Les réactions s’enchaînent après la déclaration de conformité à la Constitution du nouveau Code électoral béninois. Au nombre des personnalités à prendre la parole, le porte-parole du gouvernement. Pour Wilfried Houngbédji, « le droit a été dit par la Cour constitutionnelle de façon publique et contradictoire » à travers sa décision DCC 24-040 rendue le 14 mars 2024.
La Cour valide sur toute la ligne le Code électoral décrié par l’opposition qui est déçue. Réaction !
Wilfried Léandre Houngbédji : Le droit a été dit par la Cour constitutionnelle de façon publique et contradictoire. Le président de la République quand bien même dans le cas d’espèce, il n’avait aucune obligation de solliciter le contrôle de constitutionnalité à priori de la Cour constitutionnelle, il a jugé utile compte tenu de l’importance de cette loi de solliciter la lecture de la Cour aux fins de s’assurer que la loi qui lui est transmise pour promulgation était conforme à la Constitution de notre pays. Chacun a pu voir que pendant toute une journée, la Cour constitutionnelle a écouté les parties, a donné la parole aux représentants de l’Assemblée nationale et à celui du président de la République pour après avoir discuté en droit des prétentions des parties, conclut que les dispositions de la loi querellée étaient plutôt conformes en tout point de vue en leurs dispositions, à la Constitution de notre pays. A la fin, je pense qu’il n’y a pas à être déçu. Politiquement, peut-être mais quand on est démocrates et que l’on convient que la procédure qui s’est menée l’a été en toute transparence, en toute régularité, l’attitude du démocrate, c’est de prendre acte et de travailler sur le terrain. Je crois, la seule leçon à retenir, c’est que les députés qui ont voté ce Code électoral, nous demandent, nous acteurs publics ou particulièrement les membres des partis, d’aller travailler à se renforcer et à devenir de grands partis à envergure nationale afin de peser sur la gouvernance et le développement de notre pays.
Une loi d’exclusion, confiscation de pouvoir, on a entendu ces accusations à l’audience de la part de l’opposition, que répondez-vous ?
Ce qui est heureux, c’est que vous étiez vous-mêmes à cette audience et vous avez entendu les avocats des députés de l’opposition dire, après avoir écouté le rapport du conseiller rapporteur de la Cour constitutionnelle, que c’était un rapport pertinent même s’ils ont souhaité qu’il soit amélioré en tel ou tel aspect. Ce qui veut dire qu’en droit, il n’y a pas à redire sur la qualité du travail qui a été fait par la Cour constitutionnelle. Chacun peut observer que les dispositions nouvelles contenues dans le Code s’appliquent à tous les partis. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, les deux partis qui soutiennent le pouvoir et qui y sont représentés autant que le parti d’opposition, aucun d’eux ne remplit les conditions fixées par la loi pour enlever les sièges demain lors des consultations électorales législatives encore moins les partis qui ne sont pas à l’Assemblée nationale ; ce qui veut dire qu’à partir de maintenant, tous ces partis partent sur une même base d’égalité et qu’il leur appartient d’aller travailler sur le terrain, réussir à convaincre les populations d’adhérer à leur idéologie ou convaincre d’autres partis de se mettre ensemble avec eux pour fusionner et devenir plus grands.
Vous redoutez d’autres coups ?
Il n’y a pas à redouter d’autres coups. Le fonctionnement normal de la démocratie voudrait que ceux qui ne comprennent pas ou ne sont pas d’accord avec le contenu d’une loi puissent exercer les droits que la Constitution leur reconnait. Ce qu’il est important de retenir aujourd’hui, c’est que la Cour a constaté que la loi votée est conforme en toutes ces dispositions à la Constitution de notre pays et c’est ce que le président de la République attendait pour apposer sa signature afin de promulguer cette loi qui sera ensuite publiée au Journal officiel pour être exécutoire comme loi de la République.
Pourquoi changer les choses alors qu’on est sur le départ ?
On ne change pas les choses, on les améliore pour laisser un héritage constant à la postérité. Le président de la République a rêvé grand en 2016 à la suite des acteurs politiques qui ont rêvé aussi mais n’ont pas eu le courage d’aller au bout de leur rêve. Il a rêvé qu’on pouvait faire une réforme pertinente de notre système partisan pour faire en sorte que les micros partis qui existaient et qui n’étaient pas viables par le jeu des regroupements deviennent de gros partis acteurs de la gouvernance et du développement de notre pays. Tous les acteurs politiques d’aujourd’hui ou de demain, avec le temps, finiront par reconnaitre le mérite d’homme d’Etat qui aura eu la vision de faire ces réformes au profit de l’ensemble parce que ça n’est pas une réforme pour Talon mais pour le Bénin dans son ensemble.
Mais la décision n’est-elle pas trop tard ?
Vous n’avez jamais une réforme sérieuse qui sur le départ ait rassemblé tout le monde. Aujourd’hui, quand nous avons à l’Assemblée nationale un parti d’opposition qui est représenté et à lui seul, fait 28 députés, plutôt que d’avoir trois, quatre voire cinq partis d’opposition qui totaliseraient ces 28 députés, c’est une avancée pour notre démocratie. Quand on a vu la sortie du parti Ld avec les autres formations politiques de l’opposition, c’est déjà une manière d’appliquer le Code électoral qui leur dit qu’ils peuvent se mettre ensemble pour être plus forts, qu’ils peuvent conclure des accords de coalition parlementaire demain s’ils veulent aller aux élections, à différencier de coalition de partis qui vont aux élections. J’ai entendu la Fcbe dire aux démocrates, nous avons 6 maires et plus de 200 conseillers communaux, vous avez de députés mais nous n’en n’avons pas. Demain, on pourrait vous accorder notre parrainage si on a un accord. C’est déjà une façon de mettre en œuvre le Code électoral voté et qui pourtant ne semble pas les satisfaire pour le moment.
Vous restez insensibles aux avis des anciens présidents de la Cour constitutionnelle ?
Que disent-ils ? J’ai noté que le président Holo s’est dit favorable aux grands regroupements. Nous divergeons sur l’approche parce qu’à la fin, il y a ceux qui pensent qu’il faut laisser la sélection naturelle faire son œuvre. Mais nous avons observez que depuis 1990, la sélection naturelle n’a pas fait son œuvre.
Et pour le consensus ?
Le consensus n’a pas marché. La Cour qui a rendu une décision dans ce sens, cette décision appartient à un contexte et à une matière particulière. S’agissant de la loi électorale qui est une loi ordinaire malgré son importance, la Cour et la Constitution ne font l’obligation d’aucun consensus. L’idéal, c’est d’avoir un consensus autour de tout. Mais quand dans une Assemblée, vous avez une majorité et une minorité, vous devez être d’accord qu’on ne puisse pas avoir de consensus tout le temps. Par contre, lorsque les règles démocratiques ont prévalu et qu’un texte a été adopté, la minorité s’incline. Lorsqu’elle n’est pas d’accord et qu’elle saisit l’arbitre, qui statue et valide le texte, à partir de cet instant, tout démocrate, s’il est convaincu d’être démocrate, il courbe l’échine et dit : cette course est perdue, je prends rendez-vous pour un autre challenge s’il en existait.
Source : Bip radio