La décision EP 25 du 27 octobre 2025, rendue par la Cour constitutionnelle, a mis un terme définitif à la longue bataille judiciaire relative à l’invalidation du dossier de candidature du parti Les Démocrates. Ce verdict, s’il a le mérite de lever toute équivoque sur un éventuel revirement de situation, s’apparente néanmoins à un revers cinglant pour Boni Yayi, dont le leadership est aujourd’hui ouvertement remis en cause. Pour nombre d’observateurs, l’ancien chef de l’État vient de confirmer son incapacité à incarner une opposition crédible et structurée face à Patrice Talon, véritable sphinx de la scène politique béninoise.
Depuis ce 27 octobre, le sort du parti Les Démocrates est scellé : il ne participera pas à l’élection présidentielle du 12 avril 2026. La décision de la Cour constitutionnelle est sans appel, excluant de facto la principale formation d’opposition du scrutin le plus décisif de la vie politique nationale. Cette issue douloureuse anéantit les espoirs de milliers de militants et de sympathisants, mais aussi ceux de leur chef de file, Boni Yayi, qui, au fil des mois, avait parcouru les villages et hameaux du pays, promettant de restaurer l’alternance démocratique. Dans son discours prononcé lors de son plébiscite à la tête du parti en 2023, Yayi s’était voulu triomphal : « Nous avons ressoudé l’union sacrée et mis sur pied une équipe de combat, déterminée à conduire notre parti et le peuple béninois vers une victoire éclatante en 2026 », avait-il déclaré avec emphase. L’année 2026 devait ainsi constituer l’ultime épisode du duel Yayi–Talon, deux figures tutélaires qui, depuis près de deux décennies, dominent et polarisent la vie politique béninoise. Depuis la fameuse rupture autour du Programme de vérification des importations (Pvi) marquée par des accusations croisées de tentative d’empoisonnement et de coup d’État, les deux anciens alliés se livrent une guerre d’influence sans merci. Et dans cette confrontation à distance, Patrice Talon, stratège aguerri, a souvent pris l’avantage, reléguant son ancien mentor à un rôle d’opposant impuissant. En 2016, ironie du sort, Boni Yayi, contraint par la Constitution de céder le pouvoir, voit son « ennemi juré » lui succéder après une victoire éclatante sur Lionel Zinsou, le candidat qu’il soutenait.
La descente aux enfers d’un ancien président
À peine son mandat achevé, Boni Yayi connaît une succession de revers et d’humiliations politiques. Celui qui avait promis de se retirer pour se consacrer à la vie spirituelle, choisit finalement de replonger dans l’arène politique, mû par une blessure d’orgueil que dissimule mal sa ferveur religieuse. Dès lors, il multiplie les sorties virulentes contre le régime Talon et annonce, bravache, son retour en force. À la veille des Législatives de 2019, il promettait encore de reconquérir le Parlement et d’en « assurer les premiers rôles ». Mais la réalité du pouvoir en place eut tôt fait de le ramener à la raison : son parti, les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), est exclu du scrutin, pour défaut de certificat de conformité et lui-même se retrouve assigné à résidence durant cinquante-deux jours, soupçonné d’être à l’origine des violences électorales. En 2021, nouvel échec : faute de parrainage, Les Démocrates ne peuvent présenter de candidat à la présidentielle. Pis, sa protégée et proche collaboratrice Reckya Madougou est arrêtée, puis condamnée par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) à 20 ans de réclusion et 50 millions de francs Cfa d’amende, pour complicité d’actes terroristes. Cette affaire, qui émeut une partie de l’opinion publique, consacre l’impuissance politique de Boni Yayi et son isolement grandissant.
2026 : un tournant mal négocié
Malgré cette succession d’échecs, l’ancien président ne renonce pas. Il place tous ses espoirs dans la présidentielle de 2026, censée marquer la fin du second mandat de Patrice Talon. Mais à peine la compétition s’engage-t-elle, que le parti Les Démocrates se heurte à de nouveaux obstacles : refus de parrainage, divisions internes et contestations de leadership. Le député Michel Sodjinou, membre du parti, refuse d’accorder son parrainage au ticket Renaud Agbodjo-Jude Bonaventure Lodjou, estimant que cette candidature lui a été imposée par Yayi lui-même. Cette fronde interne provoque une avalanche de recours devant la Cour constitutionnelle, lesquels sont tous rejetés. Conséquence : la Commission électorale nationale autonome (Céna) invalide définitivement le dossier de candidature du parti. Ainsi, Les Démocrates sont écartés de la présidentielle de 2026, scellant une nouvelle désillusion pour une opposition déjà éprouvée. Ce nouvel échec symbolise, au-delà des contingences politiques, le déclin d’un leader qui, après avoir incarné l’espoir d’un peuple, semble désormais condamné à errer dans les marges du pouvoir qu’il a jadis exercé avec autorité.
Gabin Goubiyi



















