Identifié comme filière locomotrice au niveau du pôle de développement agricole 6, le palmier à huile, qui jusqu’au début des années 70, a été la première filière d’exportation du Bénin en dépit des conditions marginales pour sa culture, affiche de nos jours, des performances peu glorieuses. Cela est principalement la conséquence de plusieurs facteurs. Mais, le gouvernement du président Patrice Talon met les bouchées doubles pour redonner à la filière ses lettres de noblesse.
En prélude au lancement officiel de la campagne de plantation du palmier à huile pour le compte de l’année 2024, les structures du ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche sont déjà sur le terrain. Selon Madeleine Lafia Mora, directrice générale de l’agence territoriale de développement agricole (Atda), pôle 6, c’est une mission conjointe de suivi des pépinières de production des plants de palmier à huile. A en croire ses propos relayés par la télévision nationale, l’agence territoriale du développement agricole pôle 6 a effectué un certain nombre d’appuis depuis 4 ans. Pour cette mission de suivi, sont mobilisés l’agence territoriale de développement agricole, le centre de recherche agricole sur les plantes pérennes, la direction départementale du plateau de l’agriculture de l’élevage et de la pêche et une délégation de la direction de production végétale chargée des questions de certification. Une forte mobilisation pour mettre en œuvre la vision du gouvernement de la filière palmier à huile. Selon Dr Hervé Aholoukpè directeur du Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-pp) de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab), « aujourd’hui c’est plus d’une vingtaine d’hectares de champs semenciers qui porte les palmiers parents que nous utilisons pour ces semences . Et ces semences, c’est en termes de graines de palmier à huile que nous faisons germer. Donc, ces semences agricoles sous forme de graines germées sont obtenues ici au du Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-pp) et mis à la disposition des pépiniéristes. Ce sont des producteurs que nous avons sélectionnés, formés et à qui nous nous donnons les graines germées et qui les utilisent pour produire les plants. Ce sont ces plants qui sont mis à la disposition des planteurs au début de chaque campagne pour installer les palmerais ».
Appui aux pépiniéristes
Pour la production, les appuis aux pépiniéristes sélectionnés sont entre autres la mise en place du dispositif d’arrosage et d’irrigation. Une subvention à hauteur de 50% des plants de palmier à huile, la mise en place d’unité mobile de prestation de service pour aider les producteurs à faire certaines opérations spécifiques comme la récolte par exemple.
La subvention des intrants spécifiques
Tout commence par la production des semences assurée par le Centre de recherches agricoles Plantes pérennes (Cra-pp) de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin. Ce centre a pour mission de générer des technologies pour le développement des filières cocotier hévéa et palmier à huile. Pour le palmier à huile, tout un dispositif est en place. Un dispositif efficace qui évalue différents matériels végétaux de palmier à huile, les caractérise pour identifier les plus performants qui sont croisés pour avoir les semences sélectionnées.
Historique de la filière palmier à huile au Bénin
Le palmier à huile, essence naturelle du golfe de Guinée, a fait l’objet d’un développement plus volontariste au Bénin à partir du règne du roi Guézo. Les pays occidentaux deviennent en effet de plus en plus demandeurs d’huile de palme pour alimenter leurs savonneries. Les royaumes d‘Abomey et de Porto-Novo, et plus particulièrement leurs nouvelles communautés afro-brésiliennes (anciens esclaves affranchis de retour à partir de 1830), répondent à cette demande. On passe de la simple stratégie de cueillette qui prévalait jusqu’alors à l’organisation de véritables palmeraies, volontairement plantées. Le commerce des produits du palmier va prendre un essor considérable durant la seconde moitié du XIXe siècle, se substituant à celui des esclaves, révolu depuis 1848, et connaître un véritable « âge d’or » dans les années 1920-1930. La palmeraie béninoise de l’époque est estimée à 500 000 hectares. Entre 1951 et 1953, l’administration coloniale française a mis en place un programme de plantation industrielle de variétés améliorées, qui reste modeste. Quatre usines sont mises en route, avec une capacité totale de 50 tonnes de régimes à l’heure. Le réel démarrage du développement des plants sélectionnés de palmier à huile au Bénin est à situer après l’Indépendance. Entre 1960 et 1974, près de 27 000 hectares de palmiers sélectionnés sont plantés. Les usines étant devenues obsolètes, trois nouvelles usines sont également construites entre 1971 et 1975, dont la capacité totale est également de 50 tonnes de régimes à l’heure. Ces sept (07) usines cohabitent quelques temps, mais les quatre premières ferment peu à peu, la dernière ayant cessé toute activité en 1981. De nos jours, seule l’usine de Grand Agonvy reprise par Coda est encore fonctionnelle. Parallèlement à cette transformation industrielle et en dépit de certaines tentatives de l’administration coloniale, puis des organismes béninois de développement rural pour diffuser du matériel de transformation, l’extraction de l’huile des fruits de la palmeraie naturelle se fait selon des procédés artisanaux qui restent entièrement manuels jusque dans les années 70. Cependant, l’huile de palme béninoise reste concurrentielle sur les marchés internationaux, et les produits du palmier figurent parmi les premières recettes d’exportation béninoises. Le bilan que l’on peut dresser du secteur de l’huile de palme en 1975 est le suivant : la production des 500 000 hectares de palmiers naturels peut être estimée à 56 000 tonnes d’huile, auxquelles s’ajoutent 15 000 tonnes produites en usine à partir des 30 000 hectares de palmiers sélectionnés. La consommation intérieure, avec une population d’environ 3 millions d’habitants à l’époque, peut être évaluée à environ 27 000 tonnes. Le Bénin avait donc une capacité d’exportation de 44 000 tonnes d’huile de palme, soit plus de 60% de sa production. Tel que rappelé par un article de l’Ong Grain 11, en 2006, le gouvernement du Bénin a voulu relancer la filière palmier à huile avec l’accompagnement de l’expertise de la Malaisie. Mais la tentative a échoué pour plusieurs raisons. Les conditions climatiques optimales ne sont pas réunies pour avoir de bons rendements. Le Bénin reçoit entre 1000 mm et 1200 mm par an répartis dans la zone de production en deux saisons de pluie (donc inégalement répartis sur les 12 mois de l’année) alors que l’idéal est d’avoir en moyenne 1800 mm d’eau par an et bien répartis dans le temps. Cette situation ne favorise pas l’obtention de bons rendements de palmier à huile. Il n’y avait pas suffisamment de terres disponibles à mettre à disposition pour la promotion de la filière palmier à huile à grande échelle par les Malaisiens. De plus, il y a des effets de l’expropriation qui avait été faite pour installer des plantations industrielles dans certaines régions du pays dans le passé. D’après un expert Malaisien qui avait fait de la prospection sur place au Bénin, le sol béninois ne serait pas bien propice à la culture du palmier à huile. Les problèmes que la filière a connus après le désengagement de l’État ont affecté le bon fonctionnement des coopératives (Houin – Agamè, Hinvi et Grand Agonvy), par ricochet de tout le secteur. Ces constats sont donc à prendre en compte dans les réflexions pour la suite de la promotion de la filière palmier à huile au Bénin. Avec les orientations de politique agricole en cours au Bénin depuis 2016, la filière palmier à huile a toujours retenu l’attention du gouvernement et des acteurs du secteur agricole. Ceci est tellement évident que dans les plans de développement agricoles élaborés pour les pôles de développement agricoles 5, 6 et 7, la filière palmier à huile figure parmi les filières à promouvoir. Dans le Pôle 6, le palmier à huile est la filière prioritaire dans le sous-secteur agriculture. Dans les pôles 5 et 7, le palmier à huile est considéré comme une filière de diversification et est inscrit au Pdap comme telle avec plusieurs activités planifiées.
Mise en place de l’Interprofession
Les producteurs de palmier à huile du Bénin s’engagent pour la restructuration de leur filière. Ils ont depuis l’année dernière un creuset fédérateur dénommé : cadre de concertation des producteurs de palmier à huile du Bénin (Ccpph). Ce cadre a été porté sur les fonts baptismaux, en novembre dernier, à Porto-Novo. Deux autres organes ont été mis sur pied. Il s’agit d’un conseil d’administration et d’un conseil de surveillance qui vont travailler aux côtés du Ccpph pour la promotion et le développement de la filière. L’assemblée générale constitutive a regroupé les deux acteurs clés de la filière à savoir les délégués des coopératives d’aménagement rural (Car) et des producteurs de palmier à huile. Les participants sont venus des six départements de production de palmier à huile que sont le Plateau, l’Ouémé, le Zou, le Mono, le Couffo et l’Atlantique.
Ce creuset permettra, selon plusieurs acteurs, de fédérer les énergies, d’établir les complémentarités et de rationaliser les ressources humaines, matérielles et financières afin de mieux répondre aux préoccupations communes des producteurs. « C’est non seulement un cadre de dialogue et de gouvernance participative, mais également un acteur qui est appelé à animer la dynamique de l’Interprofession pour un meilleur fonctionnement de la filière », a précisé Abdoulaye Toko directeur adjoint de cabinet du ministère de l’agriculture. Il a rappelé aux membres de ce cadre de concertation les prochains défis et enjeux de développement de la filière dont surtout la mise en place de l’Interprofession. Le palmier à huile occupe une place de choix dans les priorités du gouvernement pour le secteur agricole. Madeleine Lafia Mora, directrice générale de l’agence territoriale de développement agricole (Atda), pôle 6, qui a le lead de la coordination de la filière au niveau national, indique que la tenue effective de l’assemblée générale constitutive marque la fin d’un long processus. Elle précise que ce cadre se veut l’antichambre qui va conduire vers l’interprofession de la filière.
Des chiffres
Selon des études récentes, la filière palmier à huile regorge plusieurs produits et sous-produits commercialisés au Bénin et vers le Nigéria. Ainsi, elle dispose de plusieurs chaînes de valeurs. Mais les produits phares sont l’huile de palme, l’huile palmiste et l’alcool de vin de palme. Cependant, la graine germée pour l’export, les plants pour l’export et les savons dérivés de l’huile de palme pour le marché national sont aussi non négligeables. Le palmier à huile produit en moyenne 10 tonnes de fruits à l’hectare à l’âge adulte (entre 9 et 20 ans), loin devant plusieurs autres oléagineux comme le soja et le tournesol. Ce rendement de fruits permet d’avoir, en plus des 3,74 tonnes d’huile de palme par hectare, 0,4 tonne d’huile de palmiste et 0,4 tonne de tourteau de palmiste. Le tourteau de palmiste est largement utilisé dans le secteur de l’énergie et de l’alimentation animale. L’huile de palmiste est un ingrédient largement utilisé sur le marché des soins corporels.
En mettant en marche le programme national de développement de la filière palmier à huile, le gouvernement du Bénin veut accompagner les acteurs de cette filière à reprendre l’entier contrôle de la production d’huile de palme. Et pour un meilleur rendement, il faut une amélioration qualitative des plants de semence. Bien qu’on puisse trouver beaucoup de différences dans les méthodes de production de l’huile de palme, d’un pays à l’autre, mais aussi dans chaque pays, il est possible de rendre plus productifs les plants. Cette amélioration passe par la performance de la filière palmier à huile avec l’installation d’au moins 25 000 nouveaux hectares, l’amélioration d’au moins 20 % du rendement moyen en cette année 2025 et l’amélioration de la transformation par la raffinerie et la savonnerie pour la satisfaction du marché national, voire régional. La vision du gouvernement pour l filière est que d’ici 2030, le niveau de vente de l’huile de palme, de l’huile de palmiste et des savons dérivés produits selon les normes de durabilité au Bénin s’accroisse de 50 % sur le marché national et dans la sous-région ouest-africaine. Pour le ministre Gaston Dossouhoui, il est temps qu’au Bénin, le palmier à huile renaisse de ses cendres et retrouve pour le bonheur de notre économie.
L’huile de palme, un allié pour la peau et la santé
L’huile de palme, également appelée Elaeis guineensis, provient de la chair du fruit du palmier à huile. Contrairement à l’huile palmiste, issue du noyau du fruit, l’huile de palme est plus largement utilisée. Sa teneur en bêta-carotène lui confère une couleur rouge caractéristique. Elle occupe une place prépondérante dans divers secteurs. Selon des experts, elle représente 80 % des huiles en agroalimentaire et 24 % dans les cosmétiques. Malgré les débats autour de ses effets sur la santé, l’huile de palme possède des propriétés bénéfiques souvent sous-estimées. Grâce à sa richesse en vitamines A et E, l’industrie cosmétique apprécie l’huile de palme pour son rôle hydratant et anti-âge. Les nutritionnistes s’accordent également à dire que la consommation modérée d’huile de palme peut avoir des effets positifs sur le système immunitaire. Le tocotriénol, un composant de la vitamine E, préviendrait certains cancers et protégerait les cellules du cerveau.
Des acides gras
Si l’huile de palme est souvent pointée du doigt pour sa teneur en acides gras saturés, elle reste moins saturée que l’huile de coco. Cette dernière en contient jusqu’à 90 %. Les spécialistes de la nutrition privilégient souvent l’huile d’olive, d’arachide ou de soja, qui contiennent moins de 20 % d’acides gras saturés. Certains experts recommandent d’alterner différents types d’huiles pour équilibrer les apports en graisses.
Sergino Lokossou