Plus d’une semaine après l’accident survenu à Dassa-Zoumè au Bénin, l’opinion publique continue d’en tirer les grandes leçons. En fonction des diverses croyances, plusieurs approches de solutions sont proposées pour venir à bout du phénomène.
L’accident survenu à Dassa-Zoumè au Bénin le dimanche 29 janvier 2023, a sonné le réveil sur un phénomène qui ne cesse, chaque jour que Dieu fait, d’emporter des vies. Le diagnostic le plus plausible fait par rapport au mal est l’incivisme de la population, en l’occurrence des usagers de la route qui foutent royalement au pied, les règles prescrites par le Code de la route. Ce diagnostic n’apporte en réalité aucun élément nouveau car il est de notoriété publique que les usagers de la route, notamment les motocyclistes, conduisent mal. Quoique plus exposés à la mort, ils sont ceux qui prennent plus de risque sur les voies notamment en abandonnant leur couloir, la piste cyclable pour emprunter la chaussée réservée aux engins à quatre roues et plus. Ils restent la plus grande équation à résoudre même si les accidents de voiture sont également monnaie courante et polarisent plus les attentions. Ce qui a conduit les autorités à initier une panoplie de réformes pour limiter le drame. La réforme du permis de conduire est le premier remède que le gouvernement s’est trouvé pour inverser la courbe des accidents routiers. L’épreuve du code de l’examen du permis de conduire a été dématérialisée. Les compositions de l’épreuve de code se font à partir d’une application web sur un smartphone. Cette réforme révèle l’ambition du gouvernement de faire du Bénin une plateforme de services numériques en Afrique. Depuis lors, les candidats n’ont plus besoin de trimbaler papiers et stylos pour passer l’épreuve. Avec leur doigt et un smartphone, ils sélectionnent les bonnes réponses et les soumettent. Les résultats sont affichés instantanément, ce qui garantit une transparence totale dans la composition de cette épreuve. Cette réforme de l’Agence nationale des transports terrestres (Anatt) a le mérite de lutter efficacement contre les fraudes constatées dans l’organisation de l’examen du permis de conduire. Cette réforme qui a sensiblement limité la délivrance frauduleuse du précieux sésame aux postulants, est déjà un pas important même si la grande équation reste d’abord et avant tout les infrastructures routières et l’excès de vitesse dans lesquels s’illustrent les chauffeurs visiblement trop pressés de rejoindre le monde de l’au-delà. Par ailleurs et en dépit des réformes, beaucoup trouvent le mécanisme de contourner les règles et les dispositions, ce, en complicité avec les agents en charge de la règlementation. Une triste réalité qui plombe les efforts de part et d’autre.
Un phénomène aux fondements spirituels et sociologiques
Le drame survenu dimanche 29 janvier 2023 et qui a plongé dans le deuil, l’émoi et la consternation plus d’une vingtaine de familles n’est pas anodin. C’est du moins ce que pensent les dignitaires du fâ et autres adeptes de la tradition. Invité à se prononcer sur le sujet sur une émission, samedi 4 février 2023, le président de la Confédération nationale des cultes endogènes du Bénin, le Professeur David Koffi Aza a confié que le Sa-Tchè, signe révélé par le Tofa lors de la consultation publique du 4 décembre 2022, avait prédit des accidents au cours de l’année 2023. Malheureusement, regrette le dignitaire, aucune disposition n’a été prise pour parer au pire. « Les recommandations du fâ n’ont pas été suivies » dénonce le dignitaire qui révèle que Dassa-Zoumè abrite la divinité Gou, une divinité dont la révélation lors du Tofa augure de drames et d’actes malheureux. « Pour éviter ces situations lugubres à notre pays, surtout en matière d’accident, le Fâ avait recommandé de mettre à contribution la divinité Gou. Ce Gou, on l’a cherché partout au Bénin. Finalement, on l’a trouvé à Dassa-Zoumè », a-t-il déclaré en ajoutant que cette divinité est érigée à quelques dizaines de mètres du lieu de l’accident. « On avait demandé à ceux qui sont dans la zone et à ceux qui ont les moyens de s’associer aux dignitaires de ce Gou pour procéder aux sacrifices. Malheureusement, jusqu’à l’heure où je vous parle, rien n’a été fait en sa direction », s’est désolé le professeur du Fâ. A l’en croire, seuls des sacrifices en bonne et due forme, permettront de conjurer le mauvais sort, sans quoi, le spectre restera menaçant.
Les autorités étatiques indexées
Cette approche est confirmée sur un autre média par Dah Mèhou Rabbi Tan qui a recommandé aux autorités étatiques de se rapprocher des « bokonon » pour les rituels idoines à faire pour vaincre le mal. « Il faut que le gouvernement envoie des émissaires pour qu’ensemble avec les bokonon, l’on puisse voir ce qu’il y a lieu de faire pour que le pays se porte bien. Il est important de prendre au sérieux les révélations du Fa pour que le pays se porte bien. Qu’on le veuille ou non, nous sommes un pays vodoun. C’est notre identité spirituelle mais malheureusement, nous sommes en train de le banaliser aujourd’hui. Nos gouvernants doivent prendre conscience de cette réalité » a laissé entendre le dignitaire qui a plaidé pour que le gouvernement mette la main à la poche pour que les sacrifices recommandés puissent être faits.
L’église et l’Uib prescrivent la prière et le jeûne
La prière et les messes sont les deux remèdes que propose l’église catholique suite au drame de Dassa-Zoumè. Dans une adresse à la communauté catholique en date du 30 janvier 2023, les évêques du Bénin après avoir exprimé leur compassion aux familles éplorées, « prient pour un prompt rétablissement des personnes grièvement blessées et demandent que les dispositions soient prises sur toutes les paroisses du Bénin, dès réception du présent message, afin que des messes soient célébrées pour la béatitude éternelle des victimes ». L’Union islamique du Bénin s’est inscrite dans le même registre. Dans un communiqué signé de son Secrétaire général, l’Imam Abdoul Jalili Yessoufou, elle « invite les fidèles musulmans ainsi que les frères et sœurs en humanité à la prière et au jeûne, surtout en ce mois sacré de Rajab, afin qu’Allah protège davantage le Bénin, l’Afrique et le monde. A l’endroit du gouvernement et de toutes les structures en charge de la sécurité des personnes et des biens, l’Uib reste solidaire du renforcement des actions tendant à réduire considérablement les accidents sur les axes routiers. Enfin, face à cette dure épreuve, l’Uib invite les uns et les autres à faire preuve de patience en acceptant le verdict divin. Puissions-nous nous inspirer de la foi des pieux prédécesseurs qui, quand un malheur les frappe disent : C’est à Allah que nous appartenons et c’est vers Lui que nous retournerons ».
De profondes réformes annoncées par le gouvernement
Depuis la survenue du carnage de Dassa-Zoumè, le gouvernement n’est pas resté inactif. Il fait preuve d’une sensibilité exemplaire. Une série de mesures ont été prises pour soulager les familles des victimes et prendre soin, dans les meilleures conditions, des rescapés du drame. Face à cet accident de trop, le gouvernement a, au cours de son conclave du mercredi 1er février 2023, envisagé une batterie de mesures. Il s’agit de mesures structurelles qui sont variées et multidimensionnelles car elles partent des dispositions législatives et réglementaires au renforcement des équipements des sapeurs-pompiers et de la Police républicaine à savoir les principales casernes de sapeurs-pompiers de l’intérieur du pays qui seront dotées en matériels adéquats pour faire efficacement face aux sinistres en cas de besoin, l’intensification des contrôles routiers par un déploiement important de policiers et la dotation des agents de police de caméras et micros. Le gouvernement a en outre envisagé des mesures de prévention routière notamment l’observance stricte des règles du code de la route, de l’intensification et de la généralisation du contrôle de vitesse sur tous nos axes routiers. Dans la même veine, le gouvernement a envisagé la nécessité de renforcer les mesures de sécurité routière et d’accélérer les réformes en cours dans le sous-secteur du transport routier, notamment la professionnalisation du métier de transporteur, la règlementation sur la qualité du parc automobile avec des véhicules répondant aux normes, la transmission à l’Assemblée nationale, dès l’installation de la 9ème Législature, du projet du nouveau code déjà examiné par le gouvernement, l’adoption prochaine de la politique nationale de sécurité routière.
Gabin Goubiyi