Depuis son avènement au pouvoir en 2016, le président Patrice Talon a opéré une série de réformes dans plusieurs secteurs dont celui de la justice. Ces réformes, quoique diversement appréciées, visent selon le Garde des sceaux, Yvon, Détchénou, à assurer une bonne administration de la justice. Il a décliné cette approche à la faveur de la rentrée solennelle du Barreau, vendredi 29 novembre 2024.
La justice est inéluctablement l’un des secteurs qui, à l’avènement du régime du nouveau départ, présentait un besoin pressant de réformes. Avant 2016 en effet, le secteur de la justice était en proie à paralysie quasi-permanente des juridictions due aux grèves intempestives et répétitives à la limite du chantage syndical. D’un autre côté, il y avait la corruption qui s’était quasiment généralisée au niveau des magistrats. Au niveau des greffes, il y avait une sorte d’affairisme qui était développée avec un racket des justiciables. A cela, s’ajoute une extrême lenteur dans l’examen des dossiers et la délivrance des actes. Il y avait également un sous-effectif au niveau du personnel judiciaire, en particulier les magistrats (défauts de quantité, de bureaux), vétusté des locaux et des installations et surtout une gestion calamiteuse des contentieux de l’Etat qui se soldaient le plus souvent par des condamnations, à la limite, scandaleuses puis, une forme d’instrumentalisation de la justice dans un certain nombre de dossiers. Pour le Garde des sceaux, ce tableau n’était guère reluisant et il fallait agir avec courage. Opérer des réformes selon Yvon Détchénou « est une nécessité pour garantir l’avènement de réformes adéquates d’un système judiciaire moderne, accessible et efficace. ». Le ministre de la justice estime que chaque réforme comportant son lot de complexités, et qu’il faut s’y adapter pour garantir qu’elle ne porte atteinte à l’équilibre sur lequel repose la justice. L’adaptation de son point de vue, est l’introspection requise de chaque acteur de la justice pour savoir dans quelle mesure les réformes judiciaires peuvent améliorer le processus judiciaire et le système judiciaire, de même que les bonnes pratiques. Les réformes dans le secteur justice touchent à la fois à l’organisation des usagers de la justice, l’adéquation des procédures, la disponibilité des outils, formation des acteurs, l’adaptation aux nouveaux défis de notre contexte sociétal. Pour Yvon Détchénou, les enjeux des réformes sont variés et sont interconnectés. Ils concernent aussi bien l’accès à la justice, l’intégrité des institutions, la gestion des conflits, la préservation des droits humains que l’efficacité du service public. L’efficacité du service public de la justice évoque la capacité de la justice à répondre aux besoins des usagers. Il s’agit d’accentuer le travail, notamment sur le traitement avec des délais raisonnables des procédures judiciaires. Réduire le délai de traitement des affaires tout en améliorant la qualité des décisions est une nécessité et pour le garde des Sceaux, « Il s’agirait également d’accentuer l’accessibilité et la transparence. Un système judiciaire efficace doit permettre aux citoyens d’accéder facilement à l’information sur le suivi de leurs affaires, la compréhension des démarches nécessaires et l’obtention rapide des décisions prises. » a-t-il laissé entendre.
Des défis
Les défis des réformes sont principalement liés à la dématérialisation dans une dynamique d’accélérations des procédures. Sur ce volet, le ministre de la justice invite les acteurs et professionnels à intégrer les nouvelles pratiques. « L’instauration des échanges hors audience d’écriture, l’instauration des conclusions récapitulatives sur lesquelles nous avons travaillé, nous semblent être de nature à rationaliser les conclusions et à les rendre plus visibles et utilisables par le juge en phase de jugement, en phase de délibération. » a-t-il soutenu. A l’en croire, par la production d’une synthèse de moyens de prévention des échanges antérieurs, se concrétiseraient les conclusions récapitulatives par des échanges. Ce qui aiderait à éviter que le juge soit confronté à une pile de considérants et de considérations diverses, voire d’écriture qu’il doit mettre bout à bout dans le temps pour pouvoir réconcilier, retracer les discussions avant d’avoir la compréhension et d’entrer en qualification et en jugement. « Cette réalité que nous n’observons pas, que nous ne constatons pas dans notre exercice, freine de beaucoup le travail des magistrats et a une incidence directe sur l’efficacité de la justice et les délais. » a déploré le ministre pour qui il importe de travailler à fluidifier les échanges, surmonter les obstacles matériels, l’absence de ressources humaines et des coûts de service, en dématérialisant certaines procédures et en mettant la possibilité à tout chacun d’avoir l’information judiciaire en temps réel.
La contribution des professionnels de la justice attendue
Au nombre des griefs faits aux réformes, figure la non-implication des professionnels de la justice. Un constat relevé d’ailleurs par le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Angelo Hounkpatin. Tout en ne réfutant pas tout de go, cette appréhension des choses, le garde de Sceaux, invite les uns et les autres à jouer leur partition. « C’est à travers votre regard critique, votre regard indépendant, votre regard libre d’esprit et constructif, même s’il prend le temps de venir avec le temps, que nous pouvons mesurer la véritable efficacité des réformes et du développement de la justice. » a laissé entendre l’ancien bâtonnier à ses confrères. Il n’a cependant pas manqué d’inviter à l’éthique. « Je voudrais simplement inviter, lorsqu’on parle de réformes, inviter à sortir de soi, se contraindre à un acte de distanciation vis-à-vis de la chose, vis-à-vis du droit, se contraindre à faire le rapport de soi avec le processus judiciaire, à mieux observer ses actions, à observer les pensées, à observer le rôle et le contexte dans lequel l’exercice professionnel se fait, étant donné que même si on se voit sous les yeux de l’altérité, c’est-à-dire sous les yeux de l’autre, on devrait encore se demander si l’autre ne vous voit pas dans une situation particulière, dans un contexte particulier, dans une aspiration qui soit conforme à ses désirs et qui n’est pas tout le temps conforme à celle que vous faites de vous-même. » a martelé Yvon Détchénou qui a indiqué que la meilleure des choses, est une recherche à la fois de ce que l’autre pense et de ce qu’on pense de soi.
Gabin Goubiyi