Le procès de Steve Amoussou, accusé d’être l’entité virtuelle « Frère Hounvi », a connu un nouveau rebondissement ce lundi 10 mars 2025. La session, marquée par des débats houleux entre la défense et le parquet spécial, a été renvoyée au 7 avril 2025 pour la continuation des échanges.
À 15h23, après une pause, les juges de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ont repris l’audience. Steve Amoussou, qui attendait patiemment depuis le matin, a répondu à l’appel du président de la Cour. Toutefois, le juge a d’abord proposé de renvoyer l’audience pour les réquisitions et plaidoiries, arguant que les débats avaient déjà eu lieu. Cette suggestion a été immédiatement contestée par la défense, notamment par Me Julien Togbadja, qui a insisté sur le fait qu’aucun débat n’avait encore eu lieu. Après des échanges tendus avec le parquet spécial, l’audience a pu reprendre.
Steve Amoussou, présenté comme le présumé « Frère Hounvi », a pris la parole pour répondre aux questions de la Cour. Interrogé sur sa supposée gestion des chroniques et de la page Facebook « Frère Hounvi », le prévenu a affirmé n’avoir jamais vu les vidéos qui circulaient à son sujet. Il a expliqué qu’au moment de son défèrement, le procureur spécial l’avait interrogé à ce sujet, mais qu’il n’avait pas eu accès aux vidéos en question.
Concernant la page Facebook « Frère Hounvi », Steve Amoussou a nié en être l’administrateur. « Je ne sais pas exactement qui est l’auteur de cette page », a-t-il précisé, ajoutant que ceux qui suivent la page sont des contributeurs partageant des réflexions sociopolitiques. Il a également nié avoir mené une quelconque activité sur les réseaux sociaux depuis son incarcération, précisant qu’il n’avait pas accès aux médias.
Les débats ont ensuite porté sur des questions relatives à la limite de la liberté d’expression. Le procureur a interrogé Steve Amoussou sur ses liens avec Olivier de Montaguère et Ferréol Akuesson, deux collaborateurs présumés qui risquent cinq ans de prison pour cybercriminalité. Il a confirmé les connaître, mais a nié qu’ils aient travaillé pour lui.
Un moment clé de l’audience a été la réponse de Steve Amoussou à la question du procureur concernant son identité en tant que « Frère Hounvi ». Le prévenu a réaffirmé que « Frère Hounvi » n’était qu’une entité virtuelle, un avatar, et non une personne réelle. « Si j’avais eu l’honneur d’être Frère Hounvi, je l’aurais assumé », a-t-il ajouté. À la remarque du procureur, qui soulignait l’absence de nouvelles chroniques depuis son arrestation, Steve Amoussou a rétorqué : « Le contraire de la violence, ce n’est pas la douceur, mais la pensée. »
Le procureur a également interrogé Steve Amoussou sur son départ du Bénin et son installation à Lomé, après avoir été menacé pour son rôle dans les critiques contre le régime. Steve Amoussou a expliqué qu’il avait quitté le pays à cause de ces menaces et qu’il était entré en clandestinité.
Les échanges ont pris une tournure plus philosophique lorsque le procureur spécial a demandé si Steve Amoussou considérait qu’il y avait des limites à la liberté d’expression. Le prévenu a répondu en affirmant qu’il existait des libertés à limiter, précisant qu’il respectait la loi fondamentale du pays tout en restant fidèle à ses opinions politiques.
La tension a monté d’un cran lorsque la défense a critiqué les questions du parquet, qualifiées de « philosophiques ». Me Aboubacar Baparapé a demandé à ce que les débats continuent sans digressions sur la philosophie. Le procureur spécial a répliqué que ces questions faisaient partie du dossier, exacerbant ainsi la tension dans la salle d’audience.
À la fin de la séance, les avocats de la défense ont soulevé des doutes sur la légitimité des poursuites. Ils ont contesté la base de l’accusation, arguant que la personne poursuivant Steve Amoussou n’était toujours pas identifiée. Un avocat a même suggéré que si les chroniques de « Frère Hounvi » étaient condamnées, il faudrait aussi interdire l’hymne national, dans un élan de dénonciation de la répression.
L’audience a finalement été suspendue, et les débats reprendront le 7 avril 2025 pour continuation.
Léonce Adjévi