A l’instar des pays africains, le Bénin connait ces vingt dernières années une propension de la vindicte populaire. En dépit des mesures prises par le gouvernement pour lutter efficacement contre ce phénomène, des cas lui échappent et provoquent le désarroi au sein de la population. Au nombre de ces cas, figure en bonne place celui de la Commune de Tori-Bossito où feu Barthélémy Hounklin, jeune exploitant forestier, a été victime de la furie manifeste des hommes. Flash-back sur le scénario ayant endeuillé et révolté les habitants du quartier de village ‘’Agonmè’’ de Tori-Bossito.
Mardi 06 avril 2021, journée de deuil à ‘’Agonmè’’. Des habitants de ce quartier de village, situé dans la Commune de Tori-Bossito (37 Km de Cotonou), se souviennent encore de cette date lugubre pour la famille Hounklin. Puisque, cette dernière a perdu l’un de ses vaillants fils, Barthélemy Hounklin, exploitant forestier, au cours d’une vindicte populaire, à Ayidohoué, un quartier de village de la même Commune. Selon Dansou Hounklin, le père de la victime, cette date a été une journée de tristesse, d’angoisse, de consternation, d’exaspération, d’envie de répliquer et de lamentations pour tous les membres de la famille Hounklin ainsi que pour les parents alliés, proches et les jeunes du village ‘’Agonmè’’. « Mon fils Barthélemy Hounklin était le seul espoir de ma famille. Il était le seul à me soutenir. Il était à la quête de sa pitance quotidienne lorsqu’il a été tué de façon cruelle par des hommes épris de jalousie. J’étais au bord de la déchéance quand j’ai appris que mon fils a été bastonné, blessé et brûlé vif. Mais il a fallu le soutien de tout le monde, notamment, les fidèles de notre confession religieuse, pour se tenir jusqu’ à présent. Vous savez ? Faire le deuil d’un enfant, comme Barthélémy Hounklin, n’est pas une chose aisée. Je continue de faire ce deuil surtout que nous attendons le verdict de la justice béninoise. Mon défi est d’assister au quotidien, les deux enfants que mon fils a laissés », a fait savoir Dansou Hounklin. Âgé de 72 ans et cultivateur de profession, Dansou Hounklin s’en remet à Dieu et à la justice béninoise pour juger les présumés coupables de l’assassinat du feu Barthélemy Hounklin. Il est à noter que le phénomène de la vindicte populaire est récurrent ces dernières années au Bénin. Outre le cas de Barthélemy Hounklin, celui de Eloi Dogo, l’étudiant en droit à l’Université de Parakou a suscité de vives réactions au sein de l’opinion. Selon le rapport des enquêtes, ces deux victimes sont des personnes innocentes. Dans sa forme la plus connue, la vindicte populaire se caractérise par une succession d’actes de barbarie, de traitements inhumains à l’exemple de la bastonnade, blessures, ligotages, trainages par terre. Les causes de ce phénomène sont nombreuses. On peut citer entre autres, la pauvreté, l’insécurité ambiante, les frustrations générées par l’absence de confiance envers la justice et les forces de l’ordre peuvent pousser la colère aveugle entrainant à la vindicte populaire. Il urge que le gouvernement béninois continue de monter la garde pour éviter ce phénomène à travers des séances de sensibilisation, d’information et de répression à l’endroit des acteurs mis en cause.
Retour sur la situation de la vindicte populaire
Les faits remontent, en effet, au mardi 06 avril 2021. Jeune exploitant forestier, Barthélemy Hounklin était âgé de 27 ans. Il achetait et vendait des bois ruraux dans la Commune de Tori-Bossito. Il était allé voir l’un de ses potentiels clients pour la vente des bois de teck dans une plantation de tecks. Ce client, du nom de Claude Hounkpatin, a instruit l’un de ses collaborateurs du nom de Romain Djogahoun pour aller vérifier l’existence de la marchandise. C’est ainsi que le feu Barthélemy Hounklin avait remorqué le sieur Romain Djogahoun sur sa moto pour lui certifier l’existence des bois sur le terrain. Avant d’entrer dans le périmètre de la plantation de tecks, les deux compagnons ont vu un homme debout au cours de leur passage. Une brève salutation a été faite entre ce dernier et les hôtes. Mais quinze minutes plus tard, grande a été la surprise de tout le monde. L’homme qui se tenait debout a fait une crise d’épilepsie. Face à cette situation, des riverains qui travaillaient dans les champs environnant ont fait irruption avec des armes blanches (bois, coupe-coupe et houes). Ceux-ci se sont dirigés vers Barthélemy Hounklin et Romain Djogahoun, pour les accuser d’avoir provoqué la mort de la personne ayant la crise d’épilepsie. La horde armée a estimé que cette dernière est morte suite à des paroles incantatoires prononcées par les sieurs Barthélemy Hounklin et Romain Djogahoun. Ensuite ces hommes animés de mauvaise foi, ont décidé d’en découdre avec les deux compagnons. Pour réussir le forfait, ils ont embarqué les deux compagnons au domicile de Séraphin Bessan, le Chef village (Cv) de Tori-Ayidohoué. Les accusateurs ont enfermé les sieurs Barthélemy Hounklin et Romain Djogahoun dans la chambre du Chef village. Après quelques conciliabules, Barthélemy Hounklin fût sorti de la chambre du Chef village et livré aux présumés coupables en furie. Ils ont bastonné, blessé, ligoté puis brulé vif Barthélemy Hounklin à quelques mètres du domicile du Chef quartier. Mais avant ce crime, les personnes malintentionnées ont pris le soin de faire disparaitre les deux téléphones de Barthélemy Hounklin ainsi qu’une enveloppe financière de quatre millions cinq cent mille francs Cfa (4.500.000 FCfa) qu’il avait dans ses poches. Ensuite, ces jeunes badauds, sans foi ni loi, ont décidé d’appliquer le même mode opératoire au sieur Romain Djogahoun. « Comme Barthélemy Hounklin, je voyais déjà ma mort. Je ne pouvais rien faire pour échapper à la situation en dépit de la présence du Chef village », a confié, Romain Djogahoun. Ce dernier a été bastonné, blessé, ligoté et prêt à être brûlé. Il a eu la vie sauve grâce à la promptitude des éléments de la Police républicaine du commissariat de Tori-Bossito. Il est à noter que le sieur Romain Djogahoun a été également dépouillé de ses téléphones portables, une somme de cinquante mille (50.000) francs Cfa et des documents au cours de cette situation.
La procédure judiciaire désormais enclenchée
Deux (02) mois après la mort de Barthélemy Hounklin et la vie sauve de Romain Djogahoun, les éléments de la Police républicaine de la Commune de Tori-Bossito ont mis aux arrêts trois (03) présumés coupables et Séraphin Bessan, le Chef village (Cv) de Tori-Ayidohoué. Présentés au procureur du tribunal de la première instance de Ouidah, ceux-ci ont été déférés à la prison civile de la Commune de Ouidah. Selon des recoupements, cinq (05) présumés coupables dans ce dossier seraient en cavale. La première audience a permis aux présumés coupables de reconnaitre les faits et d’avoir participé à cette situation funeste, surtout qu’ils ont été confondus à l’élément matériel (Prise de la vidéo de la scène). Lors de la deuxième audience, courant mai 2022, les trois présumés coupables ont réaffirmé d’avoir participé à la vindicte populaire causant la mort du sieur Barthélemy Hounklin parce qu’ils ont estimé qu’il a tué la personne ayant la crise d’épilepsie. Quelques semaines après, le Chef quartier (Cv), Séraphin Bessan a été libéré contre toute attente de la population. Les parents des victimes attendent avec impatience, la suite du traitement judiciaire de ce dossier.
La libération de Séraphin Bessan suscite des interrogations
Est-il libéré définitivement ou sous contrôle judiciaire ? Seuls les responsables en charge du dossier au tribunal de Ouidah pourront trouver de réponses à ces interrogations. De toute évidence, la sortie du Chef quartier (Cv), Séraphin Bessan n’est pas du goût de la population du village d’Agonmè. Certaines personnes estiment qu’il est complice de la situation, parce qu’il aurait livré Barthélemy Hounklin aux vautours. Rappelons qu’une partie de la population aurait décidé de saccager son domicile après la vindicte populaire. Mais les éléments de la Police républicaine de la Commune de Tori-Bossito et les sages de cette localité ont véritablement joué le rôle de sapeurs-pompiers. Les parents des victimes se posent des interrogations face à sa libération. Il reste discret et s’expose très peu en public depuis sa libération.
Les doléances de Dansou Hounklin et Romain Djogahoun à la justice béninoise
« J’avoue que mes doléances se résument en deux points majeurs. Je réitère que la justice béninoise délibère dans cette affaire afin que nous puissions véritablement faire le deuil. Ensuite, je souhaiterais que les présumés coupables restituent tout ce qu’ils ont dépouillé à mon fils. Parce que je fais face depuis son décès aux charges de ses enfants », a exhorté Dansou Hounklin. Quant à Romain Djogahoun, il reste dans la même logique que le père du feu Barthélemy Hounklin. Il souhaiterait qu’un dédommagement lui soit fait au regard des dépenses effectuées au centre de santé.
Rodéric Dèdègnonhou (Br Borgou-Aliborou)