Le débat sur la création ou non d’une nouvelle République au Bénin, subséquemment à la révision constitutionnelle intervenue en 2019, agite depuis quelques jours, l’opinion publique. Il remet sur le tapis la possibilité d’une éventuelle candidature de Patrice Talon à la Présidentielle de 2026. Face à la confusion qui s’installe dans les esprits, l’ancien ministre Christian Enock Lagnidé, a saisi, le 27 janvier 2025, la Cour constitutionnelle d’une requête, aux fins d’avoir l’éclairage de la Haute juridiction sur le sujet.
En dépit des nombreuses clarifications du gouvernement, la question d’un éventuel troisième mandat du président Patrice Talon, polarise le débat public. Les citoyens et analystes qui postulent pour cette thèse, s’adossent sur une constance : la mouture de la Constitution révisée en 2019 qui, au regard des modifications intervenues, font conclure à l’instauration d’une nouvelle République. Des appréhensions mises en exergue par le requérant Christian Enock Lagnidé qui s’appuie sur trois faits majeurs : le changement de l’agenda électoral lors de la Présidentielle de 2021, suivi de l’absence d’une passation de service entre un président sortant et un président élu à la fin du mandat constitutionnel ; le changement fondamental de la forme de l’institution présidentielle désormais structurée autour d’un président et d’un vice-président élus conjointement, comme ce fut le cas lors de la Présidentielle de 2021; la modification de la durée du mandat des députés, passée de quatre (04) à cinq (05) ans, et l’application de ces dispositions aux élections législatives de janvier 2023. Pour Christian Lagnidé, ces modifications majeures intervenues dans la Constitution semblent conforter les artificiers d’un troisième mandat dans leur postulat visant à susciter ou soutenir la possibilité d’une candidature de Patrice Talon en 2026. Pour l’ancien ministre du gouvernement de Feu Mathieu Kérékou, « ces affirmations soulèvent des interrogations juridiques majeures, et il est essentiel que la Cour, en sa qualité de gardienne de la Constitution, examine lesdites déclarations afin de m’éclairer et de situer l’opinion nationale sur leur portée et leur validité ». Ainsi, la Cour constitutionnelle, à l’examen de ce recours devra répondre à deux questions essentielles : Le Bénin est-il dans une nouvelle République depuis 2019 ? Le président Patrice Talon peut-il être candidat à l’élection présidentielle de 2026 ? Face à ces questionnements, l’opinion publique reste perplexe au regard de la tournure que prend le débat sur ce sujet capital qui engage l’avenir du pays.
Des assurances certes mais le flou persiste
La requête de l’ancien ministre Christian Enock Lagnidé remet sur le tapis, la question de la portée des modifications introduites dans la Constitution en novembre 2019. Au regard de certaines dispositions de la Constitution, le débat de la nouvelle République semble pourtant, déjà tranché. En effet, aux termes des dispositions de l’article 2 de la loi fondamentale, le constituant de 2019 a clairement indiqué que « La présente loi constitutionnelle portant révision de la Constitution, n’établit pas une nouvelle Constitution ». Un raisonnement par analogie de cette disposition amène à conclure que la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019 portant révision de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution en République du Bénin, pour n’avoir pas touché aux fondamentaux de l’ancienne Constitution, n’établit pas une nouvelle République. Dès lors, la seconde préoccupation soulevée par le requérant est sans objet. Déjà, la Constitution du 7 novembre 2019 a prévu une disposition qui rend inopérante, toute velléité de candidature d’un président de la République qui a bouclé deux mandats à la tête du pays. C’est l’article 42 nouveau qui énonce ce verrou en prévoyant qu’ « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la république ». Une disposition que s’est employé à rappeler le porte-parole du gouvernement pour battre en brèches toute intention de prolongation de bail présidentiel prêtée au président Patrice Talon. Dans tous les cas, les regards restent tournés vers les sept sages de la Cour constitutionnelle qui sont appelés, à définitivement trancher ce débat.
Gabin Goubiyi