays, reste très préoccupé par l’abandon dudit agenda au profit des approches de regroupements populaires adoptés sans succès par le Cnrd depuis sa prise de pouvoir, il y a un an ». Le Ffsg dit être reconnaissant à l’égard de Boni Yayi pour l’avoir programmé dans son agenda, mais « regrette la manifestation pour une énième fois de la peur et le manque de volonté du Cnrd à ouvrir un dialogue franc et sincère avec les voix de contradiction républicaine et objective du pays conformément à la Charte de la transition ». C’est pourquoi, le forum a décidé de transmettre ses propositions au médiateur, pour un dialogue fructueux et exprime sa disponibilité pour « des échanges directs et structurés sur ses propositions dans le cadre de la réussite de la transition ». Le Forum invite pour finir, la « Communauté internationale à s’inscrire dans une logique de soutien à la transition et non une approche de soumission au Cnrd ou à toute autre forme d’agenda au détriment de l’intérêt supérieur du peuple de Guinée dans son droit au bien-être. En quelque sorte, la tension reste vive en Guinée, et le président Yayi Boni devrait user de beaucoup de stratégies pour ramener la paix.
Un dialogue compliqué
Toutes les tractations en cours devraient normalement permettre d’aboutir à un chronogramme pour un retour des civils au pouvoir. « Les partis politiques n’ont pas pu rencontrer le médiateur pour le moment. On nous avait conviés à une rencontre avec le médiateur ce mardi (23 août 2022) dans l’après-midi, finalement ils nous ont appelés pour déprogrammer. On nous demande de rester en stand-by. Selon des indiscrétions, les autorités guinéennes ne voudraient pas que le médiateur rencontre toutes les voix discordantes ou les oppositions au Cnrd ». Le médiateur présent dans le pays jusqu’au 26 août 2022, ces derniers espèrent une rencontre, car ils ne s’imaginent pas une mission réussie si les autorités lui font des injonctions ou l’empêchent de rencontrer toutes les forces libres de la nation. Après plusieurs échecs, Yayi Boni a pu échanger avec l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (Anad) de Cellou Dalein Diallo, le Rassemblement du peuple de Guinée (Rpg) de l’ancien président Alpha Condé, le Front national pour la défense de la constitution (Fndc) et d’autres partis opposés à la junte militaire au pouvoir. La rencontrée a duré trois heures environ et aura permis d’aborder les sujets qui fâchent. Kiridi Bangoura, ancien ministre secrétaire général à la présidence de la République sous Alpha Condé a confié que les « éléments constitutifs qui peuvent permettre à la Guinée de commencer la mise en œuvre d’une transition apaisée et inclusive » ont été évoqués avec le Médiateur de la Cédeao.« Les discussions ont touché la méthode globale de mise en place du cadre de dialogue, mais aussi les éléments qui doivent être contenus dans ce cadre de dialogue », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : « les éléments de discussion » et « les prochaines étapes restent à la discrétion du médiateur, des autorités en place».
Wilfried Noubadan