Mardi 3 juin 2025, Jacques Ayadji, ministre conseiller aux Infrastructures et au cadre de vie, a tenu une conférence de presse à Cotonou. L’autorité a jugé nécessaire d’éclairer l’opinion publique sur plusieurs dossiers majeurs liés aux infrastructures nationales, sujets à polémique ces derniers jours. Du coût, de l’Assemblée nationale aux marchés publics, en passant par les pistes frontalières et le mythe des « 1 200 milliards » prétendument laissés par le gouvernement défunt, le ministre conseiller a apporté des précisions visant à déconstruire les « contre-vérités ».
Au cœur des débats récents, le coût de la construction du siège de de l’Assemblée nationale a été particulièrement abordé. Le ministre conseiller Jacques Ayadji a d’emblée clarifié la stratégie du gouvernement, contrastant avec l’approche de l’ancien régime. « Contrairement à l’ancien régime, nous n’avons pas attribué tous les marchés au même moment », a-t-il affirmé, soulignant une gestion «phase par phase». La première phase, relative au gros œuvre, a été réalisée en 2023 par l’entreprise Csce pour un montant de 27 milliards de francs Cfa. Le ministre conseiller a précisé que les travaux de gros œuvre sont aujourd’hui achevés. La seconde phase, confiée à l’entreprise Diopcontractor pour 29 milliards de francs Cfa, est actuellement en cours. C’est le taux d’avancement de cette seconde phase qui aurait été «malencontreusement» attribué au lot du gros œuvre, alimentant ainsi la polémique sur un coût prétendument exorbitant de 78 milliards de francs Cfa. Jacques Ayadji a été catégorique : « Ce projet de l’Assemblée nationale n’a pas coûté 78 milliards, même si le coût objectif est cela ». Il a précisé que 59 milliards de francs Cfa ont été engagés à ce jour. Ne restent que le mobilier, la sonorisation et l’éclairage, qui feront l’objet d’un marché distinct.
Pistes frontalières non autorisées : une question de souveraineté et de sécurité
Le second point abordé concernait les «infrastructures de contre-mobilité» sur les pistes frontalières non autorisées, dont la fermeture a suscité des réactions. Le ministre conseiller a tenu à déconstruire l’idée selon laquelle les populations seraient habilitées à connecter le pays aux pays voisins. « Ce n’est pas le cas, c’est un domaine régalien », a-t-il martelé, rappelant que « l’État décide des frontières par décret ». Le décret en vigueur, datant de 2001, est clair : « Toutes les pistes utilisées frauduleusement pour rallier les pays voisins sont fermées. Cette mesure est justifiée par la nécessité de garantir la sécurité nationale, impliquant la présence de la Police et de la Douane pour contrôler les entrées et les sorties ». Reconnaissant que d’aucuns insinuent que ces fermetures sont liées à la spéculation sur les produits vivriers, le ministre a concédé : « Je ne peux pas nier que ce n’est pas dedans, c’est également une raison parce qu’il y a une interdiction d’exportation ».
Passation des marchés publics : rapidité et performance privilégiées
Jacques Ayadji a également abordé la question de la passation des marchés publics et le débat sur le coût au kilomètre des infrastructures routières. Il a expliqué que le gouvernement a expérimenté deux approches : l’appel d’offres ouvert et l’entente directe. Critiquant la lenteur des appels d’offres ouverts : « Vous pouvez démarrer une procédure et c’est des années après que vous retenez l’entreprise », le gouvernement a opté pour l’entente directe afin d’accélérer la réalisation des projets. Le ministre conseiller a toutefois souligné que cette approche ne signifie pas s’adresser à une seule personne. « On challenge plusieurs entreprises en capacité de faire le travail et on prend la meilleure parmi elles », a-t-il assuré, rejetant l’idée qu’un marché par entente directe est forcément plus cher. Des «coûts objectifs» sont établis et les entreprises sont évaluées en conséquence.
Quid des supposés 6 milliards de FCfa par km de route ?
Concernant le prétendu coût de 6 milliards de francs Cfa par kilomètre de route, le ministre conseiller a jugé cette donnée «pas pertinente». Il a présenté un échantillon de 38 projets routiers pour montrer que ce chiffre ne correspond pas à la réalité. Il a par ailleurs détaillé la structure des chaussées actuelles, justifiant ainsi des coûts «conséquents» pour des infrastructures de qualité.
Le mythe des « 1200 milliards » : des clarifications apportées
Enfin, le ministre conseiller est revenu sur la persistante polémique des « 1200 milliards de francs Cfa » prétendument laissés par l’ancien régime et utilisés par le gouvernement actuel. Une affirmation qu’il a qualifiée de «gênante» et qui, selon lui, explique «un niveau d’analphabétisme» d’une partie de la population. Il a longuement expliqué un processus initié par l’État béninois à l’époque, qui, faute de moyens, avait missionné des entreprises pour mobiliser des financements sur le marché financier afin de construire des routes. Le remboursement par l’État devait se faire ultérieurement, mais une condition essentielle n’a pas été remplie : la remise de la garantie souveraine de substitution. Ce document, par lequel l’État se substitue à l’entreprise emprunteuse une fois l’ouvrage réceptionné, n’a jamais été fourni par le ministre des Finances de l’ancien régime. « De pertes de temps en pertes de temps, l’ancien régime est parti et le nouveau régime est arrivé », a expliqué Jacques Ayadji. Le gouvernement actuel, sous la houlette du président Patrice Talon, a refusé de donner ces garanties de substitution, estimant qu’avec 1200 milliards, «on ne peut pas tout investir dans la route». En somme, le ministre conseiller a conclu sans équivoque : « Il n’y a pas eu de 1200 milliards laissés par un régime que quelqu’un a utilisé ». Cet argent n’a « jamais été mobilisé » faute de la garantie nécessaire.
Karol B. Sékou (Coll)