(L’homme visiblement rattrapé par ses vieux démons)
L’ex-leader des Tchoco Tchoco, Adrien Houngbédji, a donné de la voix le dimanche 2 février 2025 depuis Adjinan à Porto-Novo. Au détour d’une cérémonie d’échange de vœux avec les militants de l’ancien Parti du renouveau démocratique (Prd), le renard d’Adjinan, pourtant membre de la majorité présidentielle, est sorti de ses gonds pour s’en prendre vertement à la gouvernance Talon et plaider pour le retour des exilés et la libération des prisonniers dits politiques.
« Ce qui me préoccupe, ce sont les principes. Il ne faut pas qu’un jour, lorsque quelqu’un rentre par la droite, d’autres sortent par la gauche. Il faut que nous restions toujours rassemblés pour construire ensemble le pays. Donc, ma conviction forte, c’est que les prisonniers politiques, il faut les sortir. Ma conviction forte, c’est ceux qui sont en exil, qu’il faut qu’ils reviennent. ». Ce sont là quelques extraits des propos tenus par Adrien Houngbédji devant une poignée de militants de son ancienne formation politique, le Prd, réunis autour de lui en son domicile, pour une cérémonie de présentation de vœux. Depuis lors, ces propos agitent l’opinion et donnent lieu à une flopée d’interrogations. En effet, tout porte à croire que c’est seulement maintenant que l’homme d’Etat et acteur politique dont le pédigrée inspire respect, vient de découvrir la situation des exilés et prisonniers dits politiques, une réalité pourtant connue et dénoncée depuis plusieurs années. Pourquoi ce réveil tardif du leader des Tchoco-Tchoco au lendemain du verdict du procès relatif à l’affaire dite d’ »atteinte à la sûreté de l’Etat » et à quelques encablures des prochaines joutes électorales ? Depuis quelques années, des voix ne cessent de s’élever pour dénoncer des pratiques jugées liberticides et exclusives dans le paysage politique béninois. Pendant ce temps, Houngbédji, l’un des acteurs majeurs de la scène politique nationale, s’est muré dans un silence de cimetière, donnant l’impression de ne pas être préoccupé par les sonnettes d’alarme tirées çà et là. Mieux, sa formation politique, le Parti du renouveau démocratique (Prd), s’est même rallié à l’Union Progressiste Le Renouveau depuis 2022. Ce qui a permis au parti, d’avoir quelques députés qui ont participé à la révision, en mars 2024, du Code électoral. Or, depuis lors, ce texte est critiqué de toutes parts et taxé d’exclusif et de conflictuogène. Dès lors, l’on est en droit de se demander, ce que signifie ce changement de ton à la limite suspect ? Cette posture est-elle sincère ou s’agit-il d’une stratégie politique dictée par les circonstances ? A l’évidence, tout porte à croire que cette prise de conscience tardive relève davantage d’une tentative de repositionnement que d’un véritable sursaut d’intégrité.
Un éternel destin d’opposant
Au fil des années, Adrien Houngbédji s’est forgé, dans la mentalité collective, l’étiquette d’un acteur politique instable, notamment par ses choix stratégiques. L’exemple de 1996 reste marquant : une décision qui a brisé son rêve présidentiel, compromis l’avenir politique de ses partisans et retardé le développement de Porto-Novo et autres bastions électoraux acquis à son ancienne formation politique. Cette trajectoire l’a contraint à une opposition quasi-permanente depuis la création de son parti. Aujourd’hui, ses critiques envers le régime en place, alors que plusieurs cadres du Prd occupent des postes de responsabilité au sein de la majorité présidentielle, illustrent une posture ambiguë. Il semble être un soutien accablant, oscillant entre opposition et collaboration, mais son destin politique semble naturellement inscrit dans une logique d’opposition permanente. En somme, Adrien Houngbédji, par ses récentes déclarations, met en lumière une incohérence flagrante. Ce soudain intérêt pour les exilés et prisonniers politiques ressemble davantage à une opération de communication qu’à un engagement profond. Une posture qui ne manquera pas d’interpeller ceux qui, depuis longtemps, réclament justice et démocratie au Bénin.
Abdourhamane Touré