La filière palmier à huile est fonctionnelle et bien structurée au Bénin. Elle repose sur la complémentarité des productions industrielles et des plantations villageoises, à des degrés divers selon les entreprises. La mise en œuvre de contrôles sanitaires sur les huiles d’importation permet aux acteurs de la filière de mieux préserver la santé de la population tout en renforçant la protection de leur marché.
La filière palmier à huile occupe une place cruciale dans les économies ouest-africaines, pour deux raisons. D’abord, et c’est d’autant plus vrai au Bénin, parce que l’huile de palme constitue l’un des produits essentiels du panier de la ménagère et que la hausse de son prix constitue un facteur potentiel de déstabilisation sociale. La quasi-intégralité des régimes de palme sont transformés localement, par une filière bien structurée qui fait vivre directement ou indirectement, dans ce pays, des millions de personnes. Cette filière dispose d’un atout considérable en raison de la forte augmentation prévue des consommations nationales et sous régionales d’huile de palme, principalement pour l’alimentation, puisque ses autres usages, notamment cosmétiques, sont encore balbutiants. Il incombe à l’Etat béninois de renforcer l’effectivité des mesures de protection à l’importation existant dans la Cedeao. Théoriquement, à l’entrée dans cette communauté économique, les huiles d’importation sont taxées à hauteur de 10% à 35% selon leur nature et leur conditionnement, ce qui favorise les productions locales ; mais ces mesures ne sont pas appliquées, ou pas de la même façon, par tous les Etats de la zone. Certains pays africains importent de l’huile asiatique et la réexportent au sein de la Cedeao sans payer de droits de douane, comme s’il s’agissait d’une huile produite localement. Il existe également de la contrebande transfrontalière. Faire en sorte que la protection tarifaire soit effectivement appliquée est difficile, mais nécessaire.
Garantir la sécurité sanitaire
Plusieurs acteurs optent pour la mise en œuvre de contrôles sanitaires sur les huiles d’importation. Persuadés de produire une huile de meilleure qualité, ils considèrent qu’une telle mesure permettrait de mieux préserver la santé de la population tout en renforçant la protection de leur marché. Au demeurant, face au maintien et même au développement d’une transformation informelle, l’Etat pourrait engager des mesures sanitaires visant à garantir la qualité des huiles commercialisées dans le pays, y compris en cas de raffinage artisanal, dont l’impact sur la population, bien que non mesuré, peut susciter des inquiétudes.
Règles pratiques
Dans la production, Il n’y a pas de déclaration d’acteurs qui montre une certaine connaissance des normes ou standard internationaux ou nationaux concernant la production de palmier à huile. Toutefois, la littérature renseigne sur la norme de la Table ronde pour l’huile de palme durable (Rspo, Round table Sustainable Palm oil ) qui date de 2005 mais qui apparemment, n’est pas connue par les acteurs au Bénin. Cette norme Rspo de certification de la chaîne d’approvisionnement se présente comme une série d’exigences pouvant faire l’objet d’un audit et conçues pour être utilisées par les organisations dans la filière palmier à huile pour démontrer les systèmes mis en œuvre pour le contrôle des produits issus du palmier à huile certifiés Rspo . Les producteurs béninois font référence plutôt aux règles de bonnes pratiques de production. D’après leurs déclarations, il s’agit de la plantation d’un maximum de 150 plants par hectare, de faire recours aux personnes spécialisées pour le piquetage, de respecter les écartements de 8 m entre les plants ou de 9m sur 7m 80 entre les plants, de respecter pour la trouaison 40 cm en cube, d’ assurer la plantation au cours de la période mai-juin, d’appliquer pour des plants d’un an 200 g d’urée, et par la suite 250 g d’engrais par jeune plant et 1 Kg d’engrais par plant adulte, de respecter les périodes d’épandage d’engrais (après la récolte), d’assurer le sarclage régulier de la plantation : chaque deux mois, d’assurer la protection des jeunes plants (exemple : par des manchons de grillage, ou par des boîtes de tomate), se protéger soi-même lors de l’application de l’engrais, de l’interdiction d’abattre les arbres sans prévenir les autorités en charge (agents des eaux et forêts), d’éviter l’utilisation excessive des produits chimiques et éviter de laisser les branches de palmier dans les champs afin d’éviter la destruction par le feu. Ces informations de règles pratiques de production cadrent avec la fiche technique de production. Ce qui montre que les producteurs ont une connaissance certaine des itinéraires techniques de production de palmier à huile, même si certains ne les respectent pas bien.
Transformation
Diverses normes en matière de durabilité s’appliquent au secteur de l’huile de palme. La norme principale a été établie en 2005 par la Table ronde sur l’huile de palme durable (Rspo, « Roundtable on Sustainable Palm Oil ») et est appliquée depuis lors à un rythme lent, mais régulier. Elle couvre environ 21 % de l’offre totale d’huile de palme, produite principalement par de grands groupes. Il existe aussi des normes spécifiques pour certains pays, donnant droit à une certification. En général, la définition des normes et surtout leur application sont déterminées par les exigences des marchés consommateurs. Pour les huiles de palme et de palmiste, ce sont les normes sur les denrées alimentaires qui s’appliquent. Au Bénin, l’appréciation de la qualité des huiles se fait suivant les paramètres de qualité commerciale, microbiologiques, physicochimiques et toxicologiques.
La qualité de l’huile rouge de palme et l’huile de palmiste produite au Bénin par les transformateurs artisanaux ne satisfait quasiment pas aux exigences des industries de transformation pour la fabrication de savon (exemple de Ibcg) en raison de leur taux d’humidité trop élevé, de leur acidité et de leurs caractéristiques microbiologiques. Cependant, le marché nigérian qui consomme l’essentielle de la production d’huile est tolérant pour ces critères de qualité. En général, les acteurs de la transformation connaissent peu, et surtout se préoccupent peu de la mise en application des bonnes pratiques d’hygiène (Bph), des bonnes pratiques de fabrication (Bpf) et de la traçabilité. Ils n’ont pas connaissance des normes privées volontaires actives au Bénin : (Ethical Trading Initiative (Eti), Commerce équitable – Fair trade (Flo), Union for Ethical Bio Trade (Uebt), Food Safety System certification Iso : 22 000, Système Haccp, GlobaL G.a.p. 2.5.
Soutien de l’Etat et des
partenaires
La filière palme est un atout considérable pour le Bénin. Elle revêt un énorme enjeu économique et social puisqu’elle contribue à la sécurité alimentaire de la population, en lui apportant une partie des apports énergétiques indispensables. L’existence de cette filière est vitale, d’abord, pour des milliers de personnes, à savoir les planteurs villageois et leur famille. En leur fournissant un revenu stable, elle permet aux ménages de scolariser leurs enfants et d’accéder aux équipements et services de base – électricité, eau potable… -, ainsi qu’aux infrastructures de santé. Au-delà de la production agricole, la filière palme crée de nombreux emplois dans la transformation ainsi que dans les services connexes à l’industrie (transport, entretien, etc.). Elle contribue ainsi à relever l’immense défi de donner du travail aux jeunes, en raison du boom démographique qui, malgré l’urbanisation, touche aussi les campagnes. Cette filière est également au cœur des enjeux d’aménagement du territoire. Enfin, si la filière palme est régulièrement épinglée pour son impact sur la déforestation, il conviendrait précisément d’appuyer ses acteurs pour qu’ils mettent en place rapidement les certifications environnementales souhaitables. Le soutien des bailleurs est donc requis pour mener à bien, en collaboration avec l’Etat béninois, une transformation profonde du secteur de l’huile de palme, passant conjointement par l’amélioration des performances des petits planteurs, leur sensibilisation aux enjeux environnementaux et les actions de formation qui en découlent. Beaucoup de choses vont se jouer dans la prochaine décennie, période cruciale pour intensifier la lutte contre le changement climatique et s’adapter à ses conséquences.
Par ailleurs, l’ambition affichée dans le nouveau programme de développement de la filière, c’est d’installer au moins 25 000 nouveaux hectares et d’améliorer d’au moins 20 % le rendement moyen à l’horizon 2025 ainsi que la transformation par la raffinerie et la savonnerie pour la satisfaction du marché national et sous-régional. La vision de la filière est « D’ici 2030, le niveau de vente de l’huile de palme, de l’huile palmiste et des savons dérivés produits selon les normes de durabilité au Bénin s’est accru de 50% sur le marché national et dans la sous-région ouest africaine ». L’objectif global du PNDF est d’Améliorer la performance de la filière palmier à huile avec l’installation d’au moins 25 000 nouveaux hectares, l’amélioration d’au moins 20% du rendement moyen en 2024 et l’amélioration de la transformation par la raffinerie et la savonnerie pour la satisfaction du marché national et de celui ouest africain.
Sergino Lokossou